Où va le NPA ? Trois points de vue sur la crise du NPA



Le NPA est en crise.
Pour donner des éléments de compréhension,, nous avons posé les 3
mêmes questions aux représentants des 2 courants nationaux : Jean Paul Cros
pour la majorité nationale, et David Hermet pour la “Gauche Anticapitaliste”
courant minoritaire dans le NPA , majoritaire dans le 34 ; ainsi qu’à Martine
Granier pour le groupe NPA 34 « Débattre pour construire ». Interview parus dans le Motivé-e-s d’avril.





Les réponses de David Hermet pour la Gauche Anticapitaliste (minorité nationale, majorité du NPA 34)

Où en est le NPA aujourd’hui ?

David Hermet : le NPA est très affaibli :
il a perdu 2/3 de ses adhérents de 2009. Il avait l’ambition de peser sur le
terrain politique et dans les luttes sociales. Il est aujourd’hui marginalisé
alors que le succès du Front De Gauche montre qu’existe toujours une recherche
d’alternative à gauche du PS. En 2009, il avait l’ambition de fédérer le « meilleur
des traditions du mouvement ouvrier » avec l’écologie radicale et le féminisme.
Aujourd’hui, une bonne part de sa direction a la vision étroite d’une petite
organisation d’extrême gauche dans le style de Lutte Ouvrière.

Il est divisé entre la
nouvelle majorité, assez composite, et la minorité unitaire, Gauche
Anticapitaliste, (majoritaire dans l’Hérault). Celle-ci refuse l’isolement
choisi par la direction nationale et cherche à se donner les moyens d’expérimenter
sa propre politique

Comment analysez vous les rapports dans la gauche ?

 David : Le PS devrait bénéficier du rejet de
Sarkozy. Cependant, rien n’est gagné. Sarkozy cherche à rebondir très à droite
en se saisissant des meurtres de Toulouse. Pour la GA, il faut clairement
appeler à le battre au second tour. Une victoire de la droite aurait de très
graves conséquences pour notre camp social. On ne peut pourtant pas compter sur
Hollande pour répondre aux urgences sociales et écologiques. Il faut donc
construire une alternative de gauche au PS, en opposition à l’austérité.
L’échec du NPA montre qu’un parti, seul, ne peut répondre à ce défi.

Le FDG a donc une
lourde responsabilité. Saura-t-il dépasser le cartel d’organisations ?
Sera-t-il conséquent dans sa volonté de combattre les politiques anti-sociales
ou au contraire tuera-t-il l’espoir qu’il a su créer en soutenant un
gouvernement Hollande? Pour l’instant, les réponses données par le candidat du
FDG vont dans le bon sens bien que le PCF n’ait pas clarifié sa position. On le
voit sur Montpellier avec d’un côté des élus PCF qui votent la privatisation
d’une crèche et de l’autre les sections du PG et du PCF qui s’y opposent avec
le NPA. 

Reste que le FDG mène une campagne dynamique qui a su répondre à
l’aspiration à une gauche de gauche unie. Nous avons des divergences avec le
programme du FDG et certaines déclarations de JL Mélenchon, mais un succès
électoral du FDG serait une bonne chose pour sortir de la fausse alternative
entre la droite dure et le PS. JLM défend en effet des propositions communes à
la gauche radicale : réquisition des entreprises qui licencient et
délocalisent, nécessité de museler la finance, refus de faire payer la crise à
la majorité de la population, planification écologique…

Quelle stratégie envisager pour la lutte anticapitaliste
aujourd’hui ?

David : La période est marquée par
l’approfondissement de la crise avec dans plusieurs pays européens une régression
sociale sans précédent tandis que la crise écologique s’aggrave. Il y a des
luttes de résistance mais elles n’arrivent pas à inverser les rapports de
force. L’extrême droite et ses idées, reprises par la droite, se développent en
Europe tandis que les forces anticapitalistes restent trop petites pour incarner
une alternative crédible.

