Cap Santé. Un groupe en plein essor

Les cliniques privées se portent bien . Dans l’Hérault le
groupe Cap Santé a des pratiques curieuses, sur le dos de la sécu et des employés-es.
Ou comment faire fortune pour une entreprise familiale aux appuis multiples. Lire
notre enquête exclusive.

Un très puissant groupe familial

un-pied-dans-l-aude_396002_516x343.jpgLe groupe Cap Santé compte
aujourd’hui 10 établissements de soins privés et 10 activités de soins
sanitaires et médicaux-sociaux, regroupés sur le département de l’Hérault et
couvrant la plupart des disciplines médicales. 10 établissements auquel on peut
même rajouter une crèche.

Depuis sa création en 1990,
et l’acquisition de la Clinique Pasteur à Pézenas ce groupe familial n’a cessé
de croitre :

* 3 cliniques
médico-chirurgicales : la clinique Pasteur à  Pézenas, la polyclinique des 3 vallées à
Bédarieux et la clinique saint Jean à Montpellier

* Un centre de convalescence
(SSR) Le colombier à Lamalou les Bains

* 5 EHPAD (maison de
retraite)

* Un HAD (hospitalisation à
domicile) dont le siège est à Pézenas

* Une crèche à Cournonsec

Chaque établissement est
juridiquement autonome ce qui évite, entre autre, pour le plus grand nombre
d’entre eux d’avoir un CE (non obligatoire en dessous de 50 salariés)

Une entreprise éthique ?

lamine-gharbi.jpg« Je considère que les cliniques sont des entreprises comme les autres
mais avec une grande responsabilité qui implique une véritable éthique et une
vraie morale vis-à-vis des patients dont nous avons la responsabilité…
 »[1]

« Egalement
au centre de nos préoccupations, la volonté très affirmée d’assurer des missions de service public de
santé. « 

  « Dans un contexte de croissance régulière, le
Groupe que je préside souhaite affirmer quotidiennement sa volonté de
poursuivre ce développement au plus près des usagers et de maintenir une offre
de soins de qualité
. »[2]

Ce sont là les mots écrits
par Lamine Gharbi, président de Cap Santé, président de la Fédération de
l’hospitalisation privée.

Voyons la réalité

 



Des salarié-es  non représenté-es

La convention collective
appliquée dans ces établissements est la CCU (convention collective unique), la
pire qui soit pour les salariés du privé en ce qui concerne le secteur
sanitaire. A titre d’exemple, une aide soignante débutante est payée au SMIC ;
un infirmier débutant 400 euros de moins que d’autres convention
collectives ; un cuisinier expérimenté touchera 1200 euros en travaillant
un week-end sur 2 et les jours fériés.

Seuls 1 ou 2 établissements
ont des délégués du personnel (qui en étaient déjà doté lors du rachat par Cap
santé), les élections de ces derniers n’étant jamais organisées par
l’employeur.

« Pourquoi avoir des délégués du personnel alors que mon bureau vous est
toujours ouvert ?…. Venez discuter avec moi, nous règlerons les
soucis que vous pouvez rencontrer
» 
dixit un directeur du groupe en grande messe annuelle devant l’ensemble
du personnel

L’absence quasi-totale de
personnel syndiqué est à noter.

 

Pour construire un tel groupe,
la famille Gharbi, est extrêmement bien organisée et bénéficie d’appuis très
influents.

Cette croissance exemplaire,
la réussite de ce groupe, s’inscrit bien sur dans les politiques de santé menées
par les gouvernements successifs depuis une vingtaine d’années, à savoir :
casser l’hôpital public (et plus généralement le secteur sanitaire public) en
lui laissant les activités non rentables, et donner au privé toutes les
activités par essence bénéficiaires. Avec pour conséquence de voir se
développer un secteur privé de santé aux bénéfices colossaux aux frais de la
sécurité sociale et un secteur public largement déficitaire ; ce qui sera
une raison supplémentaire invoquée pour continuer son démontage
systématiquement organisé. Tous les cas médicaux« difficiles » (non
rentables en fait) sont dirigés vers le public, voire même transférés d’une
clinique où ils ont été admis (via les urgences par exemple) vers
l’hôpital après bien sur que la dite clinique ai effectué les examens rentables
(scanner par exemple).

Prenons également l’exemple
type de la personne âgée qui ne nécessiterait pas d’être hospitalisée mais qui
est en attente de placement (dans un SSR ou un EHPAD) et occupe un lit de
médecine à l’hôpital. Ce cas là ne se retrouve quasiment jamais dans le privé,
car le privé est très organisé pour que cela ne se produise pas.

 

Depuis de nombreuses années
Mr Gharby effectue un travail de lobbying extrêmement efficace, offrant un
maillot de l’équipe de France de rugby à une ministre de la santé, déjeunant
avec un autre ministre… tout ça bien sur savamment orchestré dans un plan com
des plus agressifs. A en croire les photos et articles de presse cet homme est
un intime des décideurs.

On peut s’interroger sur les
rapports entretenus avec les administrations que sont l’HAS (haute autorité de
santé) et régionalement l’ARS (agence régionale de santé), responsable en matière
d’agrément et d’accréditation des établissements du groupe. On ne refuse rien à
Cap Santé : nouvelle accréditation, augmentation du nombre de lits des
établissements existants, création d’établissement…le parcours parfait.

Et pour bien faire, comme on
n’est jamais mieux servi que par soi même, Mr Gharby est depuis le 25 juin 2014
président de la FHP (fédération de l’hospitalisation privée). Le site de la FHP
nous gratifie même d’une biographie du président, le parcours professionnel
parfait, marié 5 enfants…le parfait American way of life.

 

Comment Cap Santé  s’organise pour que l’activité soit très
rentable ?

Nous l’avons vu, le groupe
possède des établissements représentant l’ensemble de la filière de
santé : chirurgie, médecine, HAD (hospitalisation  à domicile) convalescence et retraite.   Le groupe « mutualise » les
nécessaires coûts annexes : restauration, pharmacie, matériels médical etc…

cap_s.pngLa pharmacie (Garcias à
Pézenas) est dirigée par la première épouse de Lamine Gharby.  Quant il s’agit de faire des affaires
l’entente est de mise. Cette pharmacie fourni l’ensemble du groupe Cap Santé,
ce qui représente un chiffre d’affaire annuel énorme.

Une personne âgée en Ehpad
consomme environ 50 euros (moyenne) par mois de médicaments. Pour 65 résidents
cela fait près de 40.000 euros par an. Je vous laisse extrapoler sur l’ensemble
des établissements, sachant que le coût « médicament » est bien plus
élevé en hospitalisation qu’en Ehpad. Bien entendu, comme nous sommes dans le
droit privé, pas question d’appel d’offres. Pourtant il s’agit bien d’argent
public, le médicament étant remboursé par la sécurité sociale.

En ce qui concerne le
matériel médical (lits médicalisés, fauteuil roulant, matériel d’alimentation
parentérale etc..), jusqu’à il y a quelques mois, Cap santé travaillait avec
Vitrine Médicale (Pèzenas) dont le patron, n’est autre que l’ex beau frère de
Mr Gharby. On n’est jamais mieux servi que par les siens. Ce commerçant vient
de perdre le marché du groupe.

L’architecte du groupe fait
également parti de la famille : l’ex belle sœur de Mr Gharby. Et bien sur,
on reproduit la même maison de retraite à Cournonsec, Pomerols (en cours de
construction) et Cuxac faisant fi des contraintes environnementales  particulière aux sites de construction et à
l’implantation dans la ville. Les erreurs architecturales sont bien sur
reproduites à l’identique. Peut importe, ce n’est pas cher : prix
d’ami….pardon prix de famille.

On peut s’interroger sur les
rapports entretenus par cap Santé avec ses fournisseurs.

