BEZIERS. Capiscol, l’accident industriel qui viendra

10 ans après l’explosion d’AZF à Toulouse, des industries à risques sont toujours installées à proximité de zones densément peuplées. C’est le cas à Béziers près du quartier de la Devèze avec la zone d’activité de Capiscol.

Une enquête parue dans Motivées de juin 2011



Ça se
passe chez nous, pas ailleurs…

C’est à
Béziers, à la confluence de l’A9, de l’A75 et du périph est. Seule une rue la
sépare, au nord, du quartier populaire de la Dévèze. Au sud, elle arrive au
bord du Canal du Midi. A l’est iellejouxte un petit lotissement. Le reste de
Béziers n’est pas bien loin. Les installations sportives, juste à côté.


capiscolC.png

Environ 200
entreprises, 3000 personnes y travaillent chaque jour, autant de visiteurs,
dans un décor marqué par le laisser aller et l’incurie. Officiellement, presque
personne n’y habite; mais il suffit de s’y promener le soir pour se rendre
compte que, par choix ou par nécessité, cette zone industrielle est aussi
résidentielle.

C’est la
Zone d’Activités de Capiscol. un des 21 sites classés Seveso en France
métropolitaine.

Le
classement Seveso (voir fiche ci-contre) devrait être en théorie, par les
précautions et le contrôles qu’il implique, une garantie pour les habitants et
les travailleurs. En fait, il n’en est rien.

La puanteur
nauséabonde qui vous saisit dès que vous vous approchez du Capiscol vous met de
suite dans l’ambiance. C’est GHM, Grandes Huileries Mediaco, spécialisé dans la
trituration de graines oléagineuses, aux bassins en plein air remplis de boues
si malodorantes, mais qui est classée ICPE (Installation Classée Protection
Environnement) pour le fort risque d’incendie et d’explosion.

A propos
d’explosions, quelques mètres plus loin (le voisin immédiat) voici Gazechim :
star (avec SBM formulation) du risque industriel. Ici, sur un hectare, on
conditionne et on stocke des gaz liquéfiés toxiques et corrosifs (dioxyde de
soufre, bisulfite de potassium, chlorure d’hydrogène, ammoniac, alcali) tous
livrés par la route, au milieu de la ville. La produits sont stockés dans des
bâtiments séparés, mais les emballages vides “ou quasi vides” (de
l’aveu même de la DREAL, Direction régionale de
l’environnement, de l’aménagement et du logement) en théorie entreposés dans
des aires spécifiques, sont bien entassés pèle mêle dans un parc extérieur. 

Le
danger évoqué dans les documents officiels est la “dispersion de nuage
toxique explosible”. Tous les produits stockés sont tour à tour
“inflammables, toxiques par inhalation, irritants pour les yeux ou les
voies respiratoires, très toxiques pour les organismes aquatiques, provoquant
des brûlures”. Pour certains le danger est limité “aux milieux
confinés”, ce qui doit rassurer les ouvriers qui y travaillent…

 

Une
catastrophe annoncée

 

Pas la
peine de reprendre la voiture pour trouver SBM Formulation. Là, ce sont les
pesticides, fongicides, produits agropharmaceutiques et autres insecticides.
Mais qui connaît la liste exacte de ces produits (plus de mille, dit-on) sans
cesse livrés, transformés, conditionnés? Certainement pas les pouvoirs publics
qui se gardent bien de les mentionner dans les procès verbaux d’inspection, se
limitant à des formules vagues. De même qu’il n’est pas question de stockage de
produits à l’extérieur (alors que le parc regorge de bidons et cuves à tête de mort).
Mais, rassurez vous : “la gestion de l’incompatibilité entre les produits
est réalisée (…) par la consultation des fiches des données de sécurité (…) par
le biais de l’organisation du stockage (…) et le procédures qui permettent
d’éviter leur rencontre” et donc “le risque lié aux réactions entre
les produits (…) peut être écarté sur le site SBM FORMULATION”. Autrement
dit faites nous confiance!

C’est sans
doute grâce à la rigueur de SBM (et à son engagement solennel dans le Grenelle
de l’environnement… on croit rêver) que ce site a subi une série
impressionnante d’accidents. SBM (anciennement Union Carbide, ceux de Bhopal,
les produits sont les mêmes…), du plus désastreux, le 27/06/2005 : 4 bâtiments détruits, 1720 tonnes de produits partis en fumées,
193 personnes intoxiquées, on laisse le sinistre se consumer pendant deux mois,
l’enquête ne donne rien; au plus récent, le 07/04/2011 : 8 personnes
intoxiquées suite à une fuite dans une ensacheuse.

Mais les accidents, au Capiscol, ne sont pas l’apanage de SBM.
Voyez plutôt, parmi ceux qui ont échappé à l’omerta du productivisme, quoique
jamais élucidés :

·      
14/09/2005 : départ de feu à la SRA –SAVAC ICPE.

