Quatorze questions sur le mouvement étudiant.

Sophie, étudiante, répond ci-dessous, pour notre Mensuel “Motivé-e-s”, à quatorze questions sur le mouvement étudiant à Montpellier, ses points forts, ses faiblesses, la répression policière…

1/ Diriez vous que la mobilisation a été massivement suivie ?

Oui, plutôt bien suivie. L’importance des AG étudiantes qui rassemblaient souvent près de 1500 étudiants en témoignent. Par contre, en manifestation et sur les piquets de grève, le bilan est plus mitigé. Pour les lycéens, la situation était plus claire : Ils ont été très vite mobilisés et massivement, que ce soit dans les assemblées générales ou sur le terrain (manifestations).

2/ D’après vous, quelle perception les jeunes investis dans le mouvement ont-ils des syndicats ? Se sentent-ils représentés par ces derniers ?

Je ne pense pas que les syndicats soient très bien vus au niveau des étudiants, beaucoup, notamment sur la fac de sciences, se sont targués d’avoir construit un mouvement sans impulsion syndicale. Ils ont souvent des a priori sur les syndicats car ils pensent qu’ils manipulent en quelque sorte les étudiants et les mouvements.

3/ Si non, quelles sont selon vous les formes de représentation alternatives aux syndicats qui ont pu être observées durant la mobilisation ?

Ce sont principalement les comités de mobilisation intégrant aussi bien des étudiants syndiqués que non syndiqués qui représentaient les étudiants durant le mouvement. A l’intérieur de ces comités (un sur chaque fac), différentes commissions s’occupaient de tâches militantes différentes : tracts, affichage, communication avec les autres facultés et avec le personnel enseignant, communication avec la presse…etc

4/ Que pensez vous du rôle de l’UNEF (qui est le syndicat étudiant majoritaire) au cours de cette mobilisation, notamment en ce qui concerne la conduite des revendications et le processus de négociations?

L’UNEF a plutôt très mal joué durant ces mobilisations. Il a déjà été un des premiers syndicats à négocier la LRU avant que celle-ci ne soit votée, puis en novembre, il s’est greffé sur un mouvement étudiant qu’il ne s’attendait pas à voir émerger, en tentant de le récupérer. Après quelques semaines de mobilisations, il s’est de nouveau assis à la table des négociations avec le gouvernement et a tenté de manipuler et de freiner la mobilisation étudiante alors que celui-ci tenait bon malgré les miettes négociées avec Pécresse.

5/ Avez-vous eu le sentiment d’avoir été suffisamment et correctement relayés par les médias ?

Pas du tout. Les médias, lorsqu’ils faisaient référence au mouvement étudiant et lycéen (ce qui était rare), nous discréditait totalement en nous faisant passer pour un mouvement minoritaire de « gauchistes manipulateurs ». D’autre part, toutes les violences subies durant ce mouvement ont été totalement passées sous silence voire même parfois justifiées sous de fallacieux prétextes (souvent ceux des présidents d’universités ou des proviseurs de lycée).

6/ Comment jugez vous les rapports qui ont été entretenus entre les représentants étudiants et ceux du milieu enseignant durant la mobilisation ?

Trop tardifs. En ce qui concerne les facs, ils ont commencé à avoir lieu au moment où la mobilisation étudiante battait de l’aile, alors qu’un soutien plus précoce aurait peut-être permis à la mobilisation d’avoir plus de poids, notamment au niveau médiatique. Cependant, sur la fac de sciences par exemple, des réunions de « réflexion » entre étudiants et enseignants chercheurs sur un projet d’enseignement supérieur viennent d’être mises en place, ce qui est encourageant.

7/ Pensez vous que le fait d’avoir été le seul secteur en lutte ait pu marginaliser votre mobilisation ?

Il est possible que cela ait joué. Cependant si on regarde ce qui s’est passé au moment du CPE, c’est aussi la jeunesse qui s’est mise en lutte en premier, et le mouvement n’a pas du tout été perçu de la même manière. A mon avis, ce qui a fait la différence, c’est que les syndicats étudiants les moins radicaux et les plus médiatisés (UNEF, Cé) n’aient pas soutenu le mouvement, ce qui a contribué à le marginaliser sur le terrain médiatique et donc aussi dans l’opinion publique.

