Eh bien oui ! Auto organisation et autogestion seraient possibles non seulement dans les
communautés zapatistes du Chiapas mais aussi pas si loin de chez nous: Marinaleda, communauté
autonome d’Andalousie, à 92 km de Séville, 59 km de Cordoue, moins de 1500 km de Montpellier!
(1)
Un gros village (2708 hab. en 2008 ) vit depuis 30 ans une expérience certainement unique en Europe.
Zéro policier, zéro chômeur, des maisons à 15 €/mois. Ici le travail, la culture, l’éducation et la santé
sont des droits. Ici Vous pourrez emprunter calle Ernesto Che Guevara, entre l’avenida Libertad et la
calle Salvador Allende, e,t en direction du centre, découvrir une fresque qui proclame : « Guerre sociale
contre le capital ».
(2)
De la pauvreté locale et de la détermination politique de Juan Manuel Sanchez Gordillo, 54 ans,
instituteur, maire de Marinaleda et leader du mouvement, est né un combat qui a mené les habitants
à réquisitionner, après 12 ans de luttes, 1200ha de terre propriété du Duc de l’Infantado. En 1977, au
sortir du franquisme, il fut le plus jeune maire d’Espagne. Depuis, en remportant sept élections, il a
battu le record national de longévité municipale. Il est membre du CUT (Collectif Uni des Travailleurs).
La production : « la terre appartient à ceux qui l’exploitent »; sur ce principe les terres ont été
réquisitionnées et une coopérative créée. C’est elle qui fait vivre la majorité de la population. Comme
le disent les habitants du village « ces terres ne sont la propriété de personne sinon de toute la
communauté de travailleurs». On y produit et conditionne huile d’olive et légumes, artichauts, poivrons
etc. A la ferme de la coopérative, EL HUMOSO, les coopérateurs travaillent 6 h 1/2 par jour, du lundi
au samedi, ce qui donne des semaines de 39 h.
La récolte est conditionnée artisanalement dans
la petite fabrique HUMAR MARINALEDA, au milieu du village où travaillent environ 65 personnes,
principalement les femmes. Les bénéfices de la coopérative ne sont pas distribués, mais réinvestis
pour créer du travail, c’est ce qui permet d’éviter le chômage. Tout le monde a le même salaire : 47
€/jour, indépendant de la fonction. Un peu moins de 1200 €/mois, mais ici une place à la crèche
avec tous les repas compris coûte 12 €/mois et dans certaines conditions on peut se loger pour
moins de 16 €/mois (programme d’autoconstruction). Pendant que le reste de l’Espagne paie les
conséquences de la crise capitaliste immobilière, avec un taux de chômage qui a atteint 20%, ici tout
le monde a du travail, grâce à un modèle unique en Europe fondé sur une économie à 90% collective
et autogérée.
(3)
L’habitat : « un droit et pas une marchandise » (4), Grâce au programme d’autoconstruction plus
de 350 maisons de 90 m2 avec une cour de 100 m2 ont déjà été construites par les habitants eux-
mêmes. Sans discrimination, l’unique condition pour une attribution est de ne pas déjà disposer d’un
logement. La municipalité met à disposition gratuitement la terre et un architecte, la Communauté
autonome d’Andalousie fournit les matériaux et les habitants se retroussent les manches ! Un groupe
de futurs voisins construisent ensemble une rangée de maisons mitoyennes sans savoir encore
laquelle sera la leur. Le logement attribué, les finitions, l’emplacement des portes, les ouvertures
peuvent être individualisés par chaque famille. Le loyer se décide en réunion du collectif. Il a été fixé à
moins de 16 euros par mois.
