“Reste à quai” Compte rendu de la mobilisation “Marre d’être fliqués” de Montpellier le 12 mars…


Samedi 12 mars s’est tenue, à Montpellier, une table-ronde sur les menaces qui pèsent sur nos libertés. Elle avait été précédée, malgré le mauvais temps, d’un rassemblement dans les rues de Montpellier. On trouvera ci-dessous le compte rendu de la table ronde et le discours prononcé à l’issue du rasemblement par notre camarade Gérard.


Débat sur les libertés et les lois sécuritaires à Montpellier le samedi 12 mars

Samedi 12 mars à 18h, à l’appel du collectif Reste à quai (voir ci-dessous), et après la manifestation contre la loi LOPPSI 2, avait lieu à la salle Pétrarque de Montpellier une table ronde citoyenne sur les questions sécuritaires. Benoît Prévost, maître de conférence à l’université Montpellier 3 et Gilles Sainati, magistrat, représentant du Syndicat de la Magistrature, ont introduit le débat. Voici quelques extraits des échanges:

L’économie de marché est capable d’engendrer, selon les périodes et dans un mouvement cyclique, des phases d’expansion des libertés et des phases ultra sécuritaires pour protéger le système.

La crise économique remet sur le devant de la scène la grille de lecture marxiste, peu utilisée ces dernières décennies par la gauche. Le mot de capitalisme, utilisé par Sarkozy lui-même, renvoie à la société de classes, la lutte des classes étant portée de façon exacerbée par la bourgeoisie capitaliste.

La matrice de la pensée libérale depuis le 17ème siècle pose l’individu comme valeur suprême, les structures politiques devant défendre les individus et leurs libertés. Aujourd’hui, la pensée libérale apparaît sous sa forme la plus indigente, débarrassée de tout tabou.

La loi LOPPSI 2 et les lois sécuritaires se présentent stratégiquement selon deux axes :

  • la défense de la propriété privée: la propriété intellectuelle, attaquée par les articles ciblant la sécurité sur internet, et la propriété foncière, à travers les articles ciblant l’habitat précaire, en sont deux exemples;
  • la stigmatisation d’une partie de la population, qui ne peut plus bénéficier d’une partie de la redistribution sociale (accès à la protection sociale, aux ressources collectives) au nom de la baisse des moyens de l’Etat.

La réforme fiscale, les réformes de la protection sociale et les lois sécuritaires sont menées parallèlement et dans une même logique.

On assiste aujourd’hui à un accélération de l’histoire sécuritaire (cf la justice des mineurs). La primauté donnée aux biens matériels et à la marchandisation encourage la liberté de circulation pour les biens et le capital, mais l’interdit pour les personnes. L’individu devient une « chose » au service du marché. Les étrangers, les précaires, les jeunes, les internautes sont ciblés. Cette volonté de favoriser la marchandise sur le citoyen est illustrée par le démantèlement du droit du travail et des libertés citoyennes, et dénote une volonté de revenir, par certains aspects, à une situation antérieure à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

On est passé de fichiers spécialisés à un objectif de fichage de la population (fichage ADN dans une logique scientiste.) Le fichier « base élève » dans les écoles, collèges et lycées permet un fichage de la population des jeunes jusqu’à l’âge de 30 ans. La connexion des fichiers est revendiquée. Les enseignants qui ont essayé de résister ont été réprimés par leur hiérarchie.

Le capitalisme a besoin d’un Etat pour protéger ses intérêts. On a bien vu comment l’Etat est intervenu immédiatement pour sauver les banques dans la crise économique que nous connaissons.

Au 19ème siècle, les gouvernements de droite ont toutefois mis en place des lois de protection sociale, « gardes fous » du marché pour protéger l’ordre social. Aujourd’hui, un mouvement de retour en arrière justifie l’utilisation de la justice au profit d’une seule classe. Les lois sécuritaires sont faites pour garantir un environnement de sécurité à la bourgeoisie mondiale en villégiature en France. La production étant délocalisée, l’objectif n’est plus de maintenir la paix sociale vis-à-vis de la classe ouvrière.

