Ils se sont tenus à Montpellier les 14 – 15 au 16 juillet 2016 à l’ Institut protestant de théologie 34000 Montpellier. L’organisation en était assurée par le Conseil d’Urgence Citoyenne 30/34.
Une quarantaine de personnes se sont rassemblées pendant trois jours pour participer à ce temps d’échange et d’élaboration, première étape de la mise en œuvre d’une dynamique devant conduire à un processus constituant.
Nous en publions la synthèse qui nous parait fort intéressante
Les Etats Généraux de la Démocratie à Montpellier . Synthèse
Introduction
Une quarantaine de personnes se sont rassemblées pendant trois jours pour participer à ce temps d’échange et d’élaboration, première étape de la mise en œuvre d’une dynamique devant conduire à un processus constituant. Chacune était consciente des multiples lieux ou groupes qui portent leur énergie et leur désir vers la réécriture de notre constitution. Toutefois le réalisme veut que chacune de ces initiatives ne puisse trouver d’aboutissement qu’à la condition de fédérer le plus grand nombre des forces inventives.
Six ateliers ont été proposés : Atelier : Comment décider ensemble ? Quelles voies pour la démocratie : Le vote ? Le consensus ? Autre… Atelier : Les Biens communs. Quels sont les biens inaliénables ? Besoins individuels et collectifs… Atelier : Asseoir les libertés. États des lieux de nos libertés individuelles et collectives. Vers de nouveaux champs de libertés ? Atelier : Le peuple citoyen. Comment redéfinir la relation entre les notions de peuple, de citoyen et de démocratie réelle ? Atelier : Place, fonction et forme de l’État. Que reste-il de l’État ? Attribution et moyens ? Étatiser la démocratie ? Atelier : La méthode constituante. Changer de Constitution, mais comment ?
La dernière demi-journée a été réservée à définir les axes de perspective que l’expérience de ce travail ont permis de faire émerger.
Utiliser le terme d’expérience conduit à préciser l’organisation de ces journées. Il s’agissait de proposer un dispositif qui prenne en compte le tirage au sort et le témoignage indirect, deux dynamiques essentielles à la démocratisation de la vie publique. L’une comporte un gain, celui de rendre effective la participation de tout un chacun, l’autre comporte l’épreuve d’une perte, celle qui s’opère nécessairement dans toute transmission et donc probablement dans la délégation. En quoi consistait donc ce dispositif ?
La Méthode . Note sur la méthode
L’idée initiale était d’expérimenter de façon démocratique le travail pour produire du consensus. Le tirage au sort (à partir d’un jeu de cartes) paraissait une bonne méthode pour permettre la participation de chacun en veillant à ce que la prise de parole ne soit pas confisquée, à ce que l’effet de groupe ne vienne pas limiter les sources inventives individuelles et à ce que chacun puisse à un certain moment occuper l’une des différentes places du dispositif (participant-intervenant, rapporteur, rapporteur des rapporteurs – voir note technique en annexe). L’option a été prise de travailler dans un premier temps en sous-groupe (quatre) d’une dizaine de personnes pour chacun des thèmes, l’ensemble des participants se regroupant à la fin de chaque session pour écouter successivement le rapport de chacun des rapporteurs puis la synthèse générale des groupes. Chaque atelier travaillait deux heures trente, les quarante-cinq dernières minutes étant réservées à l’écoute de la contribution de chacun des quatre rapporteurs devant l’ensemble du groupe, écoute suivie du témoignage du Rapporteur des rapporteurs, tiré au sort dans l’assemblée juste avant la prestation des rapporteurs. La dernière demi-journée a été consacrée à un débriefing à la fois sur la méthode, le contenu et la mise en perspective du travail.
Analyse de cette pratique
La répartition aléatoire a permis un échange fluide et libre avec l’ensemble des gens, tour à tour intervenant ou rapporteur (silencieux pendant l’atelier pour la prise de notes). Cette expérience a fait fonctionner deux dynamiques essentielles à la démocratisation de la vie publique : la parole directe par l’expression de tout un chacun, le témoignage indirect qui comporte une perte à savoir la transmission via la délégation (mission confiée au rapporteur).
Les participants ont été positivement surpris et se sont spontanément globalement auto disciplinés : les gens levaient la main pour parler, le rapporteur à l’écoute sans intervenir prenait des notes, au besoin reformulait et présentait à la fin de la séance les grandes lignes de son rapport pour validation préalable avant exposé en assemblée plénière également de facto assemblée de contrôle. Ce rapporteur avait un mandat impératif pour les grandes lignes.