Ni gendarme, ni curé:« Nous n’avons pas de gendarmes ici – ça serait un gaspillage inutile» (4) Les
gens n’ont pas envie de vandaliser leur propre village. « Nous n’avons pas de curé non plus – Grâce
à Dieu ! » (4) plaisante le maire. La liberté de pratiquer sa religion est pourtant garantie. Le dernier
policier parti en retraite n’a pas été remplacé. Délinquance à Marinaleda ? «Il n’y a pas de vandalisme,
par exemple, parce que tout a été construit par les gens du village. Si un jeune ou son père ou un ami
a installé un banc, il n’y a pas de raison de le dégrader ou d’y faire des graffitis non ? » (4) « et le fait
que les budgets soient approuvés par tous contribue également à l’absence de délinquance. » (4)
Vie sociale et culture : Cette fresque peinte face à la TV Locale donne le ton : « Apaga la TV,
enciende tu mente – Eteins la TV, allume ton cerveau » … « Nous faisons beaucoup de fêtes avec
des repas communs gratuits, et il y a toujours assez de volontaires pour organiser tout cela. La joie
et la fête gratuites et pour tous doivent être un droit. Ce n’est pas la mayonnaise des médias qui va
nous dicter ce qui doit nous plaire, nous avons une culture à nous.» (4). Dans un bâtiment sur lequel
on peut lire «Sindicato de Obreros del Campo» et « Casa de cultura», à côté du local syndical, une
grande salle fait également office de café, bar et restaurant. C’est un lieu d’échanges, de débats,
de fête et de convivialité. C’est là aussi que se retrouvent, dès l’aube, les travailleurs agricoles pour
un petit déjeuner collectif avant de partir ensemble pour une journée de travail. Durant l’été, les
habitants assistent régulièrement à la projection de films en plein air dans le parc naturel. Débats,
conférences, films et soutien aux peuples opprimés, notamment ceux qui sont injustement privés de
leur territoire, font partie de la vie culturelle et politique du village.
Le village est relativement riche
en équipements collectifs comparativement aux communes avoisinantes. Les habitants peuvent se
baigner durant toute la saison estivale dans la piscine municipale pour la modique somme de trois
euros. Le complexe sportif «Ernesto Che Guevara», bien entretenu, leur permet de pratiquer plusieurs
sports comme par exemple le football, le tennis ou encore l’athlétisme. Les «dimanches rouges», des
volontaires se chargent gratuitement de nettoyer et d’embellir leur commune: entretien des allées et
jardins publics, plantations d’arbres, etc. La petite ville est non seulement l’une des plus sûre mais aussi
l’une des plus propres de la région!
Démocratie : Marinaleda c’est aussi la démocratie directe. Au local syndical dans les nombreuses
Assemblées Générales, on décide collectivement de toutes les affaires du village. Pour les
élus : «Avant d’accepter le mandat, nous devons nous engager par contrat à toujours être les derniers
à percevoir un quelconque bénéfice. C’est-à-dire que, si nous décidons, lors d’une assemblée,
d’attribuer de nouvelles maisons et qu’un élu en a besoin, il sera toujours le dernier sur la liste. Pour
ce qui est de la rémunération, nous ne touchons rien. Je n’ai jamais rien touché pour faire de la
politique. Je suis enseignant, c’est de ce travail que je vis. » (4)
Dans la situation socioéconomique que nous connaissons, Marinaleda doit plus que jamais susciter
notre curiosité, nos espoirs et notre enthousiasme pour un autre monde possible !
*Gérard
(1) photo :http://1.bp.blogspot.com/_V-tSMZk-qcc/TC21Eb4ExtI/AAAAAAAAAYs/aQ_VPz5W2_I/s1600/Marinaleda+6.JPG)
(2) photo : http://3.bp.blogspot.com/_
V-tSMZk-qcc/S82mOqhBSVI/AAAAAAAAAWc/1RlBU558cC8/s1600/Marinaleda+5.JPG)
(3) photo : http://3.bp.blogspot.com/_V-tSMZk-qcc/S82mQWs2UyI/AAAAAAAAAW8/W0nafGrg9mg/s1600/Marinaleda+1.JPG)
(4) Propos du maire. Sources principales : articles d’ El Mundo, reproduit le 14 janvier 2010 par Tout
est à nous !, l’hebdomadaire du NPA, article de Mohamed Belaali et de Andrea Duffour, Asso. Cuba-si
(ch)
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