Languedoc-Roussillon : derrière l’apparent succès de la gauche, les raisons de s’inquiéter



À l’issue
des élections départementales, la région Languedoc-Roussillon apparaît comme un
véritable bastion de la gauche. L’étude attentive des résultats laisse pourtant
apparaître une tout autre situation




Languedoc-Roussillon : derrière l’apparent
succès de la gauche, les raisons de s’inquiéter

Par Guillaume
Liégard.  Publié initialement sur
le site de Regard

À l’issue des élections départementales, la région
Languedoc-Roussillon apparaît comme un véritable bastion de la gauche. Qu’on en
juge : celle-ci est en mesure de conserver les quatre présidences qu’elle
détenait dans l’Aude, le Gard, l’Hérault et les Pyrénées-Orientales, et
pourrait même emporter la Lozère qui n’a jamais été à gauche de son histoire. L’étude
attentive des résultats laisse pourtant apparaître une tout autre situation.

Un FN enraciné et omniprésent au second tour

Dans les départements de l’arc méditerranéen où il est enraciné
de longue date, le Front national obtient d’excellents résultats. Seule la Lozère,
département le moins peuplé de France (72.000 habitants) déroge à ce triste constat.
Le tableau ci-dessous récapitule les scores du FN au premier tour des élections
départementales ainsi que le nombre d’élus obtenus à l’issue du second tour.

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Avec dix conseillers départementaux, le nombre d’élus demeure
modeste. Les six élus de l’Hérault proviennent des trois cantons de Béziers
dans des duels où les candidats frontistes ont obtenu 54,60%, 54,14% et même
59,18%. Les quatre élus du Gard viennent du canton de Beaucaire (55,10%) une
mairie conquise elle-aussi en mars 2014 et dans le canton de Vauvert au sud de
Nîmes, là encore dans un duel avec 51,44%. À l’exception de la Lozère où le
parti d’extrême droite n’a pu se maintenir dans aucun des onze cantons encore à
pourvoir, le FN a été presque partout présent au second tour des élections départementales.
Villes ou communes rurales, zones littorales ou semi-montagneuses à l’intérieur
des terres : partout le parti de Marine Le Pen a su capter un électorat
nombreux.

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Avec des candidats dans 83,87% des cantons au second tour le FN
a montré la puissance de son emprise sur la région. Ce chiffre atteint même
95,12% si on ne tient pas compte de la Lozère.

Une droite à la peine

En Languedoc-Roussillon, l’essentiel des grandes villes est
dirigé par un membre de la droite parlementaire. C’est le cas de Carcassonne,
Narbonne, Nîmes, Alès et Perpignan. Dans cette dernière ville, la gauche est même
totalement absente du conseil municipal car elle s’est retirée au second tour
pour faire barrage à la liste FN emmenée par Louis Aliot. La situation est un
peu différente dans l’Hérault. Si Sète est bien dirigée par la droite,
Montpellier a gardé un maire de gauche aux dernières municipales et Béziers a
basculé à l’extrême droite. Aux départementales, la droite est bien apparue en
difficulté sur l’ensemble de la région.

La faible participation a mécaniquement restreint le nombre de
triangulaires possibles. Hors Lozère, il y avait 82 cantons à pourvoir qui ont
donné lieu à 19 triangulaires et 63 duels. Sur ces 63 duels, seuls quatre ont
opposé la gauche à la droite. Dans les 59 autres cas, le FN était présent, soit
contre un binôme de gauche dans 39 cantons, soit contre un binôme de droite
dans 20 cantons. Le tableau ci-dessus indique la répartition de ces
configurations par département.

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Dans l’Aude et l’Hérault, la situation est désormais extrêmement
délicate pour la droite qui n’obtient que 16,45% et 23,91% (total de l’ensemble
des candidatures de droite). Déjà faible dans ces départements, elle apparaît
littéralement cannibalisée par la poussée frontiste. Avec un seul canton emporté,
il n’y a plus que deux conseillers départementaux pour 36 représentants de la
gauche dans l’Aude. La situation ne semble équilibrée dans le Gard qu’en
apparence, avec 25,69%, la droite est désormais très affaiblie notamment le long
du Rhône. Les Pyrénées-Orientales laissent apparaître une situation plus
contrastée avec une répartition en voix en trois blocs de tailles comparables.

Et maintenant ?

Les résultats du 29 mars sont donc extrêmement trompeurs. Pour
les six années à venir, la gauche va probablement diriger les cinq départements
de la région (il y a encore un petit doute pour la Lozère), un grand chelem.
Mais un résultat en trompe-l’œil, car la situation est en réalité extrêmement dégradée.
Pour la droite, sa survie même est engagée et, pour ses secteurs les plus
radicalisés, la tentation d’une alliance avec le Front national est réelle.
Surtout, le Languedoc-Roussillon concentre beaucoup de handicaps qui ne peuvent
qu’inquiéter sur les évolutions futures.

Selon une étude de l’Insee de décembre 2014, « En
Languedoc-Roussillon, 508.000 personnes vivent en 2011 dans un ménage dont les
ressources après redistribution sont inférieures au seuil de pauvreté. Avec près
de 20% de la population considérée comme pauvre, contre 14% au niveau national,
la région est ainsi l’une des plus concernées par la pauvreté en France métropolitaine.
Les taux de pauvreté des départements languedociens, de 16% en Lozère à 21%
dans l’Aude, sont tous supérieurs à la moyenne nationale. »

À la pauvreté s’ajoutent de très fortes inégalités. Le ratio
entre les 10% les plus pauvres et le neuvième décile (celui au-dessous duquel
se situent 90% des revenus) et de 7,2 contre 5,6 pour la France. Le rapport
ajoute aussi que « la crise a intensifié les inégalités. Le plafond de
revenus en dessous duquel se situent les 10% de ménages les plus modestes a
reculé de 4,4% sur la même période, alors que les plus hauts revenus ont
continué à progresser, avec une hausse de 1% du seuil de revenu des 10% de ménages
les plus aisés. »

Dit autrement : une nouvelle aggravation de la situation ne
peut que générer un cataclysme politique.


Voir aussi à ce sujet : Languedoc Roussillon, faire face à l’ascension du FN

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