Bien que les participants se soient inscrits de leur propre initiative et que nous n’ayons invité aucune individualité sur critères de compétence, chacun s’est exprimé en tant que citoyen concerné, apportant sa propre sensibilité, y compris dans la définition des mots, des concepts, mais participant à l’élaboration et l’expression d’une acception (et de propositions éventuellement) communément admise (légitimation).
Bilan : Cette méthode nous paraît pertinente et transposable pour l’organisation des États généraux, voir l’organisation démocratique d’assemblée populaire.
Les Ateliers
Atelier 1 : Comment décider ensemble ? Quelles voies pour la démocratie : Le vote ? Le consensus ? Autre…
Constat partagé : à quelque niveau que ce soit la démocratie ne fonctionne pas. Il y a un décalage entre la parole et les actes. Ils ne font pas ce qu’ils disent et font ce qu’ils n’ont pas dit. Le citoyen n’a pas les moyens de réorienter la politique, ni de révoquer l’élu. Les élus ne votent pas en tant que représentants mais en leur nom personnel. De plus, le mot « élu » a un sens religieux. Le vote est sans débat réel comme à l’Assemblée nationale où les positions s’expriment « pour » ou « contre » de façon binaire. L’information n’est pas fiable, les médias ont un rôle d’influence « 4e pouvoir » sous influence soumise à des lobbies. Discussion et propositions :
La réponse donnée par les participants consiste à élaborer un processus démocratique strictement inverse : à partir du local, dans le cadre d’un large débat qui implique le temps et l’information fiable. L’éducation à la citoyenneté dès l’école pour former à l’esprit libre, la conscience citoyenne et critique apparaît primordiale. Le mode de désignation des « représentants » ou « délégués » s’oriente principalement autour du tirage au sort sur une base large aléatoire. Pour limiter les clivages déchirants (effet dominants-dominés) la recherche du consensus (plusieurs définitions sont possibles et méritent d’être affinées) apparaît nécessaire quitte à inventer un système mixte avec le vote à majorité qualifiée in fine. Les exemples suisses (voir annexes), espagnols ou grecs (ancienne Grèce) ont été rappelés dans la recherche d’un processus démocratique plus participatif et direct débouchant sur un mandat impératif. Ce point fait l’unanimité sous condition de contrôle, interactivité, révocabilité.
Atelier 2 Les Biens communs. Quels sont les biens inaliénables ? Besoins individuels et collectifs…
Constat partagé : l’État s’est peu à peu retiré de la gestion de nombreux services publics. Les biens communs individuels et collectifs matériels ou non ne sont plus garantis. Il faut les protéger de l’appropriation privée et affirmer leur caractère inaliénable, inappropriable. La notion de biens communs renvoie à une notion patrimoniale et à une question de valeurs, liées à l’intérêt général. La privatisation qui est défendue au nom de la liberté se fait au profit de quelques-uns. Et les impôts ne garantissent pas leur accès égal. La tarification des services publics est discriminante La gestion des biens communs et la production des normes se fait donc à l’envers et pose des problèmes d’éthique.
Discussion et propositions : il faut définir comme priorité et remettre du collectif dans la gestion des biens communs et considérer les médias comme devant faire partie du bien commun. Des exemples tels que le préconise le mouvement 5 étoiles en Italie permettraient d’envisager une gestion démocratique et directe des biens communs. Ces biens répondent aux besoins des populations. La question du coût pourrait être repensée par exemple à partir d’une gestion démocratique d’un emprunt populaire ou fonds commun ou financement participatif au plus près des ressources/ besoins. Les partis politiques ne font pas partie du bien commun, ce sont des entreprises privées qui ne devraient peut-être plus être financées par la collectivité.
Pour se réapproprier les biens communs, la perspective d’une insurrection citoyenne ne peut être exclue.
Atelier 3 : Asseoir les libertés. États des lieux de nos libertés individuelles et collectives. Vers de nouveaux champs de libertés ?
Constat partagé : Les atteintes aux libertés sont de plus en plus en plus fréquentes.
Le constat de départ porte sur l’exclusion (volontaire ?) des citoyens du processus de décision politique ce qui porte nécessairement atteinte à nos libertés. Une exclusion qui se manifeste aussi bien au travers du mode de création de la loi très éloigné du citoyen, que de la concentration des médias aux mains de quelques-uns en passant par la mise en œuvre de l’État d’urgence.
