Sud Est du Gard : le racisme et la haine s’affichent ouvertement.



Dès les années 80, le sud est du Gard a
été un bastion électoral du FN. En juin 2012, c’est là que le FN a obtenu un de
ses députés (Gilbert Collard).
 En cet été 2012, plusieurs articles de Midi
Libre et du Monde reviennent sur les incidents racistes (insultes, saluts
fascistes, coups de feu…) qui se sont déroulés au Cailar et à Aigues Mortes(Gard).  A noter  la campagne que mènent les militants et sympathisants du FN pour banaliser ou justifier ces agressions verbales ou physiques, en utilisant notamment les
“commentaires” sur les articles du quotidien régional.


Gard Slogans au Cailar : enquête pour provocation à la haine raciale

14/08/2012, 08 h 28

HOCINE ROUAGDIA in Midi Libre

Des propos racistes scandés dans les arènes du Cailar.
Des propos racistes scandés dans les arènes du Cailar. (Photo ARCHIVES F.A.)

Les slogans racistes, proférés dans les arènes du Cailar, le 5 août dernier, lors d’une course de taureaux, ont donné lieu dimanche à l’ouverture d’une enquête pour provocation à la haine raciale, a confirmé hier, Robert Gelli, le procureur de la République de Nîmes. Il a confié les investigations aux gendarmes de la compagnie de Vauvert.

Les faits ont émergé avec la diffusion sur internet d’une vidéo dans laquelle les propos racistes, “on n’a pas de bougnoules chez nous” et “on est des fachos”, sont scandés par des jeunes personnes, qui sont en cours d’identification. L’affaire a provoqué des réactions dans le village notamment du maire, Reine Bouvier, qui dimanche, en début de soirée, a prononcé un discours dans lequel elle a condamné les fauteurs de troubles tout en soulignant la gravité de ce type d’actes. Elle n’a pas caché “un sentiment de tristesse et de honte” face à ces slogans. Des applaudissements ont ponctué son intervention.

Contactée hier par téléphone, le maire a réitéré sa position publique : “L’élue de la République que je suis ne peut tolérer ce genre de comportement qui déshonore l’ensemble des habitants du Cailar, la beauté de nos traditions et pire nous mettent tous en danger. Ceux qui ont commis ces actes devront en assumer les conséquences.” Par ailleurs, Reine Bouvier a rappelé que “Le Cailar est un village où il fait bon vivre” et a souligné que “la fête votive est un lieu de partage et de convivialité. Ce n’est pas le moment ni le lieu pour s’exprimer politiquement.”

Cette affaire s’inscrit dans un contexte particulier – et tendu – en Camargue qui semble marquer une certaine banalisation des comportements et des propos racistes.

Pour sa part, Jean-Paul Boré, le conseiller régional (PCF), estime que “les actes et insultes racistes du Cailar et Aigues-Mortes appellent à une prise de conscience de la part du monde politique (…) Historiquement, le pire a toujours commencé à cause d’illuminés persuadés d’avoir trouvé le bouc émissaire : italien, juif, tzigane et tant d’autres, tous coupables – selon eux – des maux de la société. Le racisme n’est pas une opinion, il ne se discute pas, il se combat !”

Le Cailar Incidents pendant une fête votive : “On n’a pas de bougnoules chez nous !”

NATHALIE BALSAN-DUVERNEUIL, in MIDI LIBRE
11/08/2012,  19 h 58

La vidéo a déjà suscité beaucoup de réactions sur la Toile.
La vidéo a déjà suscité beaucoup de réactions sur la Toile. (D.R.)

Le 5 août dernier, en pleine fête votive, une course camarguaise a été troublée par l’irruption d’un groupe d’individus scandant des slogans racistes, devant un public tellement atterré qu’il est resté sans réaction. Une vidéo de ces évènements tourne en boucle sur Youtube et suscite déjà la polémique.

“On est des fachos !”

C’est au cri de “On n’a pas de bougnoules chez nous !”, et de “On est des fachos !” agrémenté de cris imitant les singes, qu’un groupe d’une quinzaine de personnes a semé la consternation.

Le maire du village, Mme Reine Bouvier, étiquetée Divers Gauche, était présente au moment des faits : “J’étais là, comme je le suis toujours en pareille circonstance. J’avoue n’avoir pas fait vraiment attention à ce qu’ils chantaient. Mais je suis convaincue qu’il faut mettre cela sur le compte de l’alcool. C’est très triste.”