Paradoxalement, la droite réduit l’intervention de l’Etat (démantèlement de la fonction publique) et l’utilise seulement dans la défense des intérêts d’une seule classe.

Le problème est qu’en face il manque une classe qui aurait conscience de son unité.

Comment se positionnent les partis politiques dans ce contexte?

L’extrême droite est toujours bienveillante à l’égard du capital.

Le problème est l’incapacité de la gauche à retourner la pensée libérale et à avoir un débat démocratique sur la question de la propriété. Il est indispensable de penser la question de la propriété privée individuelle, celle du capital et de l’entreprise. (Le philosophe John Rawls propose des pistes à ce sujet.)

Si on prend l’exemple de l’agriculture, la crise alimentaire qui va survenir va entraîner une nécessité d’ approvisionnement local. On va être obligés de se réapproprier des terres localement pour produire. On pourrait imaginer que les choix de production soient faits selon un processus démocratique, au lieu d’une PAC (Politique Agricole Commune) européenne qui décide des choix de production sans aucune consultation démocratique.

Cette question a amené un débat plus large sur les dénis de démocratie dans notre société: gaz de schiste, réforme des retraites, vote contre le Traité Constitutionnel Européen, la liste est longue…

A quelle échelle pense-t-on une structure collective qui pourrait faire vivre une démocratie réellement participative? ce qui n’a rien à voir avec les simulacres de démocratie participative telles qu’on peut les déplorer dans une ville comme Montpellier par exemple.

On ne peut pas préjuger de ce qui serait « la bonne solution » à un problème. On peut par contre élaborer démocratiquement et collectivement une solution qu’on aura choisi, ce qui implique d’assumer une phase d’incertitude.

La force du libéralisme est l’utilisation par tous d’un champ lexical lié à l’individu et à un certain rejet de l’Etat.

Le souhait de réappropriation de la vie publique par les citoyens à un niveau local, qui a justifié la décentralisation, est un discours repris par toutes les institutions économiques internationales (OCDE, OMC, Banque Mondiale) en le présentant sous l’angle de l’autonomie et de la responsabilité des individus. (Ceux qui se revendiquent les plus libéraux aux USA s’appellent les libertariens.)

Un travail sur la sémantique est nécessaire en repensant la situation de l’individu comme faisant partie d’un collectif et pas seulement comme une individualité.

En effet, le libéralisme de marché ne respecte pas les libertés individuelles. La défense des libertés individuelles ne se conçoit pas sans défense des libertés collectives. Le droit est toujours le résultat d’un rapport de forces, aujourd’hui favorable à une oligarchie.

L’accès à la connaissance et la circulation d’information sur internet constituent aujourd’hui une liberté collective à défendre.

A l’issue des échanges, le collectif Reste à quai a présenté la suite de son action: résistance vis-à-vis de la loi et défense individuelle des personnes qui en seraient victimes. L’information la plus large sur le danger des lois sécuritaires est primordiale. La prochaine réunion du collectif aura lieu le vendredi 18 mars au local du NPA, 14 rue du commerce à Montpellier. Contact: reste.a.quai@gmail.com

Notes prises par Anne F


Intervention de Gérard pour le collectif Reste à quai lors de la manif montpelliéraine du 12 mars

Bonjour à tous et toutes et bravo pour avoir bravé les intempéries pour venir avec nous manifester votre refus des politiques sécuritaires.

Le collectif « Reste à quai », en référence à la mobilisation du 18 décembre, est composés d’individus, d’associations, de syndicats, d’organisations et de partis politiques.

Il a appelé aujourd’hui à ce rassemblement pour, une nouvelle fois, sensibiliser, informer et protester contre cette nouvelle pierre à l’édifice sécuritaire qu’est la loi LOPPSi2 (Loi d’orientation pour la performance de la sécurité intérieure) adoptée le 16 février dernier.

Loppsi 2 car nous avions déjà eu droit à Lopsi, mais aussi à LSQ (sécurité quotidienne), loi Perben1, Perben 2, loi sécurité intérieure etc…bref une dizaine de lois et d’innombrables décrets en 10 ans.

LOPPSI 2. Ce texte déposé par le gouvernement en mai 2009, comptait quarante-six articles. Il n’a cessé d’enfler au fil des lectures pour en comporter cent quarante-deux à l’arrivée et, il faut le rappeler, c’est sous l’impulsion du président de la République qu’un certain nombre de dispositions ont été intégrées après le discours de Grenoble en juillet 2010.

Alors aujourd’hui, contrairement au gouvernement et à son chef omnipotent, le Conseil constitutionnel n’est pas resté totalement sourd à la mobilisation qui s’est formée contre ce texte.

C’est vrai, ne boudons pas notre plaisir, Sarkozy et sa clique viennent de prendre une petite claque du Conseil Constitutionnel : 13 articles ont été retoqués – j’en ai relevé quelques uns :

1- la surveillance de la voie publique ne peut être déléguée à des personnes privées via l’exploitation de systèmes de vidéosurveillance ;

2- des prérogatives de police judiciaire ne peuvent être attribuées aux agents de police municipale qui ne sont pas soumis au contrôle de l’autorité judiciaire ;

3- les mineurs primodélinquants ne peuvent se voir appliquer des peines planchers ni être convoqués directement devant le tribunal pour enfants par le procureur ; de même, leurs parents ne peuvent être sanctionnés pénalement pour une infraction commise par leurs enfants.

4- les audiences relatives aux étrangers ne peuvent être tenues au secret, dans les centres de rétention administrative.

Pour finir article souvent symbole mais aussi malheureusement réducteur et trop souvent seul a être repris par les médias dominants:

5- les mal-logés et les gens du voyage installés sur des terrains pour y vivre ne peuvent être évacués de force sur simple décision préfectorale.


Mais ne nous y trompons pas le Conseil Constitutionnel ne s’oppose pas dans le fond à la surcharge des lois sécuritaires par les 129 articles qui restent encore valides.
Car il n’a rien trouvé à redire sur :

• l’extension et l’interconnexion des fichiers de police ;

• les peines planchers contre des personnes sans antécédent judiciaire ;

• le blocage de sites Internet sans intervention judiciaire ;

• le placement d’étrangers sous surveillance électronique mobile par l’autorité administrative, etc.

La droite et l’UMP peuvent encore aujourd’hui se satisfaire. Car elles progressent encore dans leur entreprise d’aggravation continue de l’arsenal répressif.

Leur jeu est clair : Toujours plus contrôler, surveiller, ficher, criminaliser pour mieux réprimer. Toujours plus de contrôle social et toujours moins de droits sociaux. Sarkozy et sa bande ne sont que les valets de l’ordre libéral capitaliste, ils mettent en place l’étau qui nous comprime pour mieux nous exploiter et exploiter les ressources au détriment de notre environnement. Leurs seuls but l’argent, les profits. Ils font de l’argent avec les caméras qui nous surveillent, et les prisons qu’ils nous construisent, Ils font de l’argent avec les emplois qu’ils détruisent ici pour mieux exploiter ailleurs.

Vous l’avez compris la décision du Conseil Constitutionnel ne peut donc nous faire oublier l’importance des combats qui restent à mener contre l’empilement des textes liberticides.

Le collectif « Reste à quai » s’inscrit dans cette démarche et appelle toutes les personnes ici présentes à rester mobilisées, à communiquer entre elles et autour d’elles, à construire au quotidien une résistance pour préserver nos libertés individuelles et collectives.

La liberté est notre bien à tous et à toutes

La solidarité est notre arme.

Merci.

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