Mon député et la loi sur le renseignement

Une réaction de
Philippe Cherpentier suite au vote des députés pour la loi concernant le
renseignement, le 5 mai 2015. 8 des 9 députés héraultais ont voté pour; un seul
contre: Jean-Louis Roumégas, (EELV.)


 

 



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J’habite
à Paulhan, commune de l’Hérault dont Vincent Badie[1] fut
Maire. En 1940, il était aussi député. Le 10 juin de cette année, il faisait
partie des 80 parlementaires[2] –
seulement 80 !- qui n’ont pas voté les pleins pouvoirs à Philippe Pétain. Aujourd’hui,
le 5 mai 2015, 86 députés – seulement 86 ! – ont voté contre le projet de
loi relatif au renseignement.

 

Mon
député, Kléber
Mesquida
, a voté pour. Est-il conscient de ce qu’il a fait ?
J’espère que non, qu’il a simplement été trompé par le gouvernement, comme
Pétain a trompé en 1940 bon nombre de français et de parlementaires.

 


S’il
sait ce qu’il a fait, s’il est conscient qu’entre de mauvaises mains cette loi
est d’une extrême dangerosité, alors c’est grave.

Je
ne sais que penser. Il avait pourtant été alerté.

 

Une
chose est sûre : il n’est plus possible que je lui fasse confiance pour
me représenter. Il ne me représente plus.

 

Cette
loi, si elle est définitivement adoptée (il reste encore le sénat), est une
bombe destructrice contre la démocratie.

 

Comme
l’a rappelé Laurent Chemla[3] sur
Médiapart lundi 4 mai, veille du vote à l’Assemblée, lors de la soirée « 6
heures contre la surveillance »[4], nous
sommes (sensés être) dans une démocratie représentative.

Un
des principes de la démocratie représentative est la séparation des
pouvoirs : le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire, le pouvoir
exécutif.

Déjà,
dans la cinquième République en France, la séparation entre le pouvoir
législatif (parlement) et le pouvoir exécutif (gouvernement) est « assez
ténue ». En particulier depuis l’instauration du quinquennat présidentiel,
le législatif apparaît de plus en plus comme l’« exécutant » des
directives du gouvernement. C’est particulièrement flagrant si l’on regarde
certains actes du premier ministre Valls[5], que
l’on peut ainsi considérer comme un premier ministre à la limite (?) de
l’autoritarisme.

 

ecoute.pngOr,
la loi sur le renseignement adoptée en première lecture mardi 5 mai 2015 par
l’Assemblée Nationale fait un pas de plus dans la destruction de cette
séparation des pouvoirs : elle permet au Premier Ministre de
court-circuiter le pouvoir judiciaire (le juge).

C’est
en effet le Premier Ministre qui entérine, sans avoir besoin de l’accord
judiciaire, la mise en œuvre possible d’« une technique de
renseignement »[6].

Nous
avons donc un Premier ministre (nommé, et non élu par le peuple) qui peut
contraindre le vote des parlementaires (législatif) et court-circuiter le
pouvoir judiciaire.

 

Potentiellement,
et même légalement, nous ne sommes plus dans ce qui se définit communément
comme une démocratie.

 

 

En
1940, les députés et sénateurs ont donc voté les pleins pouvoirs à Pétain. Sauf
quelques exceptions sous l’impulsion de Vincent Badie. Les « premiers
résistants » d’après le général De Gaulle.

En
2015, les députés ont voté les pleins pouvoirs au Premier Ministre. Sauf
quelques exceptions.

 

 

securite.jpgSavez-vous, Monsieur Mesquida, et vous tous, ses
collègues députés qui ont voté « pour » la loi relative au
renseignement, qui sera Premier Ministre demain ?

 

Philippe
Cherpentier



      [1] Fiche Wikipedia de V.
Badie: http://fr.wikipedia.org/wiki/Vincent_Badie

[2] Page de l’Asemblée Nationale, hommage
aux « 80 » : http://www.assemblee-nationale.fr/13/evenements/Ceremonie_quatre-vingts/index.asp

[3] La fiche Wikipédia de laurent
Chemla : https://fr.wikipedia.org/wiki/Laurent_Chemla

 

[5] Je prendrais deux exemples :

a- le recours à
l’article 49-3 de la Constitution pour faire adopter par l’Assemblée Nationale
la loi dite « Macron » face aux députés socialistes
« frondeurs ».

b- A l’issue
du vote des députés pour la loi relative au renseignement Valls intervient sur
les « pressions » exercées sur les députés par les … électeurs !
Voir l’extrait vidéo : http://www.dailymotion.com/video/x2p6w7b_valls-denonce-des-pressions-sur-les-deputes-avant-le-vote-de-la-loi-sur-le-renseignement_news

 

[6] Voir
sur ce point le billet de Gilles Sainati, magistrat héraultais, ancien
responsable du Syndicat de la Magistrature : http://blogs.mediapart.fr/blog/gilles-sainati/030515/cesarisme-panoptique




Communiqué
de Ensemble! Projet de loi sur le renseignement : danger d’une surveillance de
masse.

L’objectif affiché est la
lutte contre le terrorisme, mais, après les meurtrières attaques de début
janvier, le projet de loi sur le renseignement a vu ses objectifs considérablement
élargis, englobant aussi bien la défense des intérêts économiques, industriels,
scientifiques que la prévention des « violences collectives de nature à
porter atteinte à la sûreté nationale ».

Le dispositif de
surveillance de masse, que le projet de loi veut mettre en place, risque de
menacer les mouvements de contestation sociale, comme les mouvements indépendantistes
dans diverses régions.

Présenté hier par M. Valls
devant une maigre assistance à l’Assemblée, ce projet entend utiliser toutes
les ressources technologiques pour instituer une surveillance de masse.
Rien ne
devrait échapper aux grandes oreilles des services de renseignement :
ordinateurs, portables, réseaux sociaux seront surveillés, les connexions
espionnées, à la recherche d’une trace à exploiter.

Le premier ministre serait
à la manoeuvre pour donner le feu vert de ces écoutes et seule une autorité
administrative aurait connaissance des opérations mises en oeuvre.

De nombreuses associations
attachées à la défense des libertés et des droits démocratiques, des
organisations de magistrats, la Quadrature du Net ont manifesté leur inquiétude
et leur opposition à un projet qui menace gravement les libertés, les droits
sociaux et politiques.

Pour « Ensemble!
Mouvement pour une alternative de gauche écologiste et solidaire », ce
projet de loi vise bien à instituer un Patriot Act à la française : nous
refusons ce jeu dangereux pour la démocratie et les libertés fondamentales

Le 14 avril 2015.

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Ensemble 34