Le pouvoir réel appartient à celui qui écrit la loi or celle-ci est établie sous l’influence des lobbies ayant un accès libre et institutionnalisé à l’Assemblée Nationale.
Le droit devient l’affaire de spécialistes qui écrivent des règles de plus en plus techniques, incompréhensibles par le plus grand nombre et de moins en moins accessibles. Cette situation conduit à l’existence d’un arsenal juridique appliqué partiellement et de façon inégale entre les citoyens.
La réalité même d’État de droit est de fait remise en cause et par voie de conséquence celle des libertés fondamentales et droits individuels.
Le contenu de l’information n’est pas libre. Les médias sont, en France, détenus très majoritairement par des groupes financiers dont l’objectif n’est pas de délivrer de l’information mais d’orienter les actions et les votes des citoyens dans la direction qu’ils souhaitent leur voir prendre.
C’est ainsi que les dirigeants, élus ou hommes politiques ont pu décider de la mise en place de l’état d’urgence, qui renforce le phénomène d’expropriation de la chose publique au détriment des citoyens. Cette décision est un choix politique qui n’a fait l’objet d’aucun débat véritable. Il y a eu unanimité de la classe politique pour décider de sa mise en place sans aucune consultation des citoyens. L’état d’urgence a été décidé au nom de la liberté et de l’intérêt général, mais de fait il bride les libertés individuelles. À cet égard il est significatif que cet état d’exception n’ait été antérieurement décidé qu’une seule fois, durant la guerre d’Algérie, mais avec une différence notable par rapport à aujourd’hui : nous n’avons pas d’ennemi désigné et clairement identifié.
L’état d’urgence permet la mise en place de procédures qui sont normalement réservées aux circonstances exceptionnelles. Or aujourd’hui, cette condition n’est pas remplie. De plus, il s’accompagne d’une instrumentalisation et d’une dénaturation du droit, de l’État de droit et du principe de séparation des pouvoirs, alors même que les processus de contrôle sont faibles. Les citoyens doivent se demander si la prolongation réitérée de l’état d’urgence ne nous amène pas insidieusement vers un changement de régime qui ne pourrait plus être qualifié de démocratique.
Discussion et proposition :
Les premières propositions posent quelques grands principes généraux : La liberté n’est pas un pouvoir absolu donné à chacun des membres du corps social. Elle est nécessairement limitée par les droits d’autrui, comme toutes les libertés. Cf article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi ». L’exercice des libertés individuelles ne pourra jamais exclure un éventuel dysfonctionnement Il faut donc rechercher le juste équilibre entre les libertés elles-mêmes et les nécessités du maintien de l’ordre public. Cet équilibre doit également s’appliquer aux libertés collectives, celles nécessaires au maintien de la cohésion sociale, qui doivent pouvoir s’articuler avec nos libertés individuelles sans s’y opposer.
Ce principe appliqué lors de l’élaboration de nouvelles lois pourra conduire à réduire le champ de certaines d’entre elles, notamment le droit de propriété trop souvent placé en haut d’une hiérarchie contribuant à une inégalité de valeur. Ainsi, pourront être réaffirmés le droit de la propriété publique et la notion de biens communs.
Toutefois ces propositions n’ont de signification et de réelles implications pour le citoyen que si et seulement si ce dernier peut avoir un accès libre à l’information, condition première et essentielle au libre exercice des droits mais aussi à une participation effective au processus de décision.
Pour cette raison, il convient d’affirmer dans le cadre d’un futur projet constitutionnel l’existence d’un quatrième pouvoir que serait le pouvoir de l’information ou pouvoir médiatique et d’en assurer la réelle indépendance.
Atelier 4 : Le peuple citoyen. Comment redéfinir la relation entre les notions de peuple, de citoyen et de démocratie réelle ?
Constat partagé
Les quatre groupes se sont accordés sur un même constat, celui de la nécessité de définir clairement les concepts de peuple, de citoyen et de démocratie.
Le terme peuple est un concept flou et cette imprécision découle de son appropriation par le pouvoir qui de façon identique utilise le signifiant démocratie pour lui donner une acception écornée. En effet, le terme peuple est une notion globalisante, historique et qui se rattache à une entité géographique ou une identité. Le concept de peuple exclut ceux qui n’ont pas le pouvoir de diriger. Placer le mot peuple au cœur du jeu démocratique aboutit nécessairement à la mise en place d’un système représentatif lui-même héritier des conceptions monarchiques de l’exercice du pouvoir.