La groupe mutualise aussi la
restauration de ces établissements : Mr Gharby a récemment négocié un
contrat (pour le groupe) avec la société Médirest. Ce contrat prévoit un coût
d’environ 4 euros par personne (hospitalisation  ou EHPAD) et par jour. Je vous laisse imaginer
la qualité des aliments quant une telle somme comprend les 3 repas plus le goûter.

On sait l’importance de la
nourriture pour les gens et en particulier pour les personnes âgées. La culture
populaire ne dit elle pas : « c’est
le seul plaisir qu’il  leur reste
 ».
Mr Gharby n’a sans doute pas la même sagesse populaire que nous. Le coût de
l’alimentation dans les EHPAD représente moins de 5 % du loyer que paient les
résidents.

  

  Sur le site du conseil général ainsi que sur
celui de Cap santé on peut voir le nombre de lit agréés dans chaque Ehpad.

L’Ehpad de Cournonsec
affiche un nombre de 65 lits (sur les 2 sites). Le taux de remplissage de cet
établissement est de 100 %, ni plus ni moins. Etonnant non ? A y regarder
on s’aperçoit que le vrai nombre de lit est de 73 ! Sans doute quelques
chambres simples ont-elles du malencontreusement se transformer en chambre à 2
lits. Pour être plus précis le vrai taux de remplissage (pour les 65 lits) est
compris selon les périodes entre 105 et 110%. Chose étrange, les postes de
soignants et autres personnels sont calculés en fonction du nombre de résidents
donc dans le cas de cet établissement sur 65 résidents. Est attribué un nombre
de personnel calculé donc sur 65 résidents et donc ce personnel prend en charge
entre 5 et 8 résidents de plus. Concrètement cela veut dire qu’une aide
soignante fait 1 à 2 toilettes de plus chaque jour (entre autres taches) et que
la richesse créée par ce travail va directement dans la poche de Lamine Gharby
sans passer par la case sécu.

Les administrations de
tutelles (et donc de contrôle) font elles leur travail ? Ont – elles
accordées  un agrément supplémentaire de
8 lits pour cet  établissement ?

La conséquence de cela, en
dehors de ces pratiques plus que douteuses, est un accroissement conséquent de
la charge de travail du « petit personnel » et donc une souffrance au
travail voire une maltraitance du personnel. La CARSAT (Caisse d’assurance
retraite et de la santé au travail) a dénombré dans cet établissement un nombre
des plus élevé de la région d’accidents de travail et d’arrêt maladie des Ehpad
de la région.

 

Le groupe Cap Santé utilise le système
des vases communiquant qu’il nomme « logique de réseau et de
filière »

Le principe est assez
simple. Cap santé, nous l’avons vu possède des établissements représentant la
quasi-totalité de la filière de soin (de la chirurgie à la maison de retraite
en passant par la convalescence). Imaginons que le SSR (centre de
convalescence) ne soit pas plein. Quoi de plus simple pour l’encadrement que de
passer un coup de fil aux cliniques amies pour remplir les lits. Il semble
normal de « favoriser » de préférence l’entrée d’un patient venant
d’un établissement du mêe groupe.

Toutefois on  retrouve  régulièrement des patients, pour des séjours
d’au moins 15 jours en SSR ; qui n’ont rien à faire en structure de soin et
pour qui un simple étayage à domicile eut suffi. Et comme toujours aux frais de
la sécu.

Ce principe vaut pour tous
les établissements et fonctionne dans les 2 sens

 

Voila donc comment en France
on peut faire fortune sur le dos du contribuable. La poule aux œufs d’or est
bien belle, il suffisait de penser à la plumer : l’humain n’est-il pas une
marchandise comme les autres ?



[1] Article consacré à M. Lamine Gharbi, président du Groupe CAP SANTE, dans
le
 n°1670 du magasine 7OFFICIEL de décembre 2013, l’édition de la Gazette
économique de l’Hérault

[2] Site du
groupe Cap Santé    http://www.capsante.fr/le-groupe.html

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