Pour la Gauche
Anticapitaliste, cette situation lourde de danger nécessite la création d’un
front uni de résistance, rassemblant les antilibéraux, les anticapitalistes,
les écologistes radicaux et des composantes du mouvement social. Il ne s’agît
pas seulement d’être uni dans les luttes. C’est indispensable mais insuffisant.
Il faut que ce front construise une alternative politique au PS. La situation
grecque est éclairante de ce point de vue. La gauche radicale y pèse 40% des
intentions de vote mais minée par ses divisions, elle est incapable d’être
candidate au pouvoir. La GA a également pour ambition de reprendre la tache que
s’était donné le NPA en 2009 : construire une force politique éco-socialiste,
rouge et verte. Elle a pris contact avec les courants politiques qui partagent
ce point de vue.

La GA cherchera à
convaincre la majorité du NPA de sortir de l’isolement mais elle ne l’attendra
pas non plus pour agir. Si des initiatives sont annoncées après le premier tour
pour ouvrir un vrai dialogue à gauche du PS, elle répondra présente.



Les réponses de Martine Granier  pour une sensibilité  du NPA 34 “Débattre pour construire”

Où en est le NPA aujourd’hui ?

Martine Granier : Dire que le NPA traverse une
situation difficile est une évidence. Le NPA est une jeune organisation qui
s’est trouvée confrontée dès sa création à des échéances électorales,
européennes, régionales, cantonales et en même temps à un important mouvement
social sur les retraites. Or, les périodes électorales sont rarement propices à
des débats de fond, la tactique prévalant souvent. Quant au mouvement sur les
retraites dans lequel le NPA a été très présent avec des mots d’ordre justes,
son échec a été profondément ressenti par le mouvement social.

La tentation est
grande alors de trouver des raccourcis pour la construction d’une force
anticapitaliste large telle que définie dans nos principes fondateurs. Deux
écueils guettent le NPA : le renfermement sur un petit parti des
révolutionnaires qui se marginaliserait et la dissolution et/ou la force d’appoint
dans un courant plus large qu’on pourrait qualifier d’anti-libéral. Le NPA
souffre de ne pas avoir su mener en son sein des débats sur le travail de
masse, syndical, en direction des quartiers. L’illusion d’un parti lié à un bon
score électoral a escamoté ces débats essentiels pour l’enracinement et aboutit
aujourd’hui à beaucoup de tensions et de divisions.

Comment analysez vous les rapports dans la gauche ?

Martine : Le PS est à l’image des
partis socio-libéraux européens : défendre l’économie de marché, appliquer une
politique de rigueur « en lui donnant du sens » (c’est à dire quelques éléments
de régulation). A côté de ce PS largement discrédité, s’est développée une
force réformiste de gauche anti libérale autour du Front de Gauche qui connaît
une réelle dynamique électorale. Il faut s’en réjouir, c’est le signe qu’une
réelle volonté de changement existe. Pour autant « la révolution par les urnes
» désarme les mobilisations, on l’a vu au moment des retraites. Sans parler de
l’aspect nationaliste du projet : marseillaise et drapeau bleu, blanc, rouge !
Sans parler non plus d’une indépendance par rapport au PS qui est loin d’être
acquise (on le voit au Conseil Municipal de Montpellier ou au Conseil
Régional).

Il y a donc une
nécessité évidente que s’affirme une force de rupture avec le capitalisme, indépendante
du PS, internationaliste, féministe, pour l’éco-socialisme. Certes à l’aune des
sondages électoraux cette force apparaît peut-être marginale. Faut-il pour
autant baisser les bras au risque d’aller vers de graves désillusions ?

Quelle stratégie envisager pour la lutte anticapitaliste
aujourd’hui ?
 

Martine : Les prochaines échéances seront
déterminantes : si la priorité est bien de virer Sarkozy et toute sa bande,
nous devons aussi préparer le suite car nous savons bien qu’avec Hollande ça ne
sera pas rose ! Les exemples des différents gouvernements socio libéraux en
Europe le montrent. Face aux politiques d’austérité qui continueront, il faudra
constituer un bloc contre l’austérité avec toutes les forces sociales,
politiques prêtes à faire payer la crise aux capitalistes autour d’un plan d’urgence
: interdiction des licenciements en premier lieu dans les entreprises qui font
des profits, Smic à 1700 euros, réquisition des logements vides, socialisation
de l’ensemble du service bancaire, satisfaction des besoins fondamentaux (eau,
électricité), sortie du nucléaire, pour aller vers une mobilisation sociale
d’ampleur. L’histoire nous a appris que c’est en prenant notre propre destin en
mains que nous pouvons gagner.