Inversement, un consensus s’est dégagé sur la notion de citoyen et de citoyenneté. Le terme citoyen est rattaché à la notion d’unité singulière. C’est l’individu, membre de la cité qui s’intéresse aux affaires de la cité et qui y exerce des droits mais qui est également soumis à des obligations. Le citoyen est celui qui vit dans une République et dans une démocratie, mais dont l’engagement ne se limite pas au seul champ de l’action politique. Il peut s’étendre à de nombreux autres domaines touchant la vie de la collectivité : association, collectifs…
Notons d’ailleurs que l’on s’adresse au Peuple d’une part et aux citoyens d’autre part, ce qui génère deux types de discours, d’intentions et traduit deux styles de rapport mis en place.
Cependant, si le citoyen a des droits et obligations et corrélativement la possibilité d’être élu, force est de constater que plusieurs facteurs excluent celui-ci du processus démocratique de décision. Ainsi, tout citoyen peut être élu, mais le système des partis politiques met en place un véritable verrouillage qui aboutit à un système de délégation des pouvoirs à des professionnels de la politique. Un phénomène qui a permis l’établissement d’une véritable dictature économique et financière privant la démocratie de toute signification et portée.
Discussion et propositions :
Les propositions convergent vers un seul objectif : réinvestir la notion de citoyenneté. En voici la liste :
– Former les citoyens à la citoyenneté, à la démocratie Il apparaît indispensable de former à la citoyenneté dès le plus jeune âge dans les écoles. Ceci, reprend l’idée que la citoyenneté ne serait pas une citoyenneté de fait mais qu’elle implique un investissement, un désir, une implication autant de domaines vis-à-vis desquels il est nécessaire de fournir et d’expérimenter les éléments utiles à leur construction. Il a été aussi proposé de mettre en place un service civique qui formerait les citoyens à la citoyenneté dans ses applications.
– Libérer du temps pour l’exercice de la citoyenneté :
La décision collective implique que chaque citoyen puisse bénéficier de temps consacré à la participation de la vie de la cité. Dans cet esprit il est proposé une réduction du temps de travail et/ou la mise en place d’un revenu universel qui permettrait de ne pas consacrer l’essentiel de son temps à l’acquisition de revenus nécessaires pour subvenir à ses besoins.
– Repenser le rapport au politique et à la prise de décision politique
Il faut permettre et autoriser ceux des citoyens qui le souhaitent à participer concrètement au processus de décision. À cette fin, il est proposé que soit mis un terme au système de professionnalisation de la politique et des fonctions publiques et que soit mise en place une limitation du nombre de mandats électifs dans le temps. Les contrôles et contre-pouvoirs exercés par les citoyens devraient être inscrits dans les pratiques politiques.
– Faire participer directement le citoyen à la prise de décision :
Les citoyens doivent pouvoir participer directement à la prise de décision politique. Toutefois, il est apparu que cette modalité de prise de décision doit pouvoir varier en fonction des strates de décision. Ce qui intéresse directement le citoyen dans sa vie de tous les jours et dans une relation de proximité doit pouvoir être décidé directement par lui. Dans les autres cas, plusieurs observations ont été faites concernant le tirage au sort et touchant le problème de la représentativité des personnes tirées au sort. Il faudrait un échantillonnage représentatif. Ce tirage au sort doit-il se faire à partir des listes électorales ou d’autres outils (les listes de l’administration fiscale par exemple), ce qui permettrait de ne pas limiter la citoyenneté aux seules personnes qui ont la nationalité française ?
Dans le même esprit il a été proposé de supprimer les partis politiques et autres corps intermédiaires qui bloquent la participation citoyenne à la prise de décision.
Par ailleurs, l’outil internet peut permettre aux citoyens de participer activement à la vie démocratique.
– Dégager la démocratie des intérêts économiques et financiers privés
Atelier 5 Place, fonction et forme de l’État. Que reste-il de l’État ? Attribution et moyens ? Étatiser la démocratie ?
Constat partagé
Cette question a été abordée dans chacun des groupes sous trois angles : Celui de l’État seulement réduit à son rôle régalien Celui de l’État providence, Celui de l’État face à l’Europe et à la décentralisation.
Le concept d’État est né en France pour parfaire l’unité du royaume et prévenir les conflits. De par ses origines, le rôle de l’État était réduit aux fonctions régaliennes traditionnelles : force publique, justice, et monnaie. La seconde conception de l’État est celle de ce que l’on a appelé l’État providence qui regroupe les premières catégories de compétences mais également des fonctions de garant, de protecteur au travers de la mise en place de services publics tels que la santé, l’énergie, les transports pour les plus évidents. Or depuis quelques années il a été constaté que l’État se désengage de ces secteurs au profit de groupes financiers privés sous l’impulsion des lobbies, des groupements privés et de la construction européenne. Le rôle de cet État croupion se cantonne aujourd’hui essentiellement à la Défense, l’Intérieur et la Justice.
Les premiers traités à l’origine de la construction européenne sont des traités à visée économique et financier. Les avancées sociales et démocratiques ne font pas partie des objectifs des signataires. Ainsi, le traité CECA instituait-il une communauté du charbon et de l’acier tandis que les traités CEE créaient un espace économique de libre-échange. Or, cette Europe basée sur la seule économie réduit considérablement le champ d’action et les compétences de l’État. Les législations européennes s’imposent à l’État français dont la législation et même la constitution se trouvent en état de subordination par rapport aux textes européens, ce qui pose le problème de la souveraineté de l’État.
Or, réduire le rôle de l’État au maintien de l’ordre et à l’emploi de la force publique constitue un danger pour la démocratie et les citoyens. En effet, l’État ne se bornant plus qu’à ce seul champ d’action ne peut-il être conduit à en abuser ? !11
Discussion et propositions :
Face à cet affaiblissement du rôle de l’État, il a été proposé :
– de créer une véritable décentralisation qui pourrait ainsi s’opposer à la privatisation des services publics et à leur appropriation par le secteur privé.
– d’installer le processus de décision au plus près des citoyens en revenant à une prise de décision au niveau des régions mais aussi et surtout des communes, à l’instar du modèle choisi par la Suisse (voir annexes) qui fait de la démocratie de proximité son modèle de fonctionnement politique.
Cependant, si la décentralisation est évoquée comme un moyen de rétablir davantage de démocratie et de réappropriation des services publics, le risque de voir des conflits naître entre ces entités décentralisées et l’État n’a pas été ignoré, notamment au travers une possible revendication d’autonomie ou d’indépendance. Afin de parer cette objection, il a été proposé de réduire le rôle de l’État à une simple colonne vertébrale du corps social. Celui-ci serait alors le garant des droits des citoyens, le reste des compétences administratives et économiques reviendraient à des entités locales proches des citoyens.
Atelier 6 La méthode constituante. Changer de Constitution, mais comment ?
Constat partagé
Les groupes ont travaillé sur la méthode constituante c’est-à-dire sur les modalités qui permettraient d’aboutir à changer de constitution et sur la démocratisation de celle-ci.
Comment engager le processus constituant ? L’article 89 de la constitution prévoit précisément les modalités selon lesquelles la constitution de la cinquième République peut être modifiée ou changée. Ces modifications ne peuvent se faire qu’à l’initiative des élus. Il est donc peu probable qu’ils remettent en cause un mode de fonctionnement qui les a portés au pouvoir. La constitution ne pourra donc être remise en cause que par la survenue d’un événement extérieur et pas forcément violent du type révolution. Ces dernières années nous avons pu assister à des changements de régime politique dans différents États sans qu’aucune violence n’accompagne ces changements. De plus il est à noter qu’au cours de l’histoire de France aucun changement de constitution n’a suivi la procédure de modification prévue par la constitution.
Discussion et propositions : Deux processus ont retenu l’attention Première hypothèse : c’est le président de la République qui ouvre le débat. Cette hypothèse a peu de chance de se réaliser. Une modification législative du processus constituant a également été envisagée. Un groupe d’élus pourrait décider de modifier la constitution et engager par eux-mêmes le processus. Ici la probabilité d’une mise en œuvre reste très mince car elle exigerait au préalable une émancipation des élus alors qu’ils sont dépendants de partis politiques.
Deuxième hypothèse : Cette seconde piste a été élaborée à partir du constat que se sont mis en place, un peu partout en France, des collectifs et associations qui travaillent au changement de constitution. Il est nécessaire de fédérer ces groupes, de travailler avec eux afin d’élaborer plusieurs projets de constitution, pour les présenter ensuite à une votation citoyenne à partir des listes électorales. Cette solution aurait l’avantage de permettre à chaque sensibilité d’exprimer un projet et de le soumettre aux citoyens.
