17 janvier : Montpellier Sur la Comédie, plus de 300 manifestants (Midi Libre)
Tunisie : les forces politiques en présence (Le Monde)
Textes et vidéos à voir ci-dessous ainsi que d’autres documents régulièrement mis en ligne…
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17 janvier : Montpellier Sur la Comédie, plus de 300 manifestants (Midi Libre)
Tunisie : les forces politiques en présence (Le Monde)
16 janvier : manif de samedi à Montpellier en soutien au peuple tunisien (Midi Libre).
La famille Ben Ali se serait enfuie de Tunisie avec 1,5 tonne d’or (Le Monde)
« Nous sommes tous des hittistes » (L’Hérault du Jour)
15 janvier : chronologie, La révolution du Jasmin, de Sidi Bouzid à la fuite de Ben Ali (Libé)
Tunisie: la révolution confisquée par le triumvirat, par Taoufik Ben Brik (Slate)
Extrait :
Ben Ali a foutu le camp: foutez le camp, partisans du RCD! En laissant le pouvoir à ses compères, ceux-là mêmes qui l’ont accompagné tout le long de son règne sans partage, Ben Ali espère mettre en échec la révolution. Une révolution de palais suffira. Révolutionnaires de mon pays, marchez sur le triumvirat et extirpez le RCD, cette verrue sur le nez.
Vidéos : Notre ami Ben Ali (Rue 89)
Tunisie, Algérie… la théorie des dominos dans le monde arabe (Slate)
Des membres du clan Ben Ali réfugiés en région parisienne (Le Parisien)
La diplomatie française a défendu jusqu’au bout le régime tunisien (Le Monde)
Tunisie : communiqué pitoyable de la France sur la Révolution (Rue 89)
Algérie : Dans la tête d’un émeutier (El Watan)
14 janvier : Communiqué du NPA. Ben Ali en fuite, soutien à la révolution démocratique
Dernière minute : Ben Ali a quitté la Tunisie, le Premier ministre prend l’intérim (NouvelObs)
Soutenir l’insurrection de la Tunisie, par Alain Joxe (Mediapart)
Algérie. La révolte des exclus (NPA)
Profil bas pour le « clan des Tunisiens » (Oumna)
Video : Nicolas Sarkozy en Tunisie en 2008 (INA)
Algérie : les raisons d’un soulèvement (Diplo)
13 janvier : Vidéo Youtube : Dominique Strauss-Kahn, en visite à Tunis, en novembre 2008, décernait, au nom du FMI, de bons points au régime de Ben Ali : « En Tunisie les choses continueront de fonctionner correctement«
C’est la révolution des enfants de la balle, par TAOUFIK BEN BRIK Journaliste (Libé)
Ben Ali assassin, Sarkozy complice ! (NPA)
(L’Hérault du Jour)
10.000 avocats pour la Tunisie (Mediapart)
Non au savoir faire et aux techniques d’ingérence de Madame Alliot Marie (Rezocitoyen)
12 janvier : Tunisie, les gages de Ben Ali, symbole d’un « régime aux abois » selon le sociologue Vincent Geisser (Le Monde)
Vidéo Point d’actualité du NPA: les luttes en Tunisie et en Algérie (Youtube)
L’indécence au pouvoir : MAM offre l’aide sécuritaire à la Tunisie (Rue 89)
Vidéo : un Franco-Tunisien prof à Compiègne tué dans une émeute (Rue 89)
Tunisie: et si Ben Ali tombait? (Mediapart). Texte intégral en fin de page.
Communiqué unitaire
Premiers signataires : ATMF 34 (Association des Travailleurs Maghrébins de France 34), FTCR (Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives), Les amis de l’AMDH-Montpellier, NPA 34, FASE 34, CDTM 34,
RASSEMBLEMENT DE SOLIDARITE AVEC LES LUTTES POPULAIRES EN TUNISIE ET EN ALGERIE
Dimanche 16 janvier à 15h à la place de la comédie (en face de l’office de Tourisme)
· Nous affirmons notre solidarité sans faille avec le formidable mouvement de contestation en Tunisie et en Algérie.
· Nous dénonçons l’attitude des pouvoirs tunisien et algérien qui répondent aux manifestations par les balles, les arrestations, l’intimidation et la répression.
· Nous appelons à la libération immédiate et à l’arrêt des poursuites à l’encontre de tous les emprisonnés de ces mouvements comme de ceux qui l’ont précédé, notamment celui des révoltés du bassin minier de Gafsa, ainsi que les étudiants emprisonnés en raison de leur activité syndicale.
· Nous réclamons que les responsables de la répression, des violences à l’encontre de la population qui ont causé la mort et des blessures graves parmi les manifestants soient traduits en justice.
