Languedoc Roussillon. Faire face à l’ascension du FN !

 Article rédigé après les départementales du printemps  2015, confirmé par les régionales de décmebre 2015. L’importance de l’abstention ne doit pas amener à relativiser la montée du FN. Dans notre région, comme à l’échelle nationale, il a réussi à élargir son audience bien au delà de son impantation traditionnelle, capable de séduire des électorats divers, jusqu’aux vieilles terres de gauche de l’arrière pays. 


L’importance de l’abstention ne doit pas amener à relativiser la montée du FN. Dans notre région, comme à l’échelle nationale, il a réussi à élargir son audience bien au delà de son implantation traditionnelle, capable de séduire des électorats divers, jusqu’aux vieilles terres de gauche de l’arrière pays. (article écrit après les départementales de 2015)

 

Les analyses sur l’ implantation du FN opposent souvent un FN au Sud, clairement de droite, et un FN au Nord et à l’Est qui cherche à gagner l’électorat populaire et n’hésite pas pour cela à reprendre des thématiques empruntées à la gauche. On retrouve cette opposition au sein même du Languedoc Roussillon, entre l’implantation traditionnelle du FN (la plaine littorale) et les nouvelles terres de conquête (les arrières pays).

Le FN est fortement implanté dans la plaine littorale depuis les années 80. La présence importante des rapatriés, dont une partie n’avait pas digéré l’indépendance de l’Algérie, et le poids important d’une petite bourgeoisie de la boutique (commerce, artisanat, TPE) volontiers poujadiste, ont permis tôt la banalisation des idées du FN et la construction d’un premier et substantiel matelas électoral. 

Bien avant les années Sarkozy, concurrencée par le FN, la droite a ici repris les thématiques de l’extrème droite. Elle s’est allié au FN en 1998 pour garder la région. Elle a ainsi légitimé le discours lepéniste et a nourri, à ses dépends, la progression du FN. Les dernières élections le confirment. En 2014, Ménard gagne Béziers aux dépends de la droite de l’UMP (droite dite populaire). En 2015, la droite traditionnelle est dans la région éliminée sur de nombreux cantons. 

Ce premier et solide électorat FN correspond donc à une radicalisation à l’extrême de la droite qui s’incarne aujourd’hui dans les discours de Marion Maréchal Le Pen. Le FN a cependant réussi à s’enraciner bien au delà de ce premier électorat.

A partir des années 90, les scores du FN sont devenus élevés dans les zones pavillonnaires. La périurbanisation massive avec la construction de vastes zones dortoirs, au final assez éloignées de l’image idéalisée du sud ensoleillé et convivial où il ferait bon vivre, a pu nourrir une série de frustrations et de craintes. L’attachement à une petite propriété difficilement acquise et souvent cher payée (endettement, longueur des temps de trajets) s’y combine avec la peur de la relégation sociale – si jamais le lotissement, l’ancien village, devait ressembler à une banlieue urbaine, surtout telle que les médias les présentent.

Cette crainte vis à vis de la réalité fantasmée de la ville et de ses cités, touche désormais aussi des villages de plus en plus éloignés des villes et des problèmes d’insécurité censés nourrir le vote d’extrême droite.

 Ajoutons que dans notre région, une partie importante des salariés du privé est employée dans des petites entreprises où l’implantation syndicale – et la solidarité que cela permet de construire – est très faible. Les salariés mal rémunérés, précarisés, éclatés dans de petites structures, sont beaucoup plus sensibles à la démagogie du FN.

Ainsi, depuis quelques années, la progression du FN se fait là où il était peu implanté. L’Aude, vieille terre socialiste, a vu le FN faire un bon de 10% lors des départementales, il est en capacité de se maintenir presque partout. Il dépasse souvent les 40% et fait des scores hallucinants dans de tous petits villages.

 Ce phénomène est fréquent dans de nombreux cantons de l’arrière pays. La fermeture de la plupart des usines des piémonts, depuis les Cévennes jusqu’aux Pyrénées, la disparition ou la réduction des services publics qui, comme la poste, contribuaient à créer du lien social, la faiblesse de la vie culturelle en dehors de la saison estivale, l’ennui et l’absence de perspective pour les jeunes, la paupérisation des retraités, tout cela crée un sentiment justifié d’abandon qui nourrit l’abstention et le vote FN. De plus, la cherté du logement dans les grandes villes comme Nîmes ou Montpellier pousse à s’installer dans l’arrière pays, mais cette décision, plus subie que choisie, entraine souvent du ressentiment.

La capitale régionale n’échappe pas non plus à cette ascension du FN. Il a pu dans le passé faire des scores importants à Montpellier, mais lors d’élections nationales. En 2015, lors des départementales, il a progressé en pourcentage mais surtout en voix par rapport aux municipales de 2014 : il passe de 14 à 20 % et gagne environ 2700 voix.

La région Languedoc-Roussillon est la plus pauvre de France, avec le Nord Pas de Calais. Montpellier, derrière la vitrine, a un taux de pauvreté supérieur à celui de Marseille. Taux de chômage et de précarité record, bas salaires, difficultés pour se loger, la réalité sociale est bien éloignée de l’image idéalisée véhiculée par les élus locaux ou régionaux du PS et leurs agences de communication.

Ce déni de réalité, combiné avec des pratiques clientélistes et surtout avec la politique menée par le gouvernement « socialiste », finit de convaincre l’électorat populaire que le PS s’est définitivement éloigné du peuple.