La consultation des citoyens : Toutes les propositions de méthodes s’articulent autour de l’exigence d’une participation active des citoyens à la modification de la constitution : Ces propositions envisagent la création d’un site internet ou de blogs permettant à chaque citoyen d’exprimer ses opinions et ses propositions de réforme afin de créer une dynamique de convergence.
A également été proposée la désignation de comités de citoyens élus ou tirés au sort, accompagné ou nom d’un collège de techniciens et d’un collège représentant les médias entendus au sens large (médias d’information, association, collectif, ONG). Se pose alors la question des garanties !13
d’indépendance de ces comités ou collèges contre les luttes d’influence, les intérêts privés et contre les partis politiques. Le contenu de la constitution :
Deux enjeux majeurs : Replacer le citoyen au cœur du processus de prise de décision Mettre en place les outils destinés à éviter les abus de pouvoirs
Le projet constitutionnel doit prioritairement prendre en compte le niveau local, le plus démocratique, car le plus proche des citoyens et le plus à même de traiter les problématiques qui les concernent. Les territoires pertinents de décision restent à définir.
Le mandat impératif des représentants élus doit être inscrit dans la constitution avec la possibilité de prévoir une procédure de révocation pour ceux ne respectant pas leur mandat impératif.
La future constitution et les constituants devront se mobiliser sur des sujets précis plutôt que sur un système.
La Synthèse
Le premier temps a été consacré à l’analyse critique de l’organisation du travail. Le sentiment de journées vivantes, productives et enrichissantes est largement partagé. La méthode de tirage au sort qui au départ avait pu paraître surprenante est reconnue comme ayant eu une efficacité certaine sur la possibilité pour chacun d’une réelle participation aux échanges, sur l’évitement des effets de groupe ou la monopolisation par un leader. L’autre aspect qui a retenu une attention positive a été celui du style de témoignage expérimenté. Là aussi le tirage au sort a permis que le participant désigné se sente en responsabilité d’un rôle de représentant du groupe. Ce rôle qui n’est en rien aisé n’a été refusé que par une seule personne. Pour les autres, chacun à sa manière et avec sa sensibilité, s’est acquitté avec honneur de sa tache qui l’exposait à l’attention de l’ensemble des participants et au contrôle du groupe dont il était le représentant. Enfin on a pu reconnaître à l’unanimité la qualité humaine et la courtoisie qui ont présidé à ces États régionaux. Le second temps a été consacré à faire un bilan de ces journées quant au contenu des idées qui ont pu circuler. Deux notions semblent émerger qui bouleversent l’approche classique des concepts qui y sont attachés. Le pouvoir, tout d’abord, largement mis en question dans sa forme actuelle a débouché sur le signifiant : pouvoir citoyen et non le pouvoir des citoyens. En effet la définition du pouvoir suppose un qui l’exerce sur d’autres. Dans la mesure où les citoyens l’exercent sur eux-mêmes, il y a une rupture avec le schéma traditionnel et c’est le pouvoir qui devient citoyen et qui oriente vers une nouvelle définition de l’exercice de l’autorité. La démocratie ensuite. Un participant a fait remarquer que la démocratie ne pouvait être pensée comme une forme définitive à atteindre mais comme un horizon qui ne cessait d’être constamment en perspective. Ce qui nécessite pour chaque génération un effort à accomplir vers une démocratie en adéquation avec l’époque. C’est une manière de souligner que la démocratie n’est pas réductible à sa définition classique. Il s’agirait ici d’insister sur le fait que ce sont les pratiques et les dispositifs qui produisent un effet démocratique. C’est la recherche de cet effet qui devrait présider à l’écriture d’un nouveau contrat social.
Si nous devions trouver les éléments de convergence et d’adhésion partagée à la fin de ces journées, ils se concentreraient dans deux exigences : Remettre le citoyen au centre et Réécrire la constitution.
Certes, il est noté que les concepts n’ont pas été finement définis et qu’une mise en perspective permettrait d’éviter les erreurs du passé. Mais en réalité on a parlé de la citoyenneté en acte dans le contexte actuel et non pas de la citoyenneté en droit. C’est cette citoyenneté en acte qui de façon récurrente a animé les exigences concernant l’éducation, la formation, le mandat impératif, les biens communs, le contrôle, la déprofessionnalisation de la fonction politique ou la garantie de l’État.
