3 contributions pour débattre : une force de gauche alternative unitaire au service des soulèvements populaires et citoyens 3-3

En cette rentrée complexe, Ensemble ! 34 a décidé de publier 3 textes internes afin de pouvoir contribuer au débats et permettre des clés de compréhensions collectives et individuelles.

Ce 3ème a été rédigé collectivement par des militant·e·s du courant “Ensemble ! Autogestion, Emancipation” le 16 août 2023 et est toujours d’actualité :

Une force de gauche alternative unitaire au service des soulèvements populaires et citoyens !

1- Nahel, Hedi, Mohammed, Virgil, Abdelkarim, et tant d’autres avant eux, quasiment tous visés par des discriminations raciales ! La presse commence à égrener cet été, la liste des jeunes adultes tués ou mutilés ces 2 derniers mois lors des violences policières. Elle révèle ainsi au public comment les quartiers populaires sont réprimés, placés sous surveillance accrue et sous contrôle quotidien par le pouvoir en place. Les forces de police aux ordres, chargées d’organiser le quadrillage des quartiers et réprimer les révoltes qui défient les politiques néo-libérales, de plus en plus autoritaires et répressives, réclament un statut spécial pour leurs futures interventions que semble prêt à leur accorder le gouvernement Macron/Borne/Darmanin qui en appelle à l’unité nationale contre « les jeunes des quartiers ».

2- Le processus de fascisation (cette notion a été actée à la dernière AG d’E ! ) s’accélère et nous entrons dans une nouvelle étape de ce processus : A l’assemblée, l’alliance Macroniste-Droite se renforce.

LR droitise encore plus son positionnement et relaye la revendication de la FNSEA que Darmanin s’empresse de satisfaire, d’interdire les Soulèvements de la Terre, pour l’instant bloquée par le Conseil d’Etat. Le RN vote désormais à l’Assemblée, 1 texte sur 2 du gouvernement. Lors de la révolte des quartiers populaires, de l’opposition à la contre-réforme des retraites, des groupes ouvertement fascistes se sont faits, ici où là, les auxiliaires de la police dans la répression. Face à la prise de contrôle par l’extrême droite du journal « le JDD », le gouvernement Macron/Borne reste totalement silencieux et dès la parution de ce nouveau brûlot néofasciste, la secrétaire d’Etat à la ville s’empresse de lui accorder une interview. Enfin Darmanin prépare une loi anti-immigration que ne désavouerait pas l’extrême Droite.

Cette nouvelle étape est révélatrice d’un capitalisme inamendable, prédateur mais en crise profonde qui voit de multiples contestations se dresser contre lui. Cette étape s’inscrit aussi dans l’affirmation d’un monde multipolaire marqué notamment par un accroissement des menaces impérialistes contre l’auto-détermination des peuples : agression impérialiste de la Russie poutinienne contre l’Ukraine, tensions entre impérialismes au Niger…

3- Suite au meurtre de Nahel, de sérieuses divergences à gauche : le meilleur aura été, dans le champ
politique, la gauche radicale et alternative avec le texte issu du Forum pour l’Alternative du 2 juillet
soutenu par Ensemble!, NPA, Rejoignons-nous.

La FI et Mélenchon ont produit ce qu’il y a de mieux du côté de la NUPES, en étant par ailleurs pris pour cible par le pouvoir et l’ensemble des droites à l’unisson (républicaine, macroniste et néo-fasciste).
En position médiane, les autres composantes de la NUPES, EELV dans la défense du maintien et du rétablissement de « l’ordre républicain » mais dont le positionnement vis-à-vis des révoltes populaires est resté relativement distant. A noter toutefois la position d’Olivier Faure exigeant fort à propos la démission non seulement du ministre mais aussi du préfet et du directeur de la police, dont les propos ont traduit l’existence au plus haut niveau de la police d’une volonté de faire disparaître l’Etat de droit et une logique d’affrontement de type guerre civile.

Le pire aura été la réaction du PCF, favorable au rétablissement de « l’ordre républicain » qui n’est rien d’autre, dans le contexte, que l’ordre bourgeois, reléguant à l’arrière-plan la réalité des quartiers populaires, les discriminations, les violences policières systémiques visant les jeunes racisé·es.

Les problèmes de la NUPES n’invalident pas notre orientation unitaire à gauche et l’exigence d’une NUPES élargie et ancrée à la base autour d’assemblées populaires citoyennes, dont la fonction permettrait entre-autres la parole de la base et la participation de celle-ci aux débats jusque-là confisqués par des états-majors et des député·es.