Le FN surfe sur ce sentiment et se montre capable d’adapter son discours aux différents publics rencontrés. Il n’est, pour l’instant, pas gêné par les contradictions flagrantes, par exemple entre le message traditionnel adressé aux petits patrons et la promesse d’augmenter les bas salaires ou encore  entre le refus poujadiste de l’impôt et la défense des services publics dans les zones rurales.

La dynamique ascensionnelle lui permet aujourd’hui d’agglomérer sans trop de difficultés les divers mécontentements et d’élargir ainsi son audience. L’existence d’un leader charismatique et la désignation maintenue de l’immigré – arabe ou musulman – comme bouc émissaire permettent de résoudre les contradictions programmatiques. Le programme concret ou immédiat de l’extrême droite importe d’ailleurs assez peu – au regard de l’idéologie générale – puisque il varie en fonction des circonstances et ne sert qu’à organiser la marche vers le pouvoir.

Pour la première fois depuis les années 30, une telle éventualité n’est plus à exclure.

Face à ça, il est vain et dangereux d’essayer de convaincre l’électorat du FN ancré très à droite depuis longtemps, en faisant de la surenchère sécuritaire, antimusulman ou anti-immigré. Valls pas plus que Sarkosy n’y ont réussi. Pire ils ont contribué à banaliser les discours de haine. 

Il est par contre encore temps d’éviter un basculement durable de l’électorat populaire déçu de la gauche, au mieux, dans l’abstention et la résignation, au pire dans le vote d’extrême droite. Pour cela, il est indispensable de refuser le chantage des dirigeants du PS pour unifier la gauche face au risque FN lors des prochaines régionales et présidentielles. Leur politique est la première responsable de la confusion des esprits et de la désespérance populaire. 

À l’inverse, il est nécessaire de construire les mobilisations sociales et écologiques contre la politique gouvernementale. Un mouvement social d’ampleur pourrait permettre d’inverser la donne. Il tarde cependant à venir, les défaites passées, les conditions de la période le rendent difficile, d’autant plus que le poids du FN stérilise et détourne le mécontentement populaire.

Les diverses forces de gauche qui s’opposent à la politique d’austérité ont donc une lourde responsabilité. Unies et déterminées, elles peuvent et doivent atteindre le seuil de crédibilité nécessaire pour que ne s’installe pas durablement, au moment des élections comme au quotidien, le tripartisme mortifère PS-UMP-FN, où seul ce dernier fait figure d’opposition au système.

David Hermet

 

 Sur le même thème, sur le site national de Ensemble !

 

Le Front national élargit son emprise (Guillaume Liégard)

Le premier tour des départementales marque le franchissement d’un cap pour le FN : il étend sa base électorale en même temps que sa capacité à agir dans les territoires. Avec la complicité active du PS et de l’UMP, qui croient habiles de jouer avec ce feu.

L’annonce des résultats du premier tour des élections départementales a comme souvent donné lieu à de curieux plaidoyer pro domo. Les premières estimations à peine connues, le premier ministre annonçait déjà un « score honorable » pour le Parti socialiste quand le tandem UMP-UDI se rengorgeait d’être la première force politique du pays. Pour un peu, on nous annonçait la déroute du Front national qui n’a obtenu « que » 25,11%. Désir inavoué de se rassurer à bon compte ou cécité politique préoccupante, dans les deux cas les propos sont atterrants.

Chaque élection ayant ses caractéristiques propres, locales ou nationales, à scrutin majoritaire ou à la proportionnelle, il est d’usage de comparer d’abord des élections de même nature. En 2011, lors des précédentes cantonales, le score du Front national avait été alors commenté comme « une forte poussée », il est vrai que le parti de Marine Le Pen avait alors obtenu 15,18%. À l’époque, cela paraissait beaucoup, mais c’est de la préhistoire. La progression atteint donc plus de dix points en l’espace de quatre ans alors même que la participation est passée de 44,3% à 50,2%.

Aux élections départementales, le FN égale le sommet des élections européennes, un quart des suffrages. Pire, dans un type d’élection beaucoup moins favorable pour lui, le parti d’extrême droite gagne près de 700.000 voix avec une participation de six points supérieure à juin 2014.

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Reconstruire une gauche en France (Clémentine Autain )

Combien faudra-t-il d’échecs électoraux cuisants et de désaffection populaire pour se mettre au travail, sérieusement, et faire du neuf à gauche ? Je le dis avec une bonne dose de colère car la responsabilité collective est engagée pour ne pas laisser la sidération, le cynisme ou la routine l’emporter. Oui, nous sommes au pied du mur. À la croisée historique des chemins.

Car, contrairement à l’ambiance médiatique du premier tour des élections départementales, le PS et la gauche sont en déroute. Deux ans et demi après la victoire de François Hollande, la gauche atteint l’un de ses plus bas niveaux historiques avec 36,4% des voix. Loin des 28% largement annoncés dimanches, le PS n’atteint pas 20% à l’échelle nationale si l’on enlève les binômes avec le Front de gauche, EE-LV et divers gauche. Le Front de gauche est à la peine, même si ses alliances avec EELV permettent de belles percées. Avec 24%, le FN est bien le premier parti de France. Et l’UMP, avec l’UDI, tire les marrons du feu. Nous devons relever le défi de la reconstruction d’une gauche en France.

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