Nadia était en Cisjordanie avant le déclanchement de l’attaque israëlienne sur Gaza. Son témoignage paru dans Motivé-e-s (mensuel de la LCR 34) de janvier 2009 est éclairant sur ce qu’est l’occupation au quotidien, sa brutalité, celà même hors période de guerre. Nadia
de Montpellier a participé à la
142e mission civile CCIPPP.
comprendre la nature du conflit
israélo-palestinien, sans qu’un
media ne vienne polluer l’information
avec les manipulations que l’on
connait désormais. Apporter mon
soutien aux familles, une présence,
une manière de s’excuser du silence
de notre état des » droits de l’homme
» face à leur situation qui a
dépassé l’urgence il y a déjà bien
longtemps. Au cours de cette mission
j’ai rencontré de nombreuses
familles qui avaient toutes des récits
à transmettre comme un appel au
secours, en voici quelques uns.
Les oliviers
Je me rappelle avoir cueilli à la hâte des
olives sur un champ très près des colonies,
cueillir un maximum avant que
l’armée ne vienne nous chasser. Une
demi-heure plus tôt, l’accès à ce champ
était refusé. Suite à l’arrivée des internationaux,
la famille a pu accéder à ses
terres.
Une dame raconte que depuis 3
ans ils n’avaient pu récolter les olives
qui se trouvent ici, elle a des photos de
l’an dernier montrant les colons en train
de récolter leurs olives !
Il fallait cueillir
vite, la précipitation ambiante était palpable,
finalement il ne restait à cueillir
encore quelques oliviers quand la police
est venu dire : » Plus que 10 minutes
pour quitter le champ ! «
Sur les champs d’oliviers ces colons le
regard haineux, le visage rouge de colère
et la bouche qui insulte. En les observant
j’avoue qu’ils me font quand même de la peine, tous ces jeunes hommes
ou femmes manifestement lobotomisés
par je ne sais quelle doctrine,
sans aucune conscience de la réalité
de la vie. Des gamins comme on l’entend
dire qui se croient dans un jeu
vidéo, quel triste spectacle !
(…)
Ce fermier qui efface à l’aide d’une
pierre la croix rouge marquée sur son
olivier. Une route de contournement
(pour faciliter l’accès aux colonies)
est en train de se construire sur sa
terre à proximité du mur, cette route
sera interdite d’accès aux palestiniens.
Il a perdu plusieurs hectares de
ses terres et des oliviers ont été arrachés
pour être replantés de l’autre
coté du mur ou revendus, certains ont
été brûlés, d’autres enterrés par les
travaux.
La croix rouge veut dire que
cet olivier va être arraché…
Mohammad était dans le temps un
chef d’entreprise qui employait 20
personnes dans ses champs, aujourd’hui
on lui a pratiquement tout volé,
il rassemble toute sa famille pour
cueillir ce qu’il lui reste. Il raconte que » c’est la terre de mes aïeuls et de
mes enfants je n’ai pas le droit de la
vendre et je ne l’ai pas vendue mais on
me l’a volée ! «
Jetée au sol
J’ai été jetée au sol, trainée, écrasée,
capturée, menottée, embarquée par
des policiers et des soldats de l’armée
israélienne, pour avoir aidé des paysans
à récolter leurs propres fruits,
sur leurs propres terres en
Cisjordanie.
Un policier israélien
rouge de rage serre mon poignet encore
plus fort quand je lui dis que cela me
fait mal, il serre encore plus fort jusqu’a
enfoncer mon bracelet dans ma peau ;
arrivé à la voiture de police, il me serre
bien les menottes aux poignets, je me
souviens de sa déception quand il voit
mon passeport français « shit she’s french
(zut elle est française) » !!!
Nous avons été prises en photo avec un
soldat au commissariat, j’ai demandé
pourquoi; on m’a répondu que c’était le
plus beau garçon du coin, j’ai refusé
mais un policier nous a forcé à nous
lever, regarder l’objectif. Sur la photo
on pourra apercevoir une fille d’origine
africaine à droite, le soldat avec sa
mitraillette au milieu et une fille
d’origine maghrébine à sa gauche ;
une sorte de trophée de guerre pour
ces pauvres hommes égarés.
Enterrés vivants
Fidha 23 ans, étudiante en psychologie,
parle des conditions de détention
de son frère. Elle raconte, raconte,
raconte, je ne comprends pas tout
mais j’écoute attentivement, je vois
bien qu’elle a besoin de tout dire.
