Tribune : à propos d’une « expérience » scolaire du socialisme !

Edward, du comité NPA du Pic-Saint-Loup, réagit à un message qui lui a été envoyé où une expérience pédagogique de 1931 “démontrerait” que “le socialisme finit toujours mal ” !

“Cela date de 1931 !!!!

Un professeur d’économie dans un lycée annonce fièrement qu’il n’a jamais vu un seul de ses élèves échouer mais, par contre, une année, c’est la classe entière qui a connu l’échec.
Cette classe était entièrement convaincue que le socialisme est une idéologie qui fonctionne et que personne n’y est ni pauvre ni riche, en somme un système égalitaire parfait.”


“L’école du village”, c. 1670 – Jan Steen (Holland, 1626-1679)

(phto : http://2.bp.blogspot.com/_N9d8N9Pmmqo/TISnta_qzmI/AAAAAAAAExY/hfZYQHVuBtg/s1600/v_school.jpg)

Le professeur dit alors : “OK donc, nous allons mener une expérience du socialisme dans cette classe. A chaque contrôle, on fera la moyenne de toutes les notes et chacun recevra cette note. Ainsi personne ne ratera son contrôle et personne ne caracolera avec de très bonnes notes.

Après le 1er contrôle, on fit la moyenne de la classe et tout le monde obtint un 13/20. Les élèves qui avaient travaillé dur n’étaient pas très heureux au contraire de ceux qui n’avaient rien fait et qui eux étaient ravis.

A l’approche du 2e contrôle, les élèves qui avaient peu travaillé en firent encore moins tandis que ceux qui s’étaient donné de la peine pour le 1er test décidèrent de lever le pied et de moins réviser. La moyenne de ce contrôle fut de 9/20 ! Personne n’était satisfait.

Quand arriva le 3e contrôle, la moyenne tomba à 5/20. Les notes ne remontèrent jamais alors que fusaient remarques acerbes, accusations et noms d’oiseaux dans une atmosphère épouvantable, où plus personne ne voulait faire quoi que ce soit si cela devait être au bénéfice de quelqu’un d’autre.

A leur grande surprise, tous ratèrent leur examen final. Le professeur leur expliqua alors que le socialisme finit toujours mal car quand la récompense est importante, l’effort pour l’obtenir est tout aussi important tandis que si on confisque les récompenses, plus personne ne cherche ni n’essaie de réussir. Les choses sont aussi simples que ça.

Petit extrait de discours qui résume parfaitement les choses :

Vous ne pouvez pas apporter la prospérité au pauvre en la retirant au riche.

Tout ce qu’un individu reçoit sans rien faire pour l’obtenir, un autre individu a dû travailler pour le produire sans en tirer profit.

Tout pouvoir ne peut distribuer aux uns que ce qu’il a préalablement confisqué à d’autres.

Quand la moitié d’un peuple croit qu’il ne sert à rien de faire des efforts car l’autre moitié les fera pour elle, et quand cette dernière moitié se dit qu’il ne sert à rien d’en faire car ils bénéficieront à d’autres, cela, mes amis, s’appelle le déclin et la fin d’une nation.

On n’accroît pas les biens en les divisant.

**Dr.Adrian Rogers, 1931.**

Réponse à « l’expérience » scolaire du socialisme

J’ai d’abord jeté ce mail (après l’avoir entièrement lu) car il était pour moi d’une ineptie flagrante face à ma pratique quotidienne de la pédagogie et de la vie en groupe. Mais sa résurgence dans mon esprit m’a finalement convaincu que mon rôle d’enseignant était, là aussi, dans la mesure de mes modestes moyens, de ne pas laisser propager ce genre d’argumentaire.

Je m’excuse par avance de la longueur de ce message, mais on ne peut pas répondre à un argumentaire simpliste par un contre-argumentaire simpliste sous peine de perdre sa crédibilité dans un dialogue de comptoir, il convient donc d’entrer dans les détails, pour étayer la pensée et tenter de la développer, plutôt que de la manipuler pour la réduire à sa plus simple expression : la croyance.

Il est d’autant plus intéressant de s’y attarder qu’il est très typique de la « pensée » libérale qui, ayant peut-être l’intuition qu’une analyse globale, complexe et fouillée du fonctionnement des sociétés dites « développées » ne servirait pas forcément sa cause, préfère presque systématiquement pointer le petit bout de sa lorgnette sur une « expérience » individuelle, dont la validité scientifique et historique est rarement remise en cause (on reste souvent dans le domaine du conte populaire), pour conforter des conclusions déjà précisées à l’avance, simplistes et obscurantistes selon moi, chères à tous ceux qui ne souhaitent pas, ou ont peur, d’une quelconque réflexion sur un changement possible de nos mœurs libérales.

