La Région a un rôle à jouer pour enfin concrétiser le principe de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
En 1983, Yvette Roudy, Ministre en charge des Droits des femmes, faisait voter une loi qui entérinait en France le principe d’égalité entre les femmes et les hommes dans le champ professionnel. Trente ans et une dizaine de textes législatifs plus tard, cette égalité professionnelle n’est toujours pas une réalité.
La plupart des écarts entre femmes et hommes dans le domaine de l’emploi persistent en 2015, bien que certains se soient réduits ces dix dernières années. Certes, la part des femmes dans la population active a fortement augmenté. Mais elles occupent plus souvent des postes peu qualifiés, travaillent davantage à temps partiel (et pas toujours par choix), gagnent moins que les hommes et touchent donc des retraites nettement inférieures.
Écarts de salaires, fragilité plus grande sur le marché du travail, précarité, discrimination et division sexuée des activités professionnelles : on retrouve ces constantes dans notre région (quoique davantage en Languedoc Roussillon qu’en Midi-Pyrénées), dans le reste de la France comme partout dans le monde. On en connaît les conséquences : malgré la progression du travail rémunéré des femmes (car les femmes ont évidemment toujours travaillé), celui-ci n’est toujours pas reconnu à sa juste valeur, ni du point de vue symbolique par la dévalorisation des secteurs massivement investis par les femmes, puisque les secteurs massivement investis par les femmes sont dévalorisés, ni du point de vue financier.
Le monde du travail ne fait en réalité que reproduire les hiérarchies traditionnelles entre le masculin et le féminin : aux hommes, la visibilité, le prestige, la valorisation et la rémunération ; aux femmes, l’invisibilité, la dévalorisation, l’intime, la gratuité…
Les écarts de salaires traduisent en partie les inégalités professionnelles.
Bien sûr, les femmes occupant souvent des postes à moindre responsabilité, à temps partiel et dans des secteurs moins rémunérateurs, elles se retrouvent mécaniquement avec des feuilles de paie nettement moins conséquentes que celles de leurs collègues masculins, dans le secteur privé comme dans le secteur public.
Mais ces éléments n’expliquent qu’en partie les écarts constatés.
À temps plein, les hommes gagnent en effet 16% de plus que les femmes et plus on progresse dans l’échelle des salaires, plus le fossé se creuse. Malgré le principe « à travail égal salaire «égal », inscrit dans la loi depuis 1972, les femmes touchent, à poste et expérience équivalents, 9% de moins que les hommes. Cette différence de traitement est le signe d’une discrimination nette à l’encontre des femmes de la part des employeurs. Discrimination qui ne fait rarement, pour ne pas dire jamais, l’objet de sanctions.
Dévalorisation
Plus diplômées que les hommes, les femmes continuent d’investir des secteurs déjà largement féminisés, peu valorisés et moins bien rémunérés (domesticité, soins aux personnes et accompagnement social…). Certain-e-s chercheurs/ses ont également montré que l’accès des femmes à des métiers traditionnellement masculins, comme les professions libérales, a contribué à rendre ces professions moins prestigieuses.
Plafond de verre
Le glass ceiling (littéralement : plafond de verre), expression américaine apparue dans les années 1970, traduit bien la limite invisible à laquelle se heurtent les femmes quand il s’agit d’accéder à des fonctions dirigeantes. Leur promotion professionnelle est en effet moins fréquente que celle de leurs collègues masculins : en France, les chefs de moyennes et grandes entreprises sont des hommes à 93%. L’accès des femmes aux postes de décision est inversement proportionnel à la taille ou au chiffre d’affaires des sociétés concernées. De la même façon, dans le secteur public, le comité de pilotage pour l’égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs des fonctions publiques a établi que les femmes représentent 58% des emplois des fonctions publiques de l’État, territoriale et hospitalière, mais seulement 12% des emplois de direction !
Encore une fois, le poids des stéréotypes et les représentations traditionnelles du rôle des femmes dans la société peuvent expliquer cette progression hiérarchique limitée. Ces postes à responsabilité réclament par exemple ambition et compétitivité, traits de caractère largement attribués aux hommes et que les femmes ont souvent intériorisés comme tels. Ils demandent aussi une très grande disponibilité des personnes qui les occupent, au-delà des horaires raisonnables : les femmes assumant encore très majoritairement l’essentiel des tâches domestiques et de l’éducation des enfants, il leur est plus difficile de répondre à cette exigence. A cela s’ajoute le fait que leurs carrières sont souvent marquées par la discontinuité (temps partiel plus fréquent, congés maternité et/ou parentaux), qui freine leur ascension et ampute leur pension de retraite.
Malgré la loi qui reconnaît l’égalité professionnelle entre femmes et hommes, l’inégal accès à l’emploi persiste et constitue le principal facteur d’inégalité salariale. Il faut à présent résolument faire évoluer les comportements et les mentalités. L’inégalité dans l’emploi découle en effet des autres inégalités que subissent les femmes à tous les niveaux (inégales répartitions des taches ménagères, de la charge des enfants et des personnes dépendantes, moindre reconnaissance des compétences…).
Sur quels leviers la Région peut-elle agir ?
– En tant que collectivité employeuse, elle peut imposer en son sein le respect de l’égalité professionnelle et salariale, notamment grâce à la transparence des recrutements, des promotions internes et des grilles de salaire, et en favorisant une répartition hiérarchique homogène (à évaluer chaque année).
Les comportements sexistes sont tellement ancrés dans notre fonctionnement qu’ils en apparaissent naturels pour beaucoup. La Région doit donc former les agents à tous les niveaux hiérarchiques à la prise en compte des stéréotypes de genre et des discriminations sexistes afin de les faire disparaître. Elle doit promouvoir et subventionner des actions de formation continue visant à lutter contre les discriminations femmes-hommes.
– En tant que collectivité compétente sur le territoire dans le domaine économique, elle peut intégrer des clauses spécifiques dans ses appels d’offres et dans ses contrats conditionnant l’octroi des marchés publics et des subventions des entreprises au respect des principes d’égalité femmes-hommes (telles que : grille des salaires, parité du conseil d’administration, répartition hiérarchique homogène).
Des mesures dont la mise en œuvre est simple et rapide pour une Région qui bouge et participe à Un Nouveau Monde !
Sources et documents de référence :
– Ministère des Droits des femmes : Chiffres-Clés 2014 – Vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, Thème 3 : Inégalités professionnelles. http://femmes.gouv.fr/wp-content/uploads/2014/03/Egalite_Femmes_Hommes_T3_bd.pdf;
Thème 2 : emploi er précarité. http://femmes.gouv.fr/wp-content/uploads/2014/03/Egalite_Femmes_Hommes_T2_bd.pdf
– Observatoire des inégalités : http://www.inegalites.fr/spip.php?article972
– Site Vie publique : http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/droits-femmes/egalite-professionnelle/
– Site Internet de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) : http://www.emploi.gouv.fr/acteurs/dares
Pour en savoir plus sur l’activité professionnelle des femmes en Languedoc Roussillon et en Midi-Pyrénées, se reporter aux études régionales de l’INSEE :
http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=14463
http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=21860