Ci-dessous, le Communiqué d’Ensemble ! suite à l’attentat d’Ankara ainsi qu’un interview paru sur notre site cet été des responsables du Centre Démocratique Kurde de Montpellier.
Indignation après l’attentat à Ankara.
Ensemble! exprime son indignation face au terrible attentat qui a visé le meeting pour la paix et la démocratie à Ankara et a causé la mort de près d’une centaine de camarades venu-e-s des quatre coins de la Turquie. Nos pensées vont à celles et ceux tombé-e-s, les blessé-e-s, leurs proches et leurs organisations.
Ce meeting de masse devait rendre visible à la face du monde l’émergence d’un mouvement pour la solidarité, l’égalité et la résistance contre l’exploitation et les oppressions, contre Erdogan et son parti l’AKP. Cela devait faire écho au score historique lors des élections de juin du HDP (parti du mouvement de libération kurde, de courants marxistes, de démocrates) qui devrait confirmer son implantation lors des élections du 1er novembre. C’est bien cela qui est visé par cet attentat infâme. Il est impossible de ne pas voir la main du pouvoir dans l’attentat : strictement aucune protection policière significative n’existait pour un meeting de cette taille, les bombes ont éclaté au cœur de la capitale d’un pays dont les services secrets se prévalent de leur efficacité. De plus, après l’attentat, la police est intervenue contre les survivant-e-s et en bloquant les ambulances. Les accusations lancées par le pouvoir turc contre le PKK (dont cet attentat ne correspond ni aux objectifs, ni à la décla- ration de trêve, ni à l’orientation, ni aux méthodes) ne sont que des leurres pour couvrir son crime.
Le carnage d’Ankara n’est que le point culminant d’un processus au sujet duquel les dirigeant-e-s européen-ne-s et F.Hollande ont préféré garder un silence complice qui engage leur responsabilité. la répression s’est amplifiée en Turquie : les villes kurdes sont en état de siège et la population civile y est assassinée par les forces de l’État, des pogroms sont couverts par les forces de l’ordre et un attentat similaire avait déjà coûté la vie à plus de 30 militant-e-s de gauche cet été dans la ville de Suruç. L’enquête s’est résumée à l’arrestation de près de 200… militant-e-s de gauche et kurdes membres des mêmes organisations que les victimes. Cela n’a suscité aucune critique de François Hollande. Au contraire, celui-ci avait même remercié Erdogan pour son “action vigoureuse” contre Daesh… Ce genre de réactions, en dédouanant Erdogan, a participé à ce que de nouveaux massacres se produisent.
Être “scandalisé” par cet attentat comme le dit F.Hollande ne suffit pas. Le gouvernement français doit mettre fin à sa passivité lâche et criminelle envers le régime d’Erdogan.
Ensemble ! Le 11 octobre 2015.
Interview de Fatma et Ibrahim, kurdes de Montpellier paru sur www.resistons.net en août 2015
Les kurdes de Turquie sont-ils nombreux à Montpellier ?
Il y a 350 à 400 familles installées à Montpellier et dans la métropole et au total nous devons être 250.000 en France. La plupart d’entre nous ont un statut de réfugié politique, car dans les années 90/ 2000 le gouvernement turc a rasé des centaines de villages et exercé une répression féroce contre les kurdes. Nous avons dû nous exiler pour survivre. Mais l’intégration se passe bien, nous avons du travail dans le bâtiment, l’artisanat, la restauration et certains ont obtenu la nationalité française.
Comment êtes vous organisés ?
Dans le local du Centre Démocratique Kurde Montpellier
Dans toutes les villes de France existe une association. Toutes sont fédérées au sein du Conseil démocratique Kurde de Paris. A Montpellier nous sommes ici dans le local du Centre Démocratique Kurde, dans le quartier Figuerolles. C’est un local qui accueille tous les jours les kurdes qui viennent s’informer, boire ou manger, passer un moment.
Nous avons pas mal d’activités culturelles, l’apprentissage du français notamment, mais aussi des cours de danse, de langue kurde, de musique, des soirées d’animation et de fêtes. Il y a une grande solidarité.
Mais nous suivons aussi l’actualité, le combat des kurdes en Irak, en Syrie et en Turquie bien sûr. En fonction des évènements, nous appelons à des rassemblements et manifestations, toujours déclarées en Préfecture et avec le souci d’appeler à la solidarité la plus large avec les organisations françaises… comme lors du siège de Kobané par Daech…
Erdogan a rompu les négociations et déclenché une offensive contre le PKK. Pourquoi d’après vous ?
Il faut savoir que, il y a 2 ans, c’est le PKK et de son leader Ocalan, qui ont voulu arrêter la guerre, ouvrir des négociations avec pour objectif d’obtenir un statut de confédération. Erdogan a accepté, mais surtout dans un but électoral, pour obtenir les voix des kurdes et ainsi affaiblir le PKK. Effectivement son parti l’AKP a capté beaucoup de voix kurdes.
Mais aujourd’hui il a peur. Les kurdes syriens ont annoncé une autonomie de leur territoire qu’ils gèrent démocratiquement avec le respect de toutes les minorités et ce sont eux qui mènent une lutte efficace contre Daech. Alors qu’Erdogan a soutenu Daech contre les kurdes notamment à Kobané. Dès lors les kurdes de Turquie ont compris qu’Erdogan ne voulait rien négocier et ils ont voté massivement le 7 juin 2015 pour le HDP, le Parti Démocratique des Peuples. Par exemple dans la ville principale du kurdistan, le HDP a eu 10 députés et l’AKP 1 seul. Au niveau national avec 13% des voix et 80 députés, le HDP a privé Erdogan de la majorité absolue de 276 voix, l’AKP en obtenant 250. Affolé et enragé de voir l’échec de son projet de gouvernement autoritaire à sa botte, il multiplie les arrestations, 2000 militants du HDP sont en prison, et bombarde les positions kurdes et s’en prend maintenant aux villages et aux civils.
Comment voyez-vous l’évolution de la situation ?
Hélas Erdogan a obtenu la neutralité voire la complicité de la coalition en laissant croire qu’il combattait Daech. Il soutient ouvertement les islamistes de Jabhat al–Nosra qui sont liés à Al Qaida.
D’autre part, en faisant la guerre aux kurdes, il espère gagner les prochaines élections en captant le courant d’extrême -droite et tous les nationalistes turcs. Même si aujourd’hui une minorité de turcs prend conscience du problème kurde, de la menace sur la démocratie et se retrouve dans le HDP. Pour le moment le PKK ne fait que riposter ponctuellement et veut éviter la guerre civile.
Il y a eu des attentats contre des policiers et militaires…
Oui mais il s’agit de ripostes à des bombardements de civils. Car à présent l’armée turque s’en prend aux civils, tue et fait croire qu’il s’agit de militants du PKK. C’est une politique de terreur, car dans 8 villes kurdes, la population a décidé de s’autogérer et refuse la présence des forces militaires turques…
Erdogan joue avec le feu et le silence de la France et de la coalition est très décevant.
Interview Jean-Claude Carcenac 14 août 2015