·      
6/03/2006 : incendie volontaire par des
viticulteurs à l’UNION VITICOLE à 100 m de la SBM

·      
21/11/2007 : suite à un incendie
destruction totale du bâtiment de stockage à la SRA-SAVAC

·      
18/07/2009 : incendie du centre de tri
UVOM et MEDITRI

·      
11/05/2009 : début d’incendie à la COVED
(ICPE traitant les déchets industriels) l’entreprise ne pouvant stopper le feu
fait appel aux pompiers qui étouffent la benne

·      
19/04/2010 : incendie à la COVED :
destruction totale du bâtiment de stockage

·      
06/05/2010 : départ d’incendie dans une
machine : 400 kg de produits toxiques épandus

·      
21/07/2010 : incendie au CET ; durant 36 heures
les riverains subissent des nuisances olfactives…

 

… où l’on fait la connaissance d’une autre
catégorie d’entreprises dangereuses : celles qui s’occupent des déchets des
autres

Le Centre d’Enfouissement Technique (CET) ou
Centre de Stockage des Déchets Ultimes (CSDU).

SRA SAVAC (filiale de SITA et SUEZ) collecte et
traitement des déchets industriels

COVED récupération d’huiles et graisses
industrielles.

 

capiscolA.png 

Sans parler
de l’eau…

 

La zone du
Capiscol se trouve en bordure du Canal du Midi. Et aussi en bordure d’une des
zones inondables les plus dangereuses de France. En bordure? pas tout à fait.
La carte des prévention des risques est formelle. Un “chenal”
inondable pénètre dans la zone du Capiscol, à la hauteur de la Rue Langevin et
remonte en profondeur, au delà du Stade de la Méditerranée, avalant en chemin
plusieurs entreprises et le Marché de gros. Elle frôle de quelques mètres, pas
plus, Gazechim et Médiaco à gauche, SBM Formulation à droite… Si l’on pense à
la réaction de certains produits au contact de l’eau, on frémit d’avance.

Mais, dans
l’autre sens, la ZI n’est pas avare avec le cours d’eau. Les sols et les zones
de stockage de nombreuses entreprises ne sont pas protégés contre les
infiltrations des produits chimiques. Le ruissellement des eaux pluviales
entraîne avec lui quantité de matières polluantes jusqu’au Canal. La mort de
milliers de poissons en 2005, juste en contrebas, n’a jamais été élucidée. Plus
: d’après un ingénieur de la Lyonnaise des Eaux interrogé récemment, la vétusté
des égouts, en de nombreux cas, ne permet pas de savoir si l’eau de pluie et
les rejets des égouts se mélangent ou non.

Quant à la
station d’épuration (elle aussi en zone inondable!) elle recueille une grande
partie de l’eau issue des entreprises. “En effet”
d’après le site Environnement Actualités “de nombreux établissements de la
ZI du Capiscol rejettent d’importantes quantités d’eaux qui ne sont pas
traitées au préalable. Des eaux d’origines vinicoles, fortement chargées en MES
(matières en suspension) affluent brutalement sur la station, se mélangent avec
d’autres contenant des métaux lourds (cuivre issu du traitement de la vigne) du
chrome (provenant des entreprises traitant les métaux) des produits
phytosanitaires et des produits médicamenteux (hôpital, particuliers…)
déréglant le bon fonctionnement épuratoire de la station.”

Des travaux sont bien en cours dans la Z.I.
mais, merci la délégation de service public, dans la désorganisation la plus
totale. On a vu ainsi, en quelques jours, creuser et recouvrir la même rue à
quatre reprises, par Eiffage, Lyonnaise, EDF…, pour l’adduction d’eau, puis
les égouts, la fibre optique… Commentaire d’un ouvrier “C’est le bordel,
on n’a pas de plan, il faut creuser pour savoir ce qu’ils ont enterré la semaine
dernière… A lors, on creuse”

 

L’inconscience des uns, l’urgence de tous

 

Et comment oublier, dans cette liste non
exhaustive, les Entrepôts Consort Minguez,
(stockage
de substances toxiques et très toxiques solides, liquides et gazeuses,de
l’ordre de 6000 tonnes de substances toxiques autorisées sur le site”
source officielle) qui n’ont pas d’enseigne
visible et s’affichent pudiquement comme “entrepôts et magasins
généraux”. Et pourtant comment faire confiance à des dirigeants aussi
cyniques que M. Minguez? (voir ci-contre)

 

On pourrait continuer longtemps : de la
métallisation à la fabrication de peintures. Le voisinage de toutes ces  entreprises, jamais pris en compte
sérieusement dans les études; la quasi absence de la médecine du travail et de
sensibilisation des entreprises et des travailleurs; l’inexistence
d’information et d’un plan d’urgence efficace en cas d’accident majeur; la
paralysie des syndicats pris au chantage de l’emploi; l’impuissance des
associations (quand ce n’est pas de la complicité de celles, inféodés par les
intérêts industriels et politiques, qui siègent dans les commissions de
contrôle); le contrôles routiniers et convenus.

 

Même quand on aura renoncé aux pesticides, il y
aura toujours besoin d’entreprises qui font le “sale boulot” : là
n’est pas le problème. Mais il est impératif de prendre en compte tous les
risques, d’informer les citoyens et de les associer à la prévention, de rendre
publiques toutes les données qui mettent en cause notre santé, notre
environnement.

La gestion mafieuse des risques industriels
n’est pas le dernier des scandales du capitalisme. Sans paranoïa, avec
lucidité, il suffit d’observer les faits : BÉZIERS EST UNE GRENADE DÉGOUPILLÉE,
N’ATTENDONS PAS QU’ELLE EXPLOSE !

 

Carlo
Roccella

 

nous remercions M. Robert Clavijo du MNLE pour
ses informations.

Un site incontournable sur cette question :
www.actualites-news-environnement.com

capiscolB.png

 

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