Postiers des Hauts Cantons: où en est la grève?

Compte-rendu de la réunion publique des postiers en grève, le 7 avril à Bédarieux

La réunion tenue à Bédarieux mercredi 7 avril ne réunissait pas que les postiers de Bédarieux. De nombreuses délégations d’autres centres, en grève ou non, étaient présentes. Des représentations départementales des syndicats CGT et SUD étaient là et se sont longuement exprimées. On remarquait la présence d’élus locaux et de la direction du Parti Socialiste de Bédarieux. Jean-Luc Falip, maire de Saint-Gervais-sur-Mare et la première adjointe à la mairie de Bédarieux sont, sauf erreur, les seuls élus à être intervenus. Le PS n’a pas montré le bout du nez dans les nombreuses interventions. C’eût été à ses risques et périls étant donné son engagement sans réserve pour les privatisations.

La première adjointe de Bédarieux s’est embrouillée quand elle voulut justifier l’absence de son maire, aucune justification administrative n’étant acceptable devant une manifestation et une invitation claire lancée depuis plusieurs jours concernant Bédarieux !

Le directeur de La Poste s’est engouffré dans sa voiture dix minutes avant la réunion, pour disparaître sans un mot aimable pour « ses » postiers. La Poste refuse de s’expliquer avec ses agents, attitude classique des patrons voyous.

Nous étions au 15ème jour de grève à Bédarieux. 90 participants emplissaient la salle. Dimitri ouvre la soirée par une description des errements de la direction de La Poste de Bédarieux qui, elle le reconnaît, applique des directives supérieures pour casser à terme tout mouvement de résistance du personnel.

Voyons quelques problèmes. Que signifie en pratique la réalisation d’un « bénéfice » de 15 000 euros pour la plate-forme de Bédarieux (qui réunit les bureaux de Bédarieux, Lamalou, Olargues, Saint-Gervais et le Bousquet-d’Orb) ? Cette somme ridicule dans le budget d’une entreprise résulte d’une augmentation de la charge de travail pour les postiers. La réalisation d’un tel « bénéfice » n’a aucune utilité sociale et s’apparente à du vol. Ce lamentable pécule viendra s’ajouter aux 530 millions d’euros de profits réalisés en 2009 par La Poste-France avec des moyens identiques appliqués dans tout l’hexagone. Avec le fric ainsi détourné, La Poste a fait l’acquisition de 300 voitures BMW pour le plaisir de ses cadres ! La corruption apparaît, à travers cet exemple, au détriment des employés et des usagers.

Contre les revendications des postiers, La Poste joue le pourrissement, arguant que les postiers ne pourront pas faire grève 6 mois ! Que veut l’entreprise La Poste ? Il suffit d’aligner les points sur lesquels elle refuse toute concession pour le comprendre :

– Augmenter la flexibilité en partageant les tournées. Les facteurs ne sont plus des « spécialistes » de leurs tournées et des usagers qu’ils connaissent bien ;

– Augmenter la charge de travail de chaque travailleur pour en réduire le nombre ;

– Ne plus couvrir toutes les tournées en supprimant les remplaçants, voire en passant à terme à une tournée tous les deux ou trois jours, ce qui augmentera le rendement en diminuant le nombre des agents. Ces mesures typiquement capitalistes de recherche du profit maximum indiquent que l’entreprise La Poste est en train de passer la ligne rouge contre les intérêts des usagers.

Cette politique correspond à ce qui se passe à la SNCF, à EDF ou dans l’Education qui doit supprimer 11 000 postes par an. 300 emplois à La Poste-34 sautent alors que l’Hérault est le département dont la population croît le plus vite. 8000 postes ont été supprimés en France pendant la même période. Cela donne une idée de la pression que subissent les postiers pour garantir le service et, comme l’exprime un intervenant : « Les conditions de travail deviennent dramatiques ». Il décrit l’apparition de tensions sans précédent entre agents et direction dans de nombreux bureaux : menaces, insultes, dégradation des rapports humains entre les travailleurs, modifications arbitraires des conditions de travail, voire rappels injustifiés d’agents en vacances… Des caméras de surveillance apparaissent dans les centres pour surveiller… le personnel. La Poste commence à utiliser des « médecins-contrôleurs » qui vérifient la validité des arrêts de travail en visitant les agents malades ou accidentés. Ces contre-visites sont rémunérées 200 euros par La Poste. Surprise : l’un de ces médecins a allongé l’arrêt donné précédemment par un médecin libéral à un postier brisé par ses conditions de travail.