4- Faire front à gauche, tout en étant audacieux·ses dans nos réponses et notre stratégie. Ainsi, sans prétention d’exhaustivité :

  • La tribune « face à un système raciste, nous refusons d’obtempérer » fait apparaître la possibilité de création à une échelle large, d’un mouvement d’auto-organisation des quartiers populaires, à partir des initiatives locales existantes. Ensemble ! doit favoriser la création primordiale d’un tel mouvement dont est complémentaire le large mouvement antiraciste de solidarité qui se dessine pour le 23 septembre et qui doit se prolonger.
  • La police : un débat politique dans une logique alternative doit s’ouvrir sur une perspective générale de désarmement, d’abolition de la police, comme il a eu lieu dans la gauche états-unienne après l’assassinat de George Floyd, et plus largement sur le plan stratégique d’une alternative à la police telle que nous la connaissons, massivement gangrenée par le racisme et les relents néo-fascistes. Comment assurer la tranquillité et la sûreté en particulier dans les quartiers populaires ? Comment imaginer combiner transformation radicale de la police et auto-organisation dans ces quartiers y compris pour la prise en charge des tâches visant tranquillité et sûreté ? Comment, plus largement, lutter efficacement contre les réseaux mafieux et les trafics les plus divers (par ailleurs alimentés par l’interdiction des drogues et la répression de leur consommation), qui est une question de portée internationale et mondiale, sur laquelle la gauche en France est quasi muette ?
  • Les politiques menées depuis des décennies ont conduit au délabrement des services publics qui sont devenus dans les quartiers populaires, « de pauvres services destinés à une population pauvre ». Leur management libéral sur le mode des entreprises privées les a conduits de plus en plus à une politique de contrôle des populations qui y vivent : par exemple à la CAF où la lutte contre la fraude (en réalité très peu existante) est priorisée au détriment des réponses aux besoins de populations. Ou encore dans l’Education Nationale où le principe de laïcité est dévoyé pour en faire un instrument de contrôle et de suspicion sur les élèves musulman·es. Si les services publics doivent être renforcés, ils doivent aussi être refondés dans leur fonctionnement et permettre, dans une logique autogestionnaire, une gestion directe des personnels en lien avec les usagers·es.
  • Au-delà, il faut mettre en place, en établissant les convergences des luttes et mobilisations, un cadre pour l’obtention « d’un droit à la ville », c’est-à-dire à la revendication collective de l’espace urbain, à sa configuration selon les besoins et aspirations des classes populaires. Ce droit se décline dans de nombreux domaines qui sont autant d’espaces, de lieux, de moments de lutte qui le confortent : centre de santé participatif et autogéré, plan contre les discriminations à l’emploi, fonctionnement dans une optique autogestionnaire des services publics, transports publics gratuits et en nombre suffisant, éco-quartiers et éco-logements dignes réalisés sous le contrôle des habitant·es.

Renforçons ce qui émerge, bouge dans les consciences et semble vouloir devenir durable, des « Nuits debout » aux « Gilets Jaunes », des mobilisations de la jeunesse à celles des féministes pour l’égalité des droits et une société débarrassée du patriarcat, de la bataille des retraites aux « Soulèvements de La Terre » et aux mobilisations écologistes, des luttes pour l’emploi, les salaires et les pensions à celles contre l’inflation, le coût de la vie qui augmente et les prix qui s’envolent comme pour l’alimentation, l’électricité, le gaz, l’eau, les carburants, les assurances et les mutuelles, la téléphonie… , des actions contre les profits capitalistes et la casse des services publics aux luttes pour la santé et l’Hôpital contre les déserts médicaux, des luttes de soutien aux migrant·es et immigré·es chassé·es par les guerres et la misère à la défense des sans-papiers et des demandeurs du droit d’asile , aux activités de solidarité internationale, de l’Ukraine à la Palestine : la conscience naît de former un ensemble, « un peuple » conscient d’être indispensable à la bonne marche de la société, puisque c’est lui qui produit les richesses. Cela dépasse largement le périmètre des espaces militants et englobe des couches sociales larges. Sur fond d’antagonisme de classe, de lutte contre le capitalisme et les requins de la Finance, l’exigence d’une véritable souveraineté populaire grandit.