Enfin il est important de souligner que le temps est affirmé comme étant un facteur de démocratie. Le temps de l’immédiat est celui du réactif et d’une autorité dictatoriale. L’effet démocratique ne !15
peut être escompté que si l’on accorde à la réflexion et à la recherche d’un consensus le temps nécessaire à leur accomplissement.
Concernant le tirage au sort, les idées ne sont pas arrêtées sur la forme qu’il peut prendre et le niveau auquel il peut s’appliquer. Il est fait remarquer qu’un tirage au sort n’est pas suffisant en soi parce qu’il ne reflète pas nécessairement une majorité d’expression et qu’il n’y a pas à négliger les intentions qui partent de la base. Exemple donné : celui de l’Islande où le travail constituant s’est fait sans dispositif de tirage au sort. Le tirage au sort devrait-il être réservé à la désignation des délégués? Il s’agit donc de poursuivre le travail pour approcher la manière d’associer le plus grand nombre à l’élaboration d’une constitution et à l’organisation de sa mise en œuvre. Sont évoqués les contributions possibles, les rédactions d’articles par des ateliers d’écriture, l’usage des possibilités offertes par Internet, la rédaction de cahiers d’exigences. Reste qu’il n’est pas question de laisser à un groupe restreint cette responsabilité, et ce d’autant moins qu’il s’agirait d’un groupe de juristes. Une constitution c’est l’ensemble des règles de la vie ensemble, en société.
Le moment conclusif a été celui qui s’est penché sur la stratégie et le calendrier.
Les participants à ces États régionaux attendent de partager leurs idées avec les autres Conseils d’urgence citoyenne et vont diffuser chacun vers ses réseaux cette synthèse. Il est décidé de multiplier les contacts et de tenter tous les rapprochements possibles qui peuvent fédérer les volontés jusqu’à présent parcellaires dans la perspective de mettre en place des États généraux dont il reste à préciser la date, le lieu et les modalités d’organisation.
Quant au moyens de diffusion, il semble peu probable de réaliser un site par manque de disponibilité. Par contre il y a déjà les pages Cuc, Cuc proposition, Cuc 30-34 sur lesquelles ce compte rendu pourra être installé.
Un certain nombre de contacts sont déjà établis : Convention pour la sixième République Association pour une constituante Ateliers constituants Différents collectifs Associations diverses dont il reste à faire la liste.
La proposition de faire des enquêtes de qualité est avancée.
En conclusion, les participants sont dans l’attente d’un regroupement national qui pourrait mettre en place une stratégie et développer une véritable campagne. Ils vont localement œuvrer à ce regroupement.
Annexes
ORGANISATION DU TIRAGE AU SORT
À l’arrivée après avoir réglé son du, chaque participant a reçu une carte à jouer. Nous avons distribué les quatre couleurs du 1 au 10, (au-delà de 40 inscrits une nouvelle série est mise en jeu).
Retrouver son groupe en consultant l’affiche. Il y a eu 4 groupes d’une dizaine de participants environ, mais les aléas du tirage au sort et l’absence éventuelle de certains participants font que ces groupes n’ont jamais un nombre strictement identique de participants.
Groupes : A – B – C – D Pour chaque groupe le tirage a désigné au préalable un RAPPORTEUR dont le rôle consiste à écouter, prendre en note les éléments mis en discussion pour pouvoir en transmettre le contenu à l’ensemble des participants. Si le rapporteur tiré au sort est absent alors les membres du groupe mettent leur carte en tas et l’une d’entre elle est tirée pour désigner le rapporteur.
Son rôle lui impose d’une certaine façon une non-participation aux échanges, il se met au service du groupe pour pouvoir effectuer une transmission effective, essentielle à la construction de la synthèse finale.
