Une mission civile composée de membres de la Cimade, de la CCIPPP (Campagne Civile Internationale pour la Protection du Peuple Palestinien), du CMF (Collectif des Musulmans de France) et du NPA s’est rendue en Palestine fin juillet pour enquêter sur la société israélienne Agrexco.
Les 4 organisations prenant part à cette mission sont toutes membres de la « Coalition contre Agrexco », qui s’est formée pour s’opposer à l’implantation d’Agrexco dans le port de Sète (34) voulue par la majorité du conseil régional.
Vincent, militant du NPA à Montpellier nous livre ci-dessous son compte rendu.
Le mur de la honte, frontière infranchissable pour les palestiniens.
Un village palestinien vers la vallée du Jourdain, quelques cultures au milieu du désert
Une colonie israélienne dans la vallée du Jourdain, un oasis de verdure au milieu du désert
Les colonies bénéficient de stations de pompage de l’eau des nappes palestiniennes, de réservoirs
de toute la technologie moderne en agriculture.
Dattes à Jéricho
Dans un entrepôt d’emballage: les herbes aromatiques du paysan palestinien qui nous accompagne se retrouvent dans des cartons Agrexco – Carmel, estampillées « produit d’origine Israël »
Agrexco est une société dont le capital est détenu à 50% par l’Etat d’Israël, et qui exporte fruits, légumes et fleurs, produits en parti dans les colonies israéliennes en Cisjordanie et de la bande de Gaza. Tous ces produits arrivent sur nos marchés avec un label « made in Israël », sans qu’il y ait moyen de faire la différence entre production des colonies, de Palestine ou d’Israël. Agrexco commercialise notamment les marques Carmel, Biotop et Ecofresh.
Au cours de cette mission nous avons rencontré des organisations palestiniennes et israéliennes (comité BDS palestinien, syndicats, associations anticolonialistes…), ainsi que le ministre palestinien de l’agriculture, pour recueillir leur opinion et leurs témoignages sur les pratiques d’Agrexco. Toutes ont été claires. Cette société, par l’exploitation des paysans palestiniens, par la commercialisation de produits issus des terres et de l’eau volés aux palestiniens, participe activement à la politique de colonisation et de domination d’Israël.
En nous rendant dans la vallée du Jourdain, principale zone agricole de Cisjordanie, entièrement contrôlée par Israël, nous avons pu voir la réalité de la colonisation et discuter avec des paysans palestiniens. Quasiment toutes les terres appartiennent désormais aux colons. La main d’œuvre palestinienne est utilisée dans les plantations dans des conditions exécrables : salaires minimes, pas de protection sociale ou maladie, accidents sont fréquents… Et pour ceux qui viennent d’autres régions de Cisjordanie pour travailler ici, les habitants de la région refusant de plus en plus de se vendre à ceux qui ont volé leurs terres, des logements des plus sommaires, ressemblant à des box à chevaux, leur sont gracieusement mis à disposition, et un petit poste de santé pour des milliers de personnes.
La peur se lit sur les visages des travailleurs que nous tentons d’interroger à la sortie des plantations de palmiers dattiers. Ils n’ont pas le droit de nous parler, ils craignent pour leur travail, leur famille, si jamais un colon les aperçoit…
Une partie de la production agricole palestinienne est également achetée par les compagnies israéliennes pour être mêlée aux produits des colonies ou d’Israël et exportée. Dans bien des cas, les paysans palestiniens sont escroqués, et ils ne sont pas payés pour leur production, et c’est de toute façon les israéliens qui fixent les prix, évidemment très bas.
Aujourd’hui, les palestiniens n’ont pas beaucoup d’autre choix que de passer par Agrexco (ou autre entreprise du même genre) pour vendre leur production, au risque de la voir pourrir au prochain check sur la route de Ramallah ou de Naplouse.
Leur message est unanime et très clair : nous devons les aider, par le boycott, à faire pression sur Israël pour qu’exploitation et colonisation stoppe, pour qu’ils retrouvent le contrôle de leurs ressources, leur liberté de circuler et de vendre leurs produits pour eux.
Avec les élections régionales approchant, cette « affaire Agrexco » va prendre encore plus d’ampleur. Il faut maintenir la pression sur les élus pour que le Conseil Régional revienne sur son vote et ne se rende pas coupable de sponsoring de l’occupation de la Palestine.
Le 10 octobre est prévu comme journée nationale de mobilisation pour le boycott d’Israël, et à Montpellier se tiendront « 6h pour la Palestine : contre Agrexco et pour l’emplois ». Des militants de différent pays où se mène cette lutte (Ecosse, Belgique, Palestine…) participeront aux ateliers de débat et au meeting.
Si cette bataille contre Agrexco est pour l’instant locale, elle doit vite devenir nationale voire même européenne !
Nous avons également apporté notre solidarité aux habitants des quartiers de Sheikh Jarrah et Silwan à Jérusalem, qui luttent contre l’expropriation de leurs maisons par Israël.
A Bil’in, nous avons manifesté avec les palestiniens devant le mur, contre l’occupation illégale de leurs terres. Les soldats israéliens nous ont répondu avec des gaz lacrymogènes particulièrement irritants. La vidéo de cette manifestation est visible sur le site du village de Bil’in, ici (manifestation du 24 juillet).
De retour à Montpellier, nous avons tenu une conférence de presse. Vous trouverez ici le reportage de France 3, et ci-dessous l’article de Midi Libre.
A lire également, le récit de Nabil, qui a été refoulé à la frontière israélienne.
Vincent
MIDI LIBRE Édition du mardi 28 juillet 2009, article de Yannick POVILLON
Port de Sète Vive opposition à l’implantation de l’entreprise israélienne Agrexco
Une coordination refuse l’implantation de l’enseigne israélienne sur le port au prétexte que les produits viennent des coloniesUne mission d’experts de la coalition contre l’implantation sur le port de Sète d’Agrexco, une entreprise israélienne qui exporte des produits frais, était de retour ce week-end à Montpellier. Hier, ils ont tenu une conférence de presse pour présenter, dans les locaux de la Cimade, leurs investigations sur place et dénoncer : « La politique coloniale de l’État d’Israël. Nous avons 6 h 30 de films, de témoignages vérifiant qu’Agrexco exporte bien des produits des colonies », relevait José-Luis Moragues de la CCIPPP (campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien).
Le représentant était du voyage ainsi que Jean-Paul Nuñez de la Cimade, Vincent du NPA. Nabil Ennasri, du collectif musulman de France, qui devait être l’interprète de langue arabe, est quant à lui, resté en centre de rétention après moult fouilles au corps et n’a pu rallier Israël. Le motif : « Mon teint basané, j’imagine, et on m’a répété que j’avais « a bad opinion about Israël » ». Pas de voyage donc pour lui : « Il est inadmissible qu’un ressortissant européen soit traité de la sorte par un pays soi-disant démocratique. »
Les trois autres se sont rendus de Tel Aviv à Ramallah, en passant par la vallée du Jourdain et Jéricho. Selon eux : « Agrexco vend des produits palestiniens sous label : « Made in Israël » ». Leur conclusion : « Agrexco est une entreprise israélienne qui exploite le peuple palestinien. »
Et la rencontre avec le ministre de l’Agriculture de l’autorité palestinienne, Ismail Daiq est, d’après eux, sans ambiguïté : « Toute production en provenance des colonies via des sociétés israéliennes, encourage les colons à poursuivre les violations des droits humains », écrit-il à l’attention du conseil régional du Languedoc-Roussillon.
Ce dernier est désormais sollicité en tant que donneur d’ordre pour « que cette implantation ne se fasse pas, explique Jean-Paul Nuñez. On entend engager des poursuites judiciaires. On rappelle que nous ne sommes ni contre la plateforme à Sète ni contre l’emploi, comme on a pu l’entendre ce qui relève de la manœuvre politicienne. On est contre le client Agrexco. On considère par ailleurs que cette implantation va également à l’encontre des paysans du Languedoc. »
Jean-Paul Nuñez en appelle désormais à un large débat public et envisage de diffuser le film en cours de montage. Quant à la coalition anti-Agrexco, elle n’entend pas, en cette période estivale, baisser la garde contre cette implantation sur le port de Sète.