Présidente de la communauté de communes de Petite Camargue, Mme Bouvier se défend d’avoir cautionné par sa présence cet incident : “Je suis élue depuis 1995, et tout le monde vous dira que je lutte de toutes mes forces contre toutes les formes de discrimination. Lorsque j’ai été élue ici, les gens considéraient qu’on n’était pas Cailarens si la famille n’habitait pas depuis 5 générations dans le village. J’ai aussi lutté contre ça.”

“Le Cailar est un village tranquille et convivial”

Mais les semeurs de trouble seront-ils sanctionné ? “Je ferais ce que j’ai à faire dès la fin de la fête votive. D’autant que je sais que certains adultes cautionnent les paroles des jeunes. Le Cailar est une village tranquille et convivial. Je sais que la population a été offusquée de ces insultes, qui ne sont que le fait d’une poignée d’individus avinés“.

Il n’empêche qu’après les évènements tragiques d’Aigues-Morte et de Vauvert la semaine dernière, ce nouvel incident prend une connotation particulière. Principalement dans un village qui a donné 34,23% de ses suffrages au Front National aux dernières élections présidentielles.



Le racisme
anti-Arabes se banalise dans le Gard

LE MONDE 18.08.2012
Par Yves Bordenave

Voilà près de deux semaines que William Vidal
et Monique Guindon,
44 ans tous deux, sont en prison. Dans la nuit du 4 au 5 août à Aigues-Mortes
(Gard), ils s’en sont pris à une dizaine de jeunes qui bavardaient devant
l’épicerie Viva, à l’angle des rues du Vieux-Bourgidou et Jeanne-Demessieux,
quartier du Bosquet, un endroit ni beau ni moche, situé un peu à l’extérieur de
la cité fortifiée. Cette nuit-là, entre minuit et demi et 1 heure, alors qu’ils
circulaient à bord de leur Citroën Xsara, William et Monique ont voulu “se
faire
des Arabes”. Une ratonnade à eux tout seuls.

Lui était un
peu alcoolisé – 1,8 gramme dans le sang – et elle, à jeun. Ils se sont arrêtés
une première fois à la hauteur du groupe de jeunes gens. Lorsque l’un d’eux
s’est approché pour demander
s’ils voulaient un renseignement, ils ont démarré. Ils sont revenus dix minutes
plus tard, armés d’un fusil de
chasse. Ils se sont de nouveau arrêtés au même endroit et, sans sortir
de sa voiture, William s’est écrié : “C’est pas un Arabe qui va me donner
un renseignement !”
Puis il a tiré une première fois en l’air.

Effrayés,
les jeunes se sont enfuis, les uns à gauche vers le terrain de basket, les autres à droite dans un
lotissement. William et Monique ont alors entamé la poursuite – “la
chasse à l’homme”
, dira le procureur. Fenêtres de la voiture grandes
ouvertes, William brandissait son fusil tandis que Monique criait : “On
est en France ici. On est chez nous !”

La scène
s’est prolongée pendant une vingtaine de minutes, le temps pour William de tirer
au moins neuf coups, de blesser
un jeune à l’épaule et au bras, de viser
une dame et sa fille de 9 ans qui passaient en voiture. A ses côtés, Monique –
la plus vindicative, selon les jeunes – rechargeait le fusil. Alertés, les
gendarmes ont fini par intercepter
le couple, qui a été condamné dès le 6 août par le tribunal correctionnel de
Nîmes en comparution immédiate pour “violence avec armes et incitation
à la haine raciale”
. William a pris quatre ans ferme et Monique, deux
ans. Incarcérés à l’issue de l’audience, l’un et l’autre ont fait appel du
jugement.

Par miracle,
il n’y a eu ni mort ni blessé grave, mais l’affaire laisse un profond traumatisme
et les victimes restent sous le choc : “On n’a jamais eu de souci avec
personne. On est tous né ici. On est allé à l’école ici. Tout le monde nous
connaît.”

Agés de 20 à
25 ans, les uns sont étudiants en master à Montpellier, les autres ingénieur
dans une société à Marseille ou vendeur en téléphonie, ou encore employé
saisonnier dans la commune. Aucun d’eux n’a jamais eu affaire à la police, pas plus qu’ils n’ont eu “la
moindre embrouille”
avec leurs agresseurs. Lesquels, tous deux
également habitants et natifs d’Aigues-Mortes, ne sont pas non plus des voyous.
Certes, William a écopé d’une condamnation pour conduite en état d’ivresse,
mais de là à brosser
le portrait d’un dangereux délinquant, il y a un pas.