8/ Comment se sont déroulées les relations entre les étudiants mobilisés et l’administration dans vos établissements respectifs ? Y a-t-il eu des pressions particulières de la part de cette dernière pour mettre fin à la mobilisation ?

Oui il y eu des pressions et même des répressions. Le cas le plus flagrant a été sur la faculté de lettres où aucun dialogue n’a été possible entre les étudiants et le président de l’université, ce dernier préférant envoyer les forces de l’ordre par deux fois sur le campus, privant ainsi les étudiants de leur lieu de discussion et de réunion. Ces méthodes agressives ont même créé des tensions au sein même de l’administration, entraînant la démission de la vice-présidente du CA.

9/ Si oui, quels types de pression ?

Il y a eu des interventions policières à deux reprises sur la faculté de lettres, avec utilisation de gaz lacrymogène, de grenades assourdissantes et de grenades antiémeutes pour faire sortir de force les étudiants qui occupaient la faculté légitimement après le vote du blocage en assemblée générale étudiante à la grande majorité. En plus de cela, le président de l’université a imposé un vote à bulletin secret sous contrôle policier massif avec violence sur des étudiants et des personnels de l’université (coup de matraques…).

10/ En ce qui concerne les pratiques démocratiques, quelles sont celles à l’aune de cette expérience qui ont d’après vous le mieux ou le moins bien fonctionné ?

Les assemblées générales étudiantes restent le meilleur moyen démocratique pour que chaque étudiant puisse voter en connaissance de cause. Sur la faculté de sciences, un dispositif était mis à disposition pour faire des AG en extérieur, ce qui n’était pas le cas pour la faculté de lettres, rendant parfois les AG difficiles car bondées.

11/ Que pensez-vous plus particulièrement de la pratique du blocage ? Comment a-t-elle été vécue par les étudiants dans votre établissement ? Quels ont été les réactions et les débats à ce propos ?

Le blocage est un moyen d’action, dans la mesure où quand les cours n’ont pas lieu (mais que la faculté reste ouverte), cela permet d’avoir du temps pour s’organiser et débattre politiquement. Cette pratique n’est pas toujours bien vécue car certains étudiants « anti-blocage » ont l’impression d’être brimés dans leurs études car ils ne peuvent plus suivre leur cours. Nous répondons que le blocage c’est aussi un moyen d’être visibles en tant que grévistes, n’étant pas salariés nous ne pouvons déposer de préavis de grève.

12/ Dans le cas où vous en auriez été témoin, comment avez-vous vécu les interventions policières ?

J’ai été totalement abasourdie par la violence qui a pu être déployée dans ce mouvement alors qu’aucun acte malveillant n’a été commis par des étudiants ou lycéens. On nous a traités tout bonnement comme des casseurs ou des délinquants alors que nous avons toujours été un mouvement pacifique avec des revendications politiques claires. Le pire est que ces violences ont été cautionnées, voire causées, par certaines administrations universitaires et lycéennes.

13/ Quelles sont selon vous, à présent, les limites principales à la poursuite de ce mouvement ? (Limites matérielles, de temps, de conviction, etc.…)

La répression subie a été pour beaucoup dans l’affaiblissement de ce mouvement, cela rajouté au déni des médias. Maintenant, il y a les vacances de Noël qui font que le mouvement ne peut se poursuivre, mais il y a encore des étudiants qui ne sont pas défaits et un potentiel mobilisateur existe encore.

14/ Pensez vous que la mobilisation puisse reprendre à la rentrée ?

Oui, je suis assez optimiste. Les répressions de toute sorte que les étudiants ont subies et l’indifférence d’un gouvernement face à ces mobilisations laissent un goût d’inachevé dans l’esprit de beaucoup d’étudiants. Je pense que c’est encore pire pour les lycéens qui ont vu leur mouvement durement réprimé alors qu’il venait à peine de démarrer.

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