Région Occitanie. Voeu adopté pour un rapprochement avec la région autonome kurde du Rojava

Suite à une proposition du groupe Nouveau Monde en Commun, un voeu a été adopté pour un rapprochement entre la région Occitanie et la région autonome kurde du Rojava en Syrie, dont  fait partie la ville martye de Kobané. 

Pour une reconnaissance et un jumelage de la région Languedoc-Roussillon / Midi-Pyrénées avec le Rojava
Ce voeu a été adopté

Le groupe NMC suit avec intérêt les évènements qui se déroulent actuellement dans la province autonome kurde du Rojava situé dans le nord de la Syrie, où le peuple kurde mène une expérience politique inédite et une lutte quotidienne contre les forces de L’Etat Islamique. Kobané, ville centre du Rojava a été une bataille emblématique contre DAESH avec notamment la lutte des unités combattantes des femmes (YPJ).

Ce territoire de 6 millions d’habitants a adopté une constitution très progressiste, basée sur la démocratie communale, le féminisme, la laïcité et l’écologie. Cela représente un espoir pour la paix en Syrie et une alternative démocratique au Moyen-Orient. 
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Kurdistan, la mise en œuvre concrète d’un nouvel imaginaire démocratique 

Point de vue, par Caroline Molino, militante à Ensemble ! Montpellier

 

Ce qui se joue aujourd’hui au Rojava syrien et au Kurdistan nord (« Bakur », côté turc) ressemble moins à une lutte nationale qu’à une révolution sur des bases d’auto-organisation qui dépasse largement la simple carte identitaire kurde. 

Sous l’impulsion d’Öcalan inspiré par l’écologie sociale radicale de Murray Bookchin découvert depuis sa prison, le mouvement kurde a changé de paradigme : abandon de la revendication nationaliste désormais considérée comme une entrave à l’émancipation. En 2005, dans son texte consacré au « Confédéralisme démocratique », Öcalan propose « une voie pour le futur » et une vision de de paix pour l’ensemble du Moyen-Orient à rebours du modèle de l’État-nation façonné par l’Occident et de l’exclusive identitaire, et met en avant la portée universaliste de sa cause.

 

 

 

Le champ politique kurde est un des rares espaces au Moyen-Orient porteur d’un projet de société socialiste, écologiste, anti-patriarcale et sécularisée.

Au même titre que le soulèvement zapatiste de 1994, au moment des traités de libre-échange entre les Etats-Unis et le Mexique, a su marquer la renaissance d’un esprit de résistance à l’ordre capitaliste mondialisé, l’exemple de radicalité démocratique au Rojava répond à un imaginaire transnational de remise en cause des structures politiques traditionnelles.

 

« Le KCD est une organisation civile et sociétale qui tient le rôle d’un protoparlement du mouvement kurde, nous explique Musa. Il est composé de 501délégués, hommes et femmes, dont 60% sont élus lors d’une consultation populaire et le reste mandatés démocratiquement par différentes organisations politiques. Nous tenons une assemblée générale tous les trois mois, où nous veillons à prendre les décisions par consensus. Le Congrès refuse la hiérarchie et la mentalité étatique. Il refuse également la modernité capitaliste et essaie de lui substituer une modernité démocratique. » Musa nous expose, dans un discours plutôt formel, les paradigmes du projet démocratique du mouvement kurde. «  Le KCD cherche à appliquer trois principes : 1) L’auto-administration de la société civile. 2) L’autosuffisance économique vis-à-vis de l’État. 3) L’interdépendance et la coopération entre les organisations et les différentes composantes ethniques du Kurdistan (Arméniens, Assyriens, Araméens, Syriaques, Chaldéens, etc.). De la commune villageoise au canton, du quartier à l’assemblée de ville, nous encourageons la société à s’organiser du bas jusqu’en haut. » À Diyarbakir, il y a quarante-deux assemblées de quartier, ainsi qu’une dizaine de « commissions » portant sur les différents paradigmes  : éducation, travail, industrie non productiviste, urbanisme, écologie, femmes, jeunes, diplomatie, « problèmes et réparations » – paradigme qui repose sur un règlement des contentieux par des formes de médiation, en opposition «  au droit “positiviste” de la justice d’État qui repose sur la sanction et crée plus de problèmes qu’il n’en résout ». Assemblées et commissions se croisent et s’entremêlent et les couches du mille-feuilles du modèle démocratique kurde sont parfois complexes à démêler. « Notre combat prend en compte tous les acquis des mouvements antérieurs comme leurs défaites. Ainsi, nous pensons que la révolution russe de 1917 a échoué à créer une alternative démocratique à la modernité capitaliste et nous ne reconnaissons aucun pays socialiste au monde. Par ailleurs, nous n’attendons rien de l’État turc, qui, malgré quarante ans de résistance kurde, ne nous a jamais laissé aucun espace d’expression. Notre but est précisément de rétrécir l’État et d’augmenter l’espace démocratique. »

