Article réactualisé le 4 mars
Au Malzieu, une entreprise avec 51 salariés, « coopérative » laitière, propriété du groupe 3A (chiffre d’affaires en 2008 de plus de 800 millions d’€) veut licencier dans l’immédiat 33 salariés. Elle collecte le lait de près de 200 paysans. Certains d’entre eux, les plus petits, ont reçu leur « lettre de licenciement », leur lait ne sera plus collecté s’ils n’augmentent pas leur production.
Le groupe 3A s’est fait une spécialité du rachat des coopératives laitières – dont une autre que celle du Malzieu dans le nord de la Lozère (Chambon le Château), dans le Cantal (4) – et de les liquider en conservant les brevets et les marques.
La « coopérative » du Malzieu a bénéficié en 17 ans de plus de 4 millions d’€ de subventions européennes, régionales, départementales et communales. Le loyer du terrain, propriété de la commune s’élève à …1 €.
Le mardi 18 janvier, une réunion était organisée par le très sarkozien préfet de la Lozère qui avait invité les responsables du groupe 3A, la chambre d’agriculture, les élus locaux, mais pas les salariés. Ceux-ci étaient pourtant présents devant la préfecture et attendaient la sortie de leur patron qu’ils n’avaient jamais vu.
Sortie houleuse, raccompagnement inamical à la grosse berline par les salariés; celle-ci fut « emballée » comme un fromage avant d’être enfarinée et le pare-brise fut constellé d’œufs (entreprise alimentaire oblige !). Le départ ne put avoir lieu que grâce à l’aide de la police de Mende. Le mercredi 19 janvier, les salariés décidaient de bloquer le site jusqu’au samedi 22 jour de la manifestation au Malzieu.
Plus de 400 personnes dans la neige ont manifesté le samedi matin 22 janvier au Malzieu.
Avant, l’entreprise ne connaissait pas de syndicat. Le 22 janvier, les grévistes arboraient les badges et les drapeaux de la CGT, chantaient un des hymnes du mouvement des retraites : « on lâche rien », la Confédération Paysanne était présente aux côtés des grévistes et des producteurs présents.
Le député Morel à l’Huissier présent au début de la manifestation la quittait rapidement, ne supportant visiblement pas les drapeaux rouges de la CGT.
Lors de l’apéritif offert par les salariés de la laiterie, le maire et conseiller général du Malzieu, J-N Brugeron énuméra les subventions touchées avec son appui et celui de J Blanc par la coopérative. Discours surréaliste et plat qui aurait pu prêter à rire si la situation des salariés n’était aussi dramatique.
Mis à part la détermination des ouvrières et des ouvriers de la laiterie, ce qui frappe sans doute le plus dans ce mouvement, c’est la rapidité avec laquelle des ouvriers n’ayant pas de conscience syndicale, dans un coin perdu de Haute Lozère, arrivent en très peu de temps à comprendre leur appartenance à une classe sociale, à avancer des mots d’ordre de refus des licenciements, à pratiquer la démocratie, à tisser des liens de solidarité extrêmement forts, à organiser des blocages de la production.
Reconnaissons aussi le rôle remarquable des militant(e)s de l’union départementale CGT, très démocratique, très pédagogue dans le soutien aux grévistes.
Mi février une réunion de producteurs (150 participants) a eu lieu au Malzieu.
Tous les syndicats agricoles y étaient présents. Bien que le groupe 3A ait essayé de démobiliser les paysans avant cette réunion en leur envoyant un courrier les assurant de la collecte de leur lait ( le lait de brebis serait acheminé au pays basque!) et le lait de vache serait exclusivement utilisé pour la fabrication de parmesan. S’il demeure des doutes quant aux solutions à apporter pour faire face à cette situation, la défiance vis à vis du groupe 3A augmente, notamment au vu du projet présenté par le groupe qui présente la fabrication exclusive de parmesan comme la solution alors que il y a seulement un an c’était le produit qui était le moins rentable.
La confédération paysanne présente à cette réunion y a montré les aberrations du projet de 3A, et a défendu l’idée que le seul moyen d’obtenir le maintien intégral de l’outil de travail au Malzieu passait par une lutte commune entre les paysans et les salariés, et pourquoi pas d’une reprise de l’outil par les paysans et les salariés.
Mépris et trouille
Le jeudi 3 mars une réunion du comité d’entreprise était convoquée à la mairie du Malzieu à 14h.
Cette réunion était annulée au dernier moment, par les dirigeants du groupe 3A. Le préfet avait conseillé à ces derniers de ne pas venir, « étant dans l’incapacité d’assurer leur sécurité ».
Rien moins que ça. Il faut dire aussi qu’à la même heure, à quelques dizaines de kilomètres de là, dans le département voisin, Sarkozy venait faire son discours sur l’héritage chrétien de la France, et que toutes les forces de police de la région étaient mobilisées au Puy en Haute Loire.
Il faudrait donc, pour qu’un comité d’entreprise se tienne au Malzieu qu’une compagnie de CRS soit présente.
Cela en dit long d’une part sur le mépris des salariés qu’affiche le préfet Lacroix, mais aussi de la trouille affichée par le représentant de l’Etat et les dirigeants du groupe 3A.
Cette attitude à la fois méprisante et lâche, réunion le 18 janvier à la préfecture sans inviter les salariés, annulation au dernier moment du comité d’entreprise le 3 mars, prouvent s’il en était besoin encore que le représentant de l’Etat et du gouvernement est au service de 3A.
Les salariés de la laiterie ont besoin de notre soutien, il faudra répondre massivement aux prochaines manifestations de soutien dans les semaines qui viennent qui ne manqueront pas d’être organisées.
Le 3 mars une cinquantaine de paysans étaient présents. Les producteurs de lait sont tout aussi concernés que les salariés de la laiterie.
Ce soutien réciproque est indispensable, la direction de 3A fera tout pour faire croire que les intérêts des salariés et des paysans sont différents voire antagoniques.
Une situation significative
L’entreprise 3A fait des bénéfices, elle verse des dividendes à ses actionnaires. La laiterie du Malzieu a touché d’énormes subventions. 3A en a perçu d’autres très récemment pour son site de Toulouse.
Les conseils régionaux et les conseils généraux, la commune du Malzieu, financeurs doivent exiger le remboursement des diverses subventions.
Zéro licenciement.
Il faut une loi interdisant les licenciements dans les entreprises qui font des profits et l’ouverture des livres de comptes pour celles qui disent ne pas en faire.