La tempête Xinthia n’est pas responsable !

(Article prévu, à l’origine, pour publication dans le mensuel Motivé-e-s)

Quand la mer monte, elle repousse les plages et le cordon dunaire à plus haute altitude. Il y a 20 millions d’années, elle avança de 25 km dans les terres, entre Sète et Narbonne, jusqu’au Avants-Monts. Entre Magalas et Autignac, un récif corallien s’était installé dont on trouve les restes dans les murettes ou sur les façades des vieilles maisons d’Autignac.

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Les lignes de côtes constituent ce que Rachel Carson appelait « le lieu de rencontre primitif des éléments formant la terre et l’eau ».

Quand la mer monte, elle repousse les plages et le cordon dunaire à plus haute altitude. Il y a 20 millions d’années, elle avança de 25 km dans les terres, entre Sète et Narbonne, jusqu’au Avants-Monts. Entre Magalas et Autignac, un récif corallien s’était installé dont on trouve les restes dans les murettes ou sur les façades des vieilles maisons d’Autignac. Il y a 5 millions d’années, la mer envahit à nouveau le littoral languedocien sur une dizaine de km de profondeur. Les dunes fossiles de cette époque animent les vignobles entre Béziers et Narbonne.

A notre époque, la mer amorce un nouveau cycle d’invasion des terres basses. Les cordons littoraux qui ceinturent les étangs de la Camargue à Perpignan sont fragiles et résultent des dépôts du Rhône transportés par un courant côtier. La réduction des dépôts du Rhône par les constructions de barrages fragilise les cordons littoraux. C’est à l’occasion de tempêtes, comme celle qui vient de dévaster le littoral vendéen, que la mer inondera les lotissements construits au niveau zéro sur le littoral languedocien. Ceux-ci finiront à terme sous le niveau de la mer ! Devant ce désastre annoncé – dont la probabilité fait l’unanimité chez les spécialistes – que dit le Gouvernement ?

Construire dans les zones inondables ?

Le 20 avril 2009, à l’occasion d’un discours concernant le Grand Paris, Sarkozy affirmait : « Pour libérer l’offre il faut déréglementer, élever les coefficients d’occupation des sols et rétablir la continuité du bâti dans les zones denses, permettre à chaque propriétaire d’une maison individuelle de s’agrandir, d’ajouter une pièce ou un étage, rendre constructible les zones inondables pour des bâtiments adaptés à l’environnement et au risque… ».

Au lendemain des inondations vendéennes, et sans la moindre gêne devant ses contradictions, Sarko déclarait : « Comment en France au XXIème siècle des familles peuvent être surprises dans leur sommeil, mourir noyées dans leur maisons. Nous devons faire de toute urgence la lumière sur les causes de ce drame incompréhensible » (Discours du 1er mars).

On peut « construire dans les zones inondables », certes, mais il faudra pour cela les endiguer et prévoir une évacuation artificielle des eaux de pluies et des sorties d’égouts. C’est un pari inutile et dangereux contre des forces naturelles colossales. La France compte entre 1000 et 2000 km de digues, selon les critères adoptés. Les digues à la mer, qui ont un coût fabuleux, vont devoir être rehaussées. Elles demandent aussi un entretien constant. Une fois percées, rien n’arrête le flot comme les habitants des lotissements vendéens construits sous le niveau de la mer ont pu l’apprécier. Rien de cela n’est « incompréhensible » comme dit curieusement Sarkozy.

Avec ses déclarations tout droit sorties d’un lobby de lotisseurs, Sarkozy et les affairistes qui lui emboîtent le pas nous engagent dans un avenir socialement incontrôlable, en multipliant la dangerosité des zones construites et en augmentant le nombre et l’importance des infrastructures de protection (digues, pompes). Celles-ci peuvent ne plus être entretenues ou ne plus fonctionner en période de crise (arrêt de production d’électricité, crise politique…). La mer et les eaux en crue n’arrêteront pas de partir à l’assaut des digues qu’on voudra leur opposer !

Appliquer et renforcer les lois anti-inondations

Depuis 1982, puis la loi Barnier de 1995 et la loi dite SRU de 2000, il existe des « Plans de prévention des risques d’inondations » (PPRI) que les maires ont, en principe, l’obligation d’intégrer dans les plans d’urbanisme. Près de 6 000 communes sur 12 000 ne l’ont pas fait ou l’ont fait sans en tenir compte ! En France, 5 millions de personnes sont, d’après les PPRI, potentiellement menacées par des risques d’inondations. L’inertie du gouvernement est exemplaire puisque 100 000 logements ont été construits en zones inondables depuis 1999, parce que les zones inondables sont vendues aux lotisseurs à vil prix (étant « déclarées » non constructibles)… puis le maire signe le permis de construire ! Il serait intéressant de savoir à quelle hauteur (d’eau) les élus corrompus sont « récompensés ».

Nous avons un rôle à jouer contre ces escroqueries et les exemptions dangereuses à la loi Barnier et la loi SRU. Aucune construction, extension ou rénovation d’habitation ne doit plus être acceptée en zones inondables, les maîtres d’œuvre travaillant contre la loi SRU doivent être sanctionnés, et les constructions illégales saisies et détruites. De ce point de vue, les lois de prévention existantes ne prévoient pas de sanctions dissuasives, pour le bénéfice de ceux qui en profitent.

Yves DACHY et John SMITH

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