Pendant plusieurs jours, son frère a
été enfermé dans un sous-sol sans
aucune source de lumière suite à
quoi il est directement emmené sur
le toit, saisi de manière à bien regarder
dans la direction du soleil et attaché
dans cette position ; de nombreux
prisonniers ont perdu la vue.
Sa mère a vu certaines brûlures dans
son cou qu’il cherchait à dissimuler
pour ne pas l’inquiéter d’avantage.
Dounia raconte l’histoire de son
frère; il a été arrêté par un char de
l’armée au centre du village, il est
gardé et est interrogé sur place pendant cinq heures pour
finalement être relâché
libre, il n’aura pas le
temps de faire cinq
mètres que le soldat
lui tire dans le dos…
Un habitant de Gaza,
un des rares blessés à
avoir obtenu un laissez-
passer pour se
faire soigner (interdiction
pour lui de se
rendre ailleurs qu’à
l’hôpital).
Nous lui
demandons comment
est la vie à Gaza ?
Quelle vie ?
À Gaza nous n’avons
pas de vie, nous sommes comme
enterrés vivants «
Taima 5 mois, surprise dans son sommeil
par un tir de gaz lacrymogène
qui brise la fenêtre de sa chambre à
Ni’lin. En septembre 2008 elle a passé
une semaine à l’hôpital de Ramallah
s’en sort avec de sérieux problèmes
respiratoires qu’on entend à chacune
de ses inspirations. Sa cousine âgée
alors d’une semaine a passé son premier
mois de vie à l’hôpital pour faire
des dialyses !!!
Un jeune footballeur en pleine santé
de 17 ans conserve les images de l’assassinat
de son ami il y a un mois,
filmé du toit de sa maison.
On y voit
un homme à terre, les soldats qui
s’acharnent à tirer sur un corps déjà
mort, qui s’approchent et soulèvent sa
tête avec un bout de bois en la laissant
retomber à plusieurs reprises. Les
témoins nous racontent qu’ils étaient
cachés sur le toit de la maison voisine
qu’ils avaient été témoin de toute la
scène ; par la suite les soldats on lâché
des chiens sauvages sur le
corps du jeune homme.
Dans
la vidéo suivante on voit le
corps au moment où il est lavé
avant l’enterrement… De très
nombreux impacts de balles
sur la poitrine et des morsures
de chien sur les bras, le torse
et les jambes…
Je n’ai pas pu
aller au bout de la vidéo, c’était
trop dur !!!
Je me rappelle avoir eu envie
de vomir, de boxer, de me
défouler, de pleurer, de crier,
d’extérioriser mes sentiments,
mais comment craquer face à ceux qui gardent le sourire et la tête
haute malgré tout.
Un étudiant en agronomie de Tulkarem
» Notre vie à toujours été comme ça,
pour aller en cours le matin on patiente
pendant des heures au check-point,
souvent on rate toute une matinée de
cours, les soldats sont là partout, ils
patrouillent la nuit dans le village et
font du bruit pour terroriser les habitants,
parfois ils entrent dans les maisons
brutalisent les gens, violentent les
femmes et arrêtent ceux qui osent se
défendre. » Et effectivement au cours
de la discussion on entend des éclats de
rire dans la rue et du haut du toit-terrasse
nous apercevons des chars et des
jeeps passer dans le village en plein
milieu de la nuit. (…)
Un incroyable sourire
Abu Nameer, maire de Kufr
Kaddoum, un homme calme au
regard triste. Il cueille des olives, va
chercher de l’eau, prépare le thé et
très souvent il répond au téléphone
qui sonne toute la journée. Il organise
les départs et arrivées de chacun,
se déplace sur les champs des autres
fermier pour négocier avec l’armée,
il est partout à la fois et encore et
toujours cet incroyable sourire sur
son visage. Face aux colons et à
l’armée il n’a pas froid aux yeux et
n’a peur que de Dieu, il se défend
quand il est insulté et répond même
en hébreu. Il n’est pas dupe et sait
très bien que l’armée est de mèche
avec les colons, cependant il est toujours
dans la négociation, il dénonce
le comportement des colons et
demande a ce que l’armée fasse respecter
la loi aussi injuste soit-elle. Il
ne perd pas son sang froid et est
d’une patience… stupéfiante !!!
Je me rappelle avoir promis de transmettre
ces récits, avoir promis de revenir.
La Palestine a été effacée de la
carte, les palestiniens sont oubliés par
le reste du monde. Notre devoir est de
faire pression sur nos gouvernements
pour que cela cesse, rester dans le
silence nous rend complices…
NADIA