 

 

Depuis quinze ans, le parti pro-kurde BDP (Parti pour la paix et la démocratie – les six formations pro-kurdes légales antérieures ont été tour à tour dissoutes par la Cour constitutionnelle) a pu conserver la gestion de la ville de Batman. Aux élections de mars 2009, il avait obtenu 99 mairies au Kurdistan, mais peu après l’État turc procédait à l’arrestation arbitraire de près de 8 000 personnes sur tout le territoire, dont de nombreux élus kurdes et militants associatifs, pour tenter de contrecarrer la mise en place d’une auto-administration kurde. Aux élections municipales de mars 2014, le parti, en se ralliant sous la bannière HDP (Parti de la Démocratie des Peuples) avec une partie de la gauche turque, a confirmé sa position dominante et remporté plus de cent mairies, dont plusieurs villes-préfectures (Mardin, Diyarbakir, Sirnak, Siirt, Batman, Dersim – nom officiel, Tunceli – et Igdir). C’est aussi la seule force politique qui a proposé 40 % de candidatures féminines – en comparaison, au sein de l’AKP, les femmes ne sont représentées qu’à hauteur de 1,23 %.

La parité municipale, non reconnue par l’État, vise à mettre en place un système nouveau où l’homme et la femme administrent la cité d’égal à égale.

Les deux maires de Batman, Sabri Özdemir, le maire officiel, et la vice-présidente Gülistan Akel, nous accueillent tout sourires dans un bureau clinquant. Ils revendiquent une « gestion populaire », et ce en dépit des obstacles que leur oppose l’État turc. Outre la rupture affichée avec le clientélisme de leurs prédécesseurs, nous essayons de comprendre ce qui les différencie de gestionnaires municipaux classiques. Partant des mesures prises en direction des femmes, Gülistan Akel nous explique  : « Dès 1999, nous nous sommes concertés avec les organisations autonomes de femmes pour lutter contre leur exclusion de la société. Nous avons depuis ouvert un centre d’accueil pour les femmes victimes de violence, un atelier de formation professionnelles, des services de santé spécifiques. Nous souhaitons ouvrir un foyer d’hébergement pour les femmes, mais l’État cherche à nous en empêcher. Nous proposons aussi des stages de sensibilisation aux droits des femmes dans les quartiers. Batman possède aussi l’unique centre sportif féminin de Turquie ! Nous avons également instauré une journée gratuite pour les femmes dans les transports en commun, le mardi, afin de les aider à sortir de leur réclusion. Au sein du personnel de la mairie, nous n’acceptons pas les polygames et, si un employé est reconnu coupable de violences sur son épouse, nous reversons directement une partie de son salaire à celle-ci. »

Comment s’articulent les principes de l’autonomie démocratique ? « Nous essayons d’appliquer le confédéralisme démocratique, indique d’emblée Sabri Özdemir. Le processus d’assemblées de quartier débute seulement. Nous travaillons avec ces assemblées afin de répondre à leurs demandes et les sujets qu’elles abordent sont répercutés au sein du conseil municipal. L’administration locale, pour nous, c’est faire en sorte que la population puisse à terme parvenir à l’autogouvernement. 

Nous insistons sur trois principes de démocratie :

 1)La volonté du peuple doit prévaloir.

 2)Notre ville doit se rapprocher de la nature. 

3)Nous devons œuvrer pour l’émancipation de la femme. » 

 

La ligne du PYD  : 

« Nous avons construit une troisième voie en Syrie : ni avec l’opposition armée ni avec le régime, mais pour une transformation pacifique du pays. Bachar a affirmé avoir soutenu Kobané, mais c’est de la pure propagande, car avec la frontière turque fermée au nord et Daech attaquant par trois côtés, comment aurait-il pu nous venir en aide ? Nous sommes prêts à nous défendre si le régime nous attaque. Certaines organisations internationales essaient de nous calomnier en nous faisant passer pour des alliés du régime. Depuis les accords Sykes-Picot, les différentes puissances ont toujours voulu assigner les Kurdes à un camp ou à un autre, mais aujourd’hui, c’est notre propre camp que nous défendons. Notre position est claire : celui qui désire s’associer à notre projet, nous l’acceptons, du moment qu’il respecte la diversité de la société et l’autonomie démocratique. La résistance de Kobané est devenue un symbole international et la guerre contre Daech, une guerre pour l’humanité. Nous espérons que Kobané et le projet de confédéralisme démocratique va constituer une clé pour le Moyen-Orient… et le monde entier. »