Alors oui en écho à
notre camarade Daniel Bensaïd : « Bien sûr, nous avons eu davantage de soirées
défaites que de matins triomphants. Et, à force de patience, nous avons gagné
le droit précieux de recommencer »


Les réponses de Jean Paul Cros pour la majorité  nationale,  minorité du NPA 34

Où en est le NPA aujourd’hui ?

Jean-Paul Cros

Il faudrait être
aveugle et sourd pour ne pas voir ou entendre que le NPA est dans une crise
profonde. Pour aller vite en besogne, on peut dire qu’il est tra- versé de
trois courants qui s ‘affrontent en ce moment et le psychodrame du dernier CPN
(conseil politique national) en est un des derniers épisodes. P1A, P2, GA, il
est fort à parier que nombre de camarades ont le tournis et ont même abandonné
le NPA à cause de cela.

Mais, comment
comprendre qu’un des courants, la Gauche Anticapitaliste, ait décidé de ne pas
mener la bataille pour les 500 signatures permettant à Philippe Poutou de se
présenter, de mener la campagne électorale du Front de Gauche, d’appeler à
voter Mélenchon et de s’apprêter à travailler étroitement avec ces derniers
pour les législatives de juin ? J’ai la faiblesse de penser que ces camarades
tournent le dos à nos principes fondateurs et je ne suis pas loin de penser que
cela est à la base du désarroi de beaucoup de militants.

 Comment analysez vous les rapports dans la gauche ?

 Jean-Paul : Il semble, selon tous les
paramètres, dont le profond rejet dont Sarkozy fait l’objet dans la population
travailleuse, qu’Hollande va gagner la Présidentielle. Mélenchon fait actuellement,
et très bien d’ailleurs, le rabatteur pour Hollande. Qui peut en effet croire
sérieusement qu’il développe une politique indépendante du PS ? Je mets au défi
quiconque de m’en apporter la preuve. Rien dans le programme de Mélenchon,
c’est-à-dire du PCF, ne constitue la moindre rupture avec le capitalisme et ses
institutions. L’appel à l’insurrection… citoyenne est par définition une
vaste fumisterie. On nous refait le coup, mille fois utilisé, de la prise du
pouvoir par les urnes ! Quant à ses prises de position comme celle qui, en plein
massacre de Gaza par l’armée d’Israël lui fait dire « Israel a le droit de se
défendre », pourquoi ne s’en vante-t-il pas dans ses meetings ? Bizarre. Dans
ces conditions, il n’y a pas d’autre solution que de bâtir un authentique parti
anticapitaliste, internationaliste, de rupture avec le capitalisme et ses
institutions, et ses soutiens de droite comme de gauche. Ce parti existe :
c’est le NPA, n’en déplaise à nos détracteurs.

Quelle stratégie envisager pour la lutte anticapitaliste
aujourd’hui ?

 Jean-Paul : Je pense, et ça n’est ni
boutade ni provocation de ma part, que la seule stratégie qui vaille c’est
celle qui consiste à appliquer nos principes fondateurs et notre plan
d’urgence. Cela consiste à refuser de nous mettre à la remorque de quiconque,
même quand ça brille car la sagesse populaire le dit bien : tout ce qui brille
n’est pas d’or.

Il nous faut être
capables de présenter aux travailleurs, dans une période où le prochain
gouvernement, appuyé directement ou indirectement par le Front de Gauche, va
appliquer une politique d’austérité anti-ouvrière, d’être un point d’appui pour
résister. Pour cela, il nous faut affirmer une ligne indépendante et de
rupture. Ou alors, disparaître… Je n’ai pas choisi, on s’en doute, cette
dernière « solution ». Je fais confiance au NPA et aux travailleurs.

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