L’
ASSOCIATION BITERROISE CONTRE LE RACISME ( ABCR) vient de publier un 4 pages
lettre_ABCR__decembre_2014.pdf
Nous en extrayons l’interview
de Francisca, 16 ans, rom, lycéenne.
Moi,
Francisca, 16 ans, rom, lycéenne…
l’ABCR
:
Francisca, qui es-tu et d’où viens-tu ?
Francisca
: Je
m’appelle Francisca. J’ai 16 ans. Je suis roumaine et Manouche aussi. Manouche,
ça veut dire Rom mais nous on dit Manouche. Je suis née à Timisoara. Je suis
arrivée à Béziers avec mes parents et mes deux soeurs en décembre 2006.
l’ABCR
: Quand
vous avez quitté la Roumanie pour venir vivre en France, vous n’êtes pas
arrivés à Béziers par hasard ?
Francisca
: Non, il
y avait déjà mon oncle, ma tante et mon cousin qui étaient là depuis 2005. Il y
avait aussi d’autres membres de ma famille plus éloignés.
L’ABCR
: En
arrivant à Béziers, où avez-vous vécu ?
Francisca
: On a
dormi dans le camion sur un parking une semaine et on a trouvé une maison
abandonnée, sur la route de Corneilhan.
L’ABCR
: Une fois
installés, est-ce que tes parents vous ont parlé d’aller à l’école ?
Francisca
: Oui, ma
soeur Sara et moi, nous sommes allées à l’école en Roumanie. Ils voulaient
qu’on continue en France. Ils disaient que c’était important pour nous.
Quand
on est arrivé à Béziers, on a vu Nicolas qui aidait les Roms. Il faisait partie
de l’ABCR. C’est lui qui nous a mis à l’école Cordier. Il nous a donné des
cartables, des cahiers et des stylos. Mais l’école était très loin, il fallait
beaucoup marcher. Nous avons manqué beaucoup de jours d’école. Des fois, mon
père pouvait nous amener en camion quand il marchait ou quand il avait de la «
gazoline ». C’était très difficile pour ma mère. Il nous fallait des habits
propres mais quand il pleuvait ou quand il faisait trop froid, ça ne séchait
pas. Et pour nous laver aussi c’était dur. Ma mère se levait à 5h pour faire le
feu et chauffer de l’eau.
L’ABCR
: Pour toi
aussi c’était important d’aller à l’école ?
Francisca
: Oui,
c’est important pour mon avenir. C’est grâce à l’école que je pourrai avoir une
vie meilleure. Je ne pourrai pas trouver du travail si je ne vais pas à
l’école. Et puis c’est bien l’école.
L’ABCR
: Pourquoi
c’est bien l’école ?
Francisca
: Je me
suis fait des copines. J’ai bien appris le français et beaucoup d’autres
choses. Les maîtresses ont toujours été gentilles.
L’ABCR
: Cela a
toujours été bien l’école ?
Francisca
: Non, pas
toujours. Je n’avais pas que des copines dans la cour. Il y avait des enfants
qui se moquaient de moi et de ma soeur. Ils disaient que ma mère « faisait la
route ». Qu’on sentait pas bon. Qu’on était toujours habillées pareil donc
qu’on ne se lavait pas. On n’avait pas de beaux cartables.
L’ABCR
:
Aujourd’hui, tu es la première de ta communauté à aller au lycée, est-ce que tu
en es fière ?
Francisca
: Oui, je
suis en 1ère année de CAP – restauration à Jean
Moulin.
J’étais en 3e au collège La Dullague. , en ULIS. Quand mon maître, Mr Palazi,
m’a dit qu’il fallait que j’aille au lycée, j’ai dit non : ça me faisait trop
peur. J’avais peur de ne pas y arriver. Mes parents ont parlé beaucoup avec moi
et aussi Nadia. J’ai compris qu’il fallait que je continue. Je me suis inscrite
en juin. Ma soeur Sara s’est noyée cet été. Je ne voulais plus y aller. J’étais
trop triste. Ma mère m’a dit que si je restais à la maison, je ferais rien. Je
ferais que penser à Sara. Nadia m’a accompagnée le jour de la rentrée parce que
j’avais toujours aussi peur.
L’ABCR
: Et
aujourd’hui, 3 mois après, comment cela se passe ?
Francisca
: Au début
j’ai trouvé le lycée super. C’est dur parce que j’ai beaucoup de retard par
rapport aux autres. Les professeurs m’aident beaucoup mais je suis très timide
et je n’ose pas leur demander quand je ne comprends pas.
L’ABCR
: Tu as eu
16 ans en octobre. La plupart des jeunes filles de ta famille de ton âge sont
mariées et ont un enfant. Qu’est-ce que tu en penses ?
Francisca
: C’est
vrai. Mes parents ont entendu beaucoup de choses quand ils ont dit que j’allais
au lycée. Que c’était pas la place d’une jeune fille. Qu’au lycée, il y avait
plein de garçons. Que je devais me marier. Ma mère ne veut pas que je me marie
maintenant. Moi non plus. Elle veut que j’aille à l’école le plus longtemps
possible. Que j’apprenne un métier pour pouvoir chercher du travail. Le jour de
mon anniversaire, c’était bizarre : on n’arrêtait pas de me dire qu’il fallait
que j’ai un enfant. Alors j’ai pensé que le lycée, c’était pas pour moi. J’ai
arrêté d’aller au lycée pendant 15 jours. Et puis, j’ai osé en parler avec
Nadia. Elle m’a laissé réfléchir pendant le week-end et je lui ai demandé de
m’accompagner le lundi matin. Je sais qu’il faut que je continue même si c’est
dur. Dans 2 ans, j’espère que j’aurai mon diplôme, je pourrai travailler et je
pourrai rester en France. C’est ce que mes parents ont voulu pour moi et c’est
ce que je veux !
ASSOCIATION
BITERROISE CONTRE LE RACISME
Maison
de la Vie Associative – Boîte 18
15,
rue du Général Margueritte
34500
BEZIERS
Prochaine
réunion le mercredi 14 janvier à 20 h 30
Assemblée
générale
Le
mercredi 28 janvier 2015 à la M.V.A
Téléphone
/ fax : 04 67 28 57 48
Messagerie
: abcr34@gmail.com