5- Le Forum pour une alternative qui s’est tenu à Montreuil le 2 juillet et a regroupé près de 200 militant·es a immédiatement reconnu l’importance de la révolte des quartiers populaires et exprimé sa solidarité pleine et entière avec elle. La tenue de cette initiative, portée et encouragée par le courant redonne perspective et espoir, au-delà des militant·es d’Ensemble ! de Rejoignons-nous et du NPA : c’est important dans un contexte marqué par le sentiment de confusion et de recul, alimenté par les difficultés et les secousses internes rencontrées depuis plusieurs années au sein d’Ensemble ! et du NPA. La qualité des échanges et l’affirmation de la volonté d’ancrer le processus à la base avec la tenue de forums locaux à l’automne sont les deux autres aspects positifs du Forum. Mais ils ne doivent pas dissimuler l’ampleur et les difficultés de la tâche.

Il y a d’abord un scepticisme très répandu du côté des associatifs, syndicalistes et autres altermondialistes, dont la participation au processus est pourtant indispensable… mais qui sont partagés entre l’attrait d’une nouvelle force correspondant à l’outil politique manquant et indispensable, d’un côté, et de l’autre une méfiance instinctive vis-à-vis de toute perspective d’organisation politique. Il y a aussi, au moins sur trois points, les lourdeurs encore présentes liées à la culture du parti-guide, une relative ignorance de la nécessité d’une orientation unitaire avec l’ensemble de la gauche, et enfin une référence telle que l’écosocialisme qui de fait relègue au second plan notamment le féminisme, l’autogestion ou le droit des peuples à l’autodétermination.
Il s’agit maintenant pour Ensemble ! de confirmer cette dynamique en impulsant l’organisation de forums alternatifs larges à la base.

6- une force de gauche alternative pour des soulèvements populaires et citoyens : depuis des mois, le pouvoir, coupé du peuple ne cesse de s’opposer à la société. Nous sommes convaincus que les changements nécessaires ne viendront pas d’en haut mais des confrontations, de propositions nouvelles et des expérimentations entre tou·tes les citoyen·nes.
Les mouvements de protestations peuvent devenir les lieux -et les forces- où se définissent de nouvelles règles de vie démocratique et où s’élaborent des solutions pour se soustraire aux dominations. Nous pouvons ainsi en nous immergeant dans les luttes et initiatives contribuer à ce que nous n’appelons déjà plus « le mouvement social » et qui commence à investir le champ de la production politique. Cette dynamique comprend aussi la transformation de nos rapports au vivant.
Gardons à l’esprit la volonté exprimée par chacun·e de plus en plus dans les mouvements sociaux et citoyens de conserver la maîtrise de ses actes et d’agir avec d’autres sans risquer d’être entraîné·e là où iel ne le souhaite pas !
La défiance des citoyen·nes touche désormais toutes les institutions dites représentatives qui pensent et décident à leur place. Ayons une visée d’ensemble (plutôt qu’un programme électoral), un projet suffisamment clair pour donner du sens à l’immédiat. Imaginons un processus de transformations radicales qui au fur et à mesure de leurs mises en actes, vers l’affaiblissement puis la disparition des systèmes de domination/exploitation et de productivisme détermineront in fine les contours d’une société alternative.

Les forums locaux ou départementaux ne peuvent se limiter à une réplique décentralisée du forum national. Cherchons à favoriser leur émergence à partir de celles et ceux qui, en divers lieux de vie, participent à des luttes et à des expérimentations alternatives, et veillons à ne pas leur donner le sentiment que nous voulons les encadrer pour les récupérer, tel·les des expert·es qui attendent l’adhésion des ignorant·es.

Plusieurs éléments nous paraissent favorables à la réussite du processus commencé le 2 Juillet : l’impulsion donnée désormais par la base et la nature ascendante de ce processus,sa capacité à s’ouvrir bien au-delà des composantes présentement engagées le 2 juillet,son ouverture au débat, notamment sur la question du rassemblement de la gauche et des questions stratégiques pour la révolution aujourd’hui, enfin, la capacité à imaginer la fonction et le fonctionnement d’une force politique démocratique et non-gazeuse, mais qui tienne compte aussi de l’échec historique de la “forme-parti” et du discrédit généralisé des partis politiques existants.
Travaillons toustes ensemble à la réussite du processus de création d’une nouvelle force de gauche alternative, unitaire, populaire et citoyenne !

Le 16 Août 2023

Premier·es signataires : Bernadette BOUCHARD (06), Florence CIARAVOLA (06), Hocine CHEMLAL (29) Odile CHOLET (22), Bruno DELLA SUDDA (06), Sylvie LARUE (35), Corinne LE FUSTEC (22), Christophe LEMASSON (22), Jean-Pierre MARTIN (75), Noufissa MIKOU(94), Dominique RESMON (29), Patrick VASSALLO (34), Pierre ZARKA

Partager :
Ensemble 34