Il pourrait ici être intéressant de constater que les sciences sociales les plus développées dans la pensée libérale sont la micro-économie (étude de courbes « mathématiques » dont beaucoup de mathématiciens et d’économistes pourraient remettre en cause la justesse même des préceptes fondateurs) et ce que l’on pourrait appeler la micro-histoire, qui pointe des petits bouts de l’histoire en évitant soigneusement leurs voisins pour nous vendre les bienfaits du colonialisme par exemple, sans jamais évoquer un quelconque pillage des ressources naturelles ou un quelconque asservissement des peuples, ou l’échec du communisme, sans jamais envisager la moindre distinction entre communisme, stalinisme, maoïsme etc. sans parler des vastes « gouffres sans fond » où l’on ne risque même pas les yeux : guerre d’Algérie, causes et conséquences économiques des deux guerres mondiales, on reste dans les faits (compter les morts), surtout pas de réflexion critique !

Mais revenons à nos moutons, on verra qu’il ne s’agit peut-être bien que de cela. Pour gagner en crédibilité et justifier une conclusion qui se veut aussi « indépassable », une telle expérience sociologique (je m’excuse auprès des sociologues !) devrait être menée sur un échantillon représentatif, en quantité et en qualité, de la population mondiale (déjà, il y a du boulot, mais bon, admettons !)

Il faudrait ensuite, et surtout, s’intéresser à l’état initial des différents acteurs de l’expérience :

– les élèves ont-ils été auparavant sensibilisés aux questions en jeu (entraide et coopération) ou ont-ils au contraire toujours baigné dans la compétitivité et la concurrence, comme c’est souvent le cas dans nos écoles, reflets de notre société, je ne suis pas spécialiste de l’école des années 30, mais on peut se poser la question ?

– les parents (ou proches) ont-ils été correctement informés de la nature expérimentale du projet, n’ont-ils pas eu une réaction de rejet face à cette « révolution » des habitudes institutionnelles, transmettant alors à leur enfants, au minimum, une mauvaise volonté certaine ?

– l’enseignant souhaitait-il intérieurement la réussite ou l’échec de l’expérience ? On ne peut pas nier l’influence comportementale d’un enseignant sur l’attitude de ses élèves.

Je pense qu’un sociologue sérieux ajouterait beaucoup d’autres critères à ceux-ci.

A l’inverse, ne peut-on pas imaginer (et je dis bien « imaginer » car je ne cherche pas à réduire votre pensée à la mienne, que j’essaye toujours de maintenir à distance de la croyance !) que ces enfants, après une phase forcément déstabilisante due à une modification importante des habitudes institutionnelles, comprennent, ou plutôt redécouvrent (car cela faisait partie de leur quotidien affectif quelques années auparavant) qu’ils se sentent mieux quand leurs camarades de classe se sentent bien également, que le groupe est plus motivé si chacun de ses membres est motivé car la motivation est contagieuse et naît beaucoup plus de la curiosité intellectuelle et du sentiment de développement personnel (qui peut certes être représenté par des notes mais elles n’en ont pas le monopole) que de la recherche de récompense ou de la peur du châtiment, qui manque au passage pour parfaire l’esprit de l’expérience pré-citée, et qui repose uniquement sur la présence de « l’éducateur » pour administrer le « remède ». La démotivation flagrante des collégiens au sortir des écoles et la remotivation partielle des étudiants de faculté face à la connaissance pourrait être analysée dans ce sens mais c’est un autre sujet …

En outre, les jeunes enfants, qui n’ont pas encore, pour la plupart, enfermé leur compassion naturelle (oui, je l’affirme haut et fort !) dans les carcans affectifs et psychologiques de nos sociétés individualistes, savent très vite identifier la détresse de leurs proches et acceptent en général très facilement, si on leur en donne l’occasion et les conditions, de sacrifier une partie de leur bien-être pour restaurer celui de leur camarade. Ceux qui s’y refusent sont, presque systématiquement, ceux qui ont été précisément habitués à la concurrence dès leur plus jeune âge.

Je m’appuie donc sur mon expérience personnelle de plus de dix ans de pratique quotidienne et d’échanges fructueux avec mes collègues enseignants et éducateurs, pendant tout ce temps, pour dénoncer cette pseudo-expérience qui, à mon humble avis, n’a même jamais existé que dans l’esprit de celui qui l’a décrite.

Les enfants ne finissent par reproduire que ce que la société leur « propose », ce que nous leur proposons. Ce que même des enfants de deux ans peuvent faire intuitivement et sans la moindre hésitation : le partage, nous ne serions plus capables de même l’envisager, déjà au lycée ? Je n’y crois pas, c’est en nous, immédiatement, il nous suffit d’ouvrir les yeux pour voir le vrai visage de notre voisin, pour reconnaître en nous sa détresse et balayer d’un revers de main tous les raccourcis de pensée qui veulent nous faire croire que la récompense a plus de valeur que l’acte … le carnet de notes et le porte-monnaie, aussi pleins soient-il, ne remplaceront jamais, nous le savons tous, la joie du cœur et le plaisir de partager, ceux qui éprouvent plus de plaisir à recevoir un cadeau qu’à l’offrir feraient bien de se poser la question …

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