LE SYSTÈME POLITIQUE SUISSE*
En Suisse, le peuple est l’autorité politique suprême. Le système politique suisse se fonde sur ce principe. Le peuple suisse peut s’exprimer au niveau fédéral, cantonal et communal, sur les thèmes les plus variés, et élire ses représentants au Parlement. Trois niveaux politiques : La responsabilité d’une action publique doit être allouée à la plus petite entité capable de résoudre le problème d’ellemême. Communes –— > Cantons—– > Confédération. Fédéralisme La Suisse est un État fédéraliste. En d’autres termes, le pouvoir étatique est réparti entre la Confédération, les cantons et les communes. Les cantons et les communes disposent de compétences étendues et ont leurs propres sources de revenus. La Confédération. En Suisse, la Confédération est synonyme d’État. Elle est compétente dans tous les domaines qui lui sont attribués par la Constitution : – politique extérieure et politique de sécurité – douanes et monnaie – législation fédérale – défense. Les tâches qui ne relèvent pas expressément de la Confédération sont de la compétence des cantons. Les cantons Les cantons sont égaux devant la Constitution. Chacun a sa constitution, son parlement, son gouvernement et ses tribunaux, et les députés élus par le peuple au niveau du canton. Dans deux cantons (Appenzell et Glaris) pouvoir législatif direct par le peuple. Les communes Dans près d’une commune sur cinq, notamment dans les villes, le pouvoir législatif est représenté par un parlement. Dans les autres, dans quatre communes sur cinq, le pouvoir législatif est assuré par des Assemblées Communales, à laquelle tous les habitants qui ont le droit de vote peuvent participer – (démocratie directe) : le peuple nomme l’exécutif et prend les décisions politiques lui-même, non par l’intermédiaire de représentants. Compétences communales : éducation et protection sociale, approvisionnement et énergie, infrastructures routières, aménagement du territoire, fiscalité, etc. Pouvoirs de l’État (de la Confédération) – Pouvoir exécutif – le Conseil fédéral (gouvernement suisse). – Pouvoir législatif – le Parlement suisse – Pouvoir judiciaire – les tribunaux de la Confédération. Pouvoir législatif : les Chambres – Assemblée fédérale !
– Conseil national C’est le représentant du peuple. Constitué de 200 conseillers nationaux. Élu tous les 4 ans au scrutin proportionnel. Le nombre de conseillers nationaux par canton dépend de sa population. – Conseil des États C’est le représentant des cantons. Est composé de 46 conseillers aux États. Élu tous les 4 ans au scrutin majoritaire. Deux conseillers par Canton. Compétences : – législative : votent les lois, – financière : acceptent ou refusent les dépenses et les crédits de la Confédération. Votent le budget et les comptes de l’État. – internationale : ils autorisent le Conseil fédéral à signer les traités internationaux. Prennent part à la définition de la politique étrangère. – compétence de surveillance vis-à-vis du Conseil fédéral et l’administration afin qu’ils remplissent leurs fonctions de manière légale, opportune et efficace et que le Tribunal fédéral s’acquitte correctement de ses tâches. À ce mode de fonctionnement vient s’adjoindre un complément démocratique original venant renforcer le caractère souverain du peuple, offrant de larges possibilités au citoyen d’intervenir au cœur même du débat institutionnel et d’y imposer son point de vue. Il s’agit des référendums, des initiatives populaires et des droits de pétition. Référendums : – facultatifs : Lorsque le Parlement adopte une nouvelle loi, celle-ci n’est généralement pas soumise au vote. Cependant, lors de sa publication, une nouvelle loi peut être soumise à référendum si demande par au moins 50 000 citoyens ou par 8 cantons dans les 100 jours. -obligatoires : Toute modification de la Constitution doit obligatoirement en obtenir l’aval du peuple par la voie référendaire. Initiatives populaires : – À l’initiative d’une demande déposée par au moins par 7 citoyens ayant le droit de vote et de 27 citoyens au maximum, en vue de modifier une loi ou introduire un nouvel article de loi. Cette initiative, doit recueillir à partir de sa publication 100 000 signatures dans un délai de 18 mois pour être soumise à votation populaire. La votation est acceptée si elle obtient plus de 50 % des suffrages exprimés et celle de la majorité des cantons (14/26). – Soit à l’initiative du Parlement. Droit de pétition * Sources : – Site officiel du gouvernement fédéral suisse, – Articles divers – Vincent Golay – Mix et Remix : Institutions politiques suisses – édts LEP -2009
Liens : http://www.bk.admin.ch/dokumentation/02070/?lang=fr https://www.ch.ch/fr/referendums/ https://www.ch.ch/fr/referendums/
https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/conseil-federal/systeme-politique-suisse.html https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/conseil-federal/systeme-politique-suisse.html
Les rédacteurs :
Séverine Tessier
Laurent Dublet
Guy Ciblac
avec la participation de Didier Madrènes