« La guerre de Daech est une guerre faite aux femmes. Notre lutte est celle pour les droits des femmes du monde entier. »

 

Beaucoup de questions restent en suspens après ce court séjour au sein de la société kurde, notamment sur la mise en pratique de cette auto-administration qui souhaite tisser sa toile dans tous les domaines de la vie publique. L’aspect le plus frappant dans les discussions avec les interlocuteurs les plus variés – citadins, ruraux, hommes, femmes, instruits, analphabètes, jeunes, vieux, alévis, assyriens, yézidis, sunnites, déplacés de l’intérieur, déplacés de l’extérieur, turcs, arabes… –, c’est le refus commun de se laisser enfermer dans « un antagonisme fictif entre les peuples et les identités, sur lequel se greffe la religion ». 

Avec le projet d’autonomie démocratique, la mise en œuvre de solidarités concrètes et en faisant de la libération des femmes une priorité, le mouvement kurde détient peut-être un projet d’utopie capable de désamorcer le piège des identités fermées, sur lesquelles prospèrent nationalisme, despotisme, fanatisme religieux et impérialismes au Moyen-Orient, et sur quoi spéculent les thuriféraires du « choc des civilisations », au Levant comme au Ponant.

http://cqfd-journal.org/CQFD-no132-mai-2015

 

Principes : 

Écologie sociale radicale inspirée du municipalisme libertaire de Murray Bookchin.

Ce système ne raisonne pas en termes de dictature du prolétariat mais repose sur la démocratie directe. Il est censé s’exercer depuis la « commune » en fonction des besoins sociaux et environnementaux de celle-ci, et aux moyens d’une industrie raisonnée, d’un urbanisme contrôlé, d’une agriculture biologique et de coopératives économiques.

« […] un précepte libertaire fondamental : tout être humain est compétent pour gérer les affaires de la société, et plus particulièrement de la communauté dont il est membre. Aucune politique n’a de légitimité démocratique si elle n’a été proposée, discutée et décidée directement par le peuple, et non par de quelconques représentants ou substituts. C’est seulement l’administration de ces directives politiques qui peut être confiée à des conseils, des commissions ou des collectifs d’individus qualifiés, éventuellement élus, qui exécuteraient le mandat populaire sous contrôle public et en rendant des comptes aux assemblées qui prennent les décisions…. » (Une société à refaire, édition Ecosociété 1993, p. 255-256)

Projet d’autonomie démocratique : conseils de quartiers qui définissent les besoins et proposent des initiatives. Ce sont les personnes qui luttent qui s’organisent en assemblée sur un sujet. Assemblées de quartier, académie des femmes. Ce qui peut se régler au niveau du quartier se règle au niveau du quartier, sinon le sujet remonte au conseil de ville, et au-delà jusqu’à l’échelon où cela peut se résoudre. (Confédéralisme démocratique).

Abandon de la notion d’avant-garde léniniste du PKK au profit d’une organisation horizontale. 

Öcalan : « On ne pourra jamais être libres si l’oppression subsiste contre une partie de la population. » Il est de l’intérêt général de supprimer les oppressions. 

Démocratie directe même dans l’armée des combattants : dirigeants de bataillons révocables. 40 % de femmes dans l’armée en bataillons non mixtes, commandés par des femmes.

Rééducation anti-patriarcale par les femmes

 

Co-gestion systématique homme / femme des responsabilités politiques

 

Organisation et défense des minorités, multilinguisme, multiculturalisme

 

Auto-organisation juridique pour résoudre les problèmes de voisinage : « Comités de la paix » qui font dialoguer les différentes communautés pour résoudre les problèmes de criminalité. Quand un crime est perpétré contre une femme, c’est un conseil de femmes qui va juger.

 

Pour aller plus loin

http://cqfd-journal.org/CQFD-no132-mai-2015

https://www.mixcloud.com/Debout_Education_Populaire/rapha%C3%ABl-nous-a-parl%C3%A9-de-son-exp%C3%A9rience-au-rojava-kurdistan-syrien-1704-15h/

« Le Kurdistan, nouvelle utopie – Un nouveau Chiapas au Moyen-Orient. » Mathieu Léonard.- Revue du crieur n° 4, juin 2016.

Kurdistan, la guerre des filles. Documentaire de Mylène Sauloy

 https://www.youtube.com/watch?v=WWdnAW83KTA

https://fr.wikipedia.org/wiki/Murray_Bookchin

http://cqfd-journal.org/Le-paradoxe-d-Ocalan

Le blog de Raphaël Lebrujah dont beaucoup d’articles sont consacrés au Rojava https://blogs.mediapart.fr/laterreur/blog

 

Caroline Molino

 

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