Rappelons que les postiers travaillent même le samedi alors qu’ils doivent 35 heures/hebdo. Enfin, les tournées ne se font pas sur horaires fixes : l’agent se doit de la terminer quand bien même un incident (fréquent) la rallongerait. Il y va de sa crédibilité auprès des usagers. Mais cela a-t-il encore un sens pour les requins de l’entreprise La Poste qui ont déjà fait la démonstration qu’ils cherchent à briser les liens humains agents-usagers à tous les niveaux en licenciant des postiers qui rendaient des services aux personnes isolées ou âgées !

Les interventions documentées des syndicats départementaux donnent des infos intéressantes. On apprend qu’un épicier de village qui accepte l’enseigne d’Agence postale en remplacement du bureau préexistant gagne… 100 euros/mois. C’est un énorme bénéfice pour La Poste. Mais les épiceries de villages disparaissent progressivement et les Agences postales suivent ! La Poste propose aux maires de déléguer des agents municipaux ou d’assumer la création d’Agences postales. Les municipalités qui acceptent ne font que combler le déficit local de l’entreprise La Poste avec l’argent des contribuables. C’est pourquoi ces initiatives municipales, quand le Conseil municipal n’a pas compris que c’est une arnaque, doivent être repoussées partout.

Si les interventions des meilleurs syndicalistes étaient bien fournies, une gêne planait pourtant sur cette assemblée combative. Car au delà des postiers, la participation des salariés et des chômeurs était faible, presque inexistante si on ne compte pas les familles et les amis des postiers. C’est que le mot « privatisation » n’a pas été prononcé une seule fois. Le contexte politique de la casse des services publics, du don des PTT à quelques capitalistes, du rôle de l’ex-Union de la Gauche, et les responsabilités du Parti socialiste dans l’offensive réactionnaire européenne contre les services publics n’ont pas été évoqués. Les représentants du PS présents ne sont pas gênés que deux ministres socialistes, Rocard et Quillés, se soient immortalisés en donnant leur nom à la loi de 1990 brisant le monopole des PTT et instaurant une gestion individualisée des personnels ! En effet, personne ne leur en fait reproche, comme si nous pouvions accepter cette trahison ! Puis la ratification du traité de Maastricht (1993) prônant « l’ouverture de la concurrence », formule dissimulant le passage des PTT au privé, a été soutenue et votée par tous les partis sociaux-démocrates sans exception. Le Parti socialiste français a voté ces mesures ultra-réactionnaires au Parlement européen !

C’est à cause de ces réunions convenues, peu claires sur la réalité historique toute récente des faits, c’est-à-dire sur les abandons et les trahisons des élus, qu’à la longue les travailleurs perdent confiance dans leurs représentants et délaissent des réunions importantes qui les concernent, parce qu’ils ne croient plus ce qu’on leur dit… à cause de ce qu’on ne dit pas ! Presque 10 000 tracts distribués appelant à cette réunion pour une participation solidaire aussi faible de travailleurs non postiers nous interpelle tous.

Pourtant les perspectives immédiates ne manquent pas pour les postiers. Le mouvement des postiers est combatif. Malgré le manque de coordination des luttes qui ne s’effectuent plus guère qu’en partant de la base, près de 150 luttes des postiers sont en cours sur le plan national en 2010. De nouveaux centres se proposent de partir en grève à leur tour dans l’Hérault. Les revendications sont partout les mêmes ! C’est pourquoi les postiers de Bédarieux proposent un rassemblement devant La direction départementale de La Poste pour ouvrir une négociation profitable aux usagers comme aux salariés.

Un bus sera mis à disposition vendredi à 13 heures, place Cot à Bédarieux pour effectuer le voyage.

Affaire à suivre donc, pour leur apporter au maximum notre soutien.

Contacts : Union locale CGT 04.67.95.06.57. ou auprès des facteurs devant la poste de Bédarieux tous les matins.

Yves Dachy.

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