« Ce matin, au journal de France Inter, j’ai entendu une info qui m’a sidérée.
J’avais prévu pour cette prise de parole, d’argumenter sur les chiffres réels de l’immigration face aux fantasmes de l’invasion, d’invoquer les années 70 où la société française accueillait unie dans un grand élan de solidarité 120 000 Boat People sans aucun problème.
Et puis, j’ai entendu ça : « Un jeune Ethiopien est mort, percuté par un camion sur l’autoroute près de Calais. La circulation, interrompue du fait de l’accident, vient d’être rétablie. »
Et cette façon de présenter la mort d’un être humain comme ce qui dérange l’ordre, qui vient interrompre les flux de circulation, cette façon de rendre invisible son histoire, sa personne… ça m’a fait réaliser à quel stade de déshumanisation on en était, et l’urgence de résister.
A quel point la faculté d’empathie a été érodée par des années de discours hostiles, qui jouent sur la peur de l’Autre pour détourner des vrais problèmes, les inégalités croissantes, l’accaparement des richesses, afin de surtout ne rien changer au système capitaliste.
A quel point les politiques d’inhospitalité ont réussi à déshumaniser la question des migrants.
Ils ne sont pas une masse uniforme, une « marée », une « vague » qui menaceraient notre intégrité. Derrière les chiffres, il y a des individus, chassés par la guerre, les persécutions ou la misère. Des hommes, des femmes, des enfants emportés dans le grand vent de l’histoire, qui risquent le tout pour le tout pour s’inventer un avenir vivable, des personnes en quête de liberté comme il y en a eu tout au long de l’histoire.
Ils ont un visage, un nom. Leurs histoires et leurs parcours se ressemblent mais sont tous différents. Ils ont des choses à nous apprendre sur le monde.
Nos sociétés ne cessent de valoriser la figure de l’aventurier, de l’explorateur. Mais existe-t-il une aventure plus radicale que de tout quitter sans espoir de retour ?
Ulysse aujourd’hui, quand il a réchappé au naufrage, se heurte aux murs érigés par l’Europe forteresse. Se fait traquer de pays en pays à cause de la base de données Eurodac où on stocke les empreintes digitales des arrivants.
Ulysse doit échapper à l’armée et aux forces de police qui patrouillent aux frontières, comme dans la vallée de la Roya. Ulysse est bloqué aux grilles des administrations et des politiques d’inhospitalité.
Ce qu’on laisse faire subir aux migrants, on le fait subir aussi à notre propre humanité.
Ensemble ! 34 appelle à la solidarité active et concrète avec les migrants, notamment en participant au parrainage des demandeurs d’asile du CAO de Montpellier, pour s’opposer au dublinage et aux expulsions.
Et si la solidarité est un délit, alors soyons tous délinquants ! »