Entretien avec Julien Domergue le Délégué syndical de Sud commerce de Sauramps suite au jugement de mercredi.
1) Depuis mercredi 19 juillet où en est-on à Sauramps?
Le 19 juillet la Cour d’appel de la chambre de commerce de Montpellier a rendu son verdict relatif au dossier de reprise du groupe Sauramps. Les juges ont annulé le jugement rendu par le tribunal de commerce au motif d’un vice de procédure. Ils ont ensuite statué en faveur de la société Ametis dans le cadre du plan de cession, parce que socialement et économiquement ce dossier est celui qui est, de loin, le mieux disant et que contrairement à ce que l’on a pu entendre jusqu’alors, Odyssée est économiquement viable sous 2 ans.
2) Comment cette décision a été prise par les salariés?
37 emplois supplémentaires sont d’ores et déjà sauvés par rapport à l’offre qui était celle du Furet du Nord retenu en première instance. Nous allons tout faire dans un second temps pour que d’autres personnes garnissent encore quelques temps les rangs de la librairie.
Cette décision est donc un soulagement pour la grande majorité des personnes pour deux raisons. La première, évidente, est que de 57 nous passons à 94 emplois conservés, sur non pas deux, mais trois sites. La seconde est que nous pouvons enfin entrevoir une fin de 13 mois de procédure judicaire (mandat ad hoc le 5 juin 2016, redressement le 13 mars 2017..Il reste toutefois des questions quant à la gouvernance de l’entreprise, la crainte majeure étant que les responsables du marasme (directeur du Triangle, responsable des frais généraux et responsable logistique) s’en tirent à bon compte et reste salariés d’un groupe qu’ils ont mené (sous la bienveillance de Jean Marie Sevestre) au bord de la liquidation. Nous restons donc très attentifs au futur.
3) Le repreneur s’est-il engagé à maintenir tous les sites ? Combien de temps ? Dans ce projet de reprise de Sauramps combien d’emploi seront maintenus ?
Un engagement judicaire de 4 ans a été pris socialement et géographiquement. Il concerne les 3 sites (Alès, Odyssée et Triangle) et maintient à minima 94 salariés (sans distinction de sites).
4) Quelle est la prochaine étape désormais pour les salariés? Et notamment pour vous délégué syndical, délégués du personnel ?
Nous nous devons de rester attentifs et mener des négociations dès lundi pour sauver des emplois supplémentaires, parce qu’en l’état nous estimons les effectifs insuffisants pour travailler correctement. Six ou sept emplois au minimum sont nécessaires. Nous ferons également en sorte que ceux qui sont amenés à partir soient accompagnés de mieux possible.
Et pour tous, avec la réouverture des comptes dès ce jeudi 20 juillet, la priorité c’est de redevenir un lieu attractif en reprenant le travail dans des conditions optimum avec le plus de livres possible.
Je le redis encore une fois, parce que c’est important, mais pour travailler dans des conditions optimum il faudra très vite se séparer des personnes qui ont coulé les librairies, poussé des personnes au burn-out et/ou à la démission. Nous veillerons donc à ce que l’humain redevienne le centre du projet Sauramps.
5) Comment allez vous pouvoir, maintenant que vous avez montré votre capacité d’agir collectivement, avec le soutien extérieur de syndicats, de la population de Montpellier, tenter d’influer sur le cap que va prendre le nouveau propriétaire de Sauramps en terme de politique salariale, de choix stratégiques?
Messieurs Fontes et Barascud prennent possession des lieux parce que nous nous sommes battus pour qu’une justice sociale soit rendue. Indirectement ils en profitent. Cette lutte a été suivie, elle a mobilisé des élus, le public et a réveillé la flamme de la solidarité chez de nombreux collègues. Ce n’est pas pour autant que nous devons nous positionner en « vainqueurs » lors des négociations à venir. Les dirigeants d’Ametis souhaitent créer des groupes de réflexions, de projets… pour que nous ayons un moyen d’influer sur le cap en terme stratégique. Pour le salarial, d’ici Noël il leur faudra prendre en compte 4 ans de stagnation.
Si pour ces dossiers ils ne tenaient pas leurs engagements, que je pense sincères, nous nous servirons de cette expérience collective pour faire pencher la balance. Les médias, le public, les pancartes, la grève maintenant tout Sauramps les connait, mais si on peut s’en passer… A titre plus personnel j’espère que la démonstration de mobilisation de Sud Solidaires convaincra d’avantage de salariés d’adhérer à Sud Commerces et Services et de valider notre action en octobre prochain, date de nos élections de la DUP.
6) Qu’est ce que tu retiendras de cette mobilisation à Sauramps ? Quel premier bilan peux-tu en faire ?
Cette mobilisation a suivi une prise de position. La première leçon que j’en tire c’est toute prise de position franche amène de la division. Mais à force d’explications, quand on est honnête et juste on termine toujours pas faire adhérer le plus grand nombre.
Je retiens aussi l’arrivée tardive des politiques dans le dossier. La directrice de cabinet de Mme Nyssen (ministre de la culture) est venue le 1er juin à Sauramps, mais après ça, jusqu’à la première grève, personne n’a souhaité prendre position. Si Michael Delafosse a été très présent dès le 29 juin, ainsi que d’autres acteurs en interne à la Mairie, Muriel Ressiguier a publié un communiqué assez tardivement mais n’est jamais venue à notre rencontre. Quant à Saurel il est resté muet jusqu’au bout alors que 60 emplois étaient menacés sur sa commune et qu’un magasin était liquidé.
Je retiens quand même qu’en étant respectueux de ses interlocuteurs on peut réussir à mobiliser les médias, à rencontrer le préfet, son directeur de cabinet, le procureur, son assistant, la directrice de cabinet de la ministre en tête à tête d’une heure…
Enfin, j’en ressors convaincu de mon engagement syndical à Sud, car sans le mégaphone de Noël Mas les discours seraient moins bien passés.
Tout cela n’étant que le début d’un renouveau pour Sauramps, dont il faudra s’assurer qu’il nous porte longtemps et dans les meilleures conditions.
Propos recueillis par Boris Chenaud.