Depuis
plusieurs années, William et Monique vivent ensemble dans cette petite ville du
coeur de la Camargue où, l’été, les touristes se pressent par milliers le long
des rives du canal et dans les rues étroites à l’intérieur des remparts. Lui
travaille au cimetière où la municipalité l’emploie. Un honnête travailleur,
qui boit sûrement plus qu’il ne faudrait mais sans déchoir pour autant.
Probablement un brave type ! C’est en tout cas ce qu’assurent tous ceux qui,
dans la ville, le connaissent et prennent aujourd’hui sa défense, n’hésitant pas, sur Internet, à fustiger
la justice trop clémente “avec
les Arabes”
et trop dure “avec les Français”.

ATMOSPHÈRE
LOURDE

“Ils
oublient la gravité des faits”,
s’agace le
procureur de la République de Nîmes, Robert Gelli,
qui “n’avait jamais vu ça : un tel niveau de violence qui aurait pu tourner
au carnage”
. Réaction identique du préfet du Gard, Hugues Bousiges,
qui, tout en condamnant “avec la plus grande fermeté ces actes”,
regrette que “manifestement, des gens n’ont pas compris la gravité des
faits et la sanction qui a suivi”
. Seul Cédric Bonato, maire (PS)
d’Aigues-Mortes, refuse de commenter
les faits, soucieux, selon ses proches, de “pacifier” une
situation décrite comme explosive.

C’est que,
loin de manifester
la moindre compassion à l’égard des jeunes tirés comme des lapins, nombre de
ses administrés ont choisi le camp des coupables avec d’autant moins de
complexes qu‘”il n’y a pas eu mort d’homme”. Tout juste une
sorte de jeu, peut-être un coup de sang qui, dans leur esprit, doit bien se justifier
d’une manière ou d’une autre. “Pour eux, la justice est injuste. Ils
sont en incapacité de comprendre”
, indique un responsable local qui
souhaite conserver
l’anonymat.

Les autorités
administrative et judiciaire locales ne le dissimulent pas : une atmosphère
lourde de menaces plombe ce coin du Gard où la population tend de plus en
plus à se replier
sur elle-même et où, à chaque élection, le Front national réalise des
scores importants.

Gilbert Collard,
l’un de ses représentants, a été élu député dans cette circonscription en juin
avec le soutien tacite des élus de la droite locale. “Les propos qu’on
tenait sous le manteau il y a quelques années émergent aujourd’hui dans la
sphère publique”
, constate le procureur Gelli.

Ainsi, le 5
août, dans les heures qui ont suivi la ratonnade, des jeunes gens ont profité
d’une course camarguaise au Cailar, à quelques encablures d’Aigues-Mortes, pour
faire
irruption dans l’arène au cri de : “On n’a pas de bougnoules chez nous
! On est des fachos !”
La mairesse a aussitôt condamné cet acte et le
parquet de Nîmes a ouvert une enquête
préliminaire afin de retrouver
les auteurs. Même le président (PS) du conseil général du département, Damien Alary,
s’inquiète de ces dérives de plus en plus fréquentes. L’élu voit dans “cette
escalade le résultat de dix ans de banalisation d’un discours de rejet”
.

Un
Aiguemortais, impliqué dans les affaires de la commune, s’alarme également de
ce passage à l’acte : “Quand les difficultés sociales et économiques
pèsent sur cette terre camarguaise, il est de bon ton de rendre
l’autre responsable. La haine de l’autre est exacerbée.”
Au premier
trimestre 2012, le taux de chômage dans le département atteignait 13,1 %.

Chacun ici
garde en mémoire un épisode tragique de l’histoire locale qui remonte au 16
août 1893. Ce jour-là, des ouvriers aiguemortais ont massacré des immigrés
italiens venus pour échapper à la misère, et ouvriers comme eux aux Salins du
Midi. Il y eut au moins 8 morts côté italien, et les autochtones, relayés par
la presse locale, en profitèrent pour rivaliser
de propos nationalistes et xénophobes contre “les ritals”.

Partager :
Ensemble 34