· Nous appelons à une mobilisation nationale et internationale d’ampleur en soutien à la révolte des peuples maghrébins.
· Nous faisons nôtres les mots d’ordre scandés dans les manifestations en Tunisie et en Algérie :
Pour le droit au travail et le droit de gagner sa vie dignement ;
Pour une juste répartition des richesses ;
Contre la corruption et le népotisme.
INFOS sur le site national du NPA:
ALGÉRIE : DÉCLARATION DU PARTI SOCIALISTE DES TRAVAILLEURS (PST)
Communiqué du NPA. Répression en Tunisie : halte à la complicité du gouvernement français
COMMUNIQUÉ DU NPA
RÉPRESSION EN TUNISIE : HALTE À LA COMPLICITÉ DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS.
mardi 11 janvier 2011
Les forces de répression font preuve d’une violence et d’une brutalité inouïe à tel point qu’elles n’hésitent pas à tirer sur la foule des manifestants, voire sur les cortèges funéraires.
Le régime du dictateur Ben Ali est dénoncé maintenant comme le responsable du chômage, de la misère, de la confiscation des libertés les plus élémentaires, de la corruption qui permet l’enrichissement d’une petite clique au pouvoir à commencer par sa famille et celle de sa femme.
Président en exercice depuis 27 ans, Ben Ali s’en est pris violemment aux manifestants dans son dernier discours, n’hésitant pas à les traiter de « terroristes » ce qui laisse augurer de la poursuite d’une répression féroce.
Dans ces conditions, le quasi silence, la passivité du gouvernement français est intolérable. Pire, Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture, vient de déclarer, ce matin, que Ben Ali était « mal jugé et qu’il avait fait beaucoup de choses ».
Alors que les manifestations continuent avec leur lot de morts, de blessés, d’arrestations, que les libertés sont baillonnées, cette déclaration d’un ministre responsable national de l’UMP, appelé à travailler au projet de Sarkozy pour la présidentielle de 2012, est un aveu de complicité avec le dictateur tunisien.
Le gouvernement français fait passer ses petits arrangements entre amis avant les exigences légitimes du peuple tunisien qui n’en peut plus de ce vieux dictateur.
Le NPA 34, sera présent au rassemblement
le dimanche 16 janvier à 15h à la place de la comédie (en face de l’office de Tourisme)
Solidarité avec les travailleurs et les jeunes de Tunisie !
La révolte sociale qui s’étend à travers la Tunisie est le résultat de l’échec de la politique libérale antisociale du régime policier de Ben Ali.
Ces révoltes ne sont pas des actes isolés.
Exclues du « miracle économique » présenté comme vitrine du régime, les populations de plusieurs régions de Tunisie manifestent et se soulèvent pour exiger des emplois, la fin de la corruption, du favoritisme et de l’injustice. Des travailleurs, des syndicalistes ont organisé des manifestations de soutien dans différentes villes Bizerte et Tunis, Nabeul et Sfax Sousse ….
La colère populaire contre la vie chère et la marginalisation sociale démasque la vitrine du libéralisme proposée par le FMI et la Banque mondiale. Elle rappelle le chômage massif des jeunes et la dégradation des conditions de vie des masses populaires à travers tout le Maghreb.
La seule réponse des autorités est la répression : arrestations massives, tortures, quadrillage par la police et l’armée qui n’hésitent pas à tirer à balles réelles sur la foule, causant des morts et des dizaines de blessés.
Le NPA 34 affirme son plein soutien aux luttes légitimes des travailleurs et des jeunes tunisiens pour l’emploi, la dignité et contre les méfaits de la politique capitaliste libérale qu’ils subissent depuis un quart de siècle.
Le NPA 34 appelle à la solidarité nationale avec le peuple tunisien en lutte pour exiger l’arrêt de la répression, la libération des personnes arrêtées, le départ des forces de police et de l’armée et le rétablissement des libertés démocratiques confisquées.
TRACT DU NPA
Soutenons la lutte des populations de Tunisie et d’Algérie!
Contre la misère et la répression, la révolte!
Dans les deux pays, la liste de victimes de la répression étatique ne cesse de s’allonger. Si les causes immédiates de la révolte y sont différentes, les raisons profondes en sont les mêmes refus de :
– la misère et du chômage dans lesquels est précipitée une grande partie de la population, tandis que la minorité mafieuse participant au pouvoir s’enrichit en toute impunité,
– la corruption et le népotisme érigés en norme de fonctionnement de l’appareil d’Etat,
– les recettes appliquées depuis des années par les néolibéraux et sociaux-libéraux du FMI, de la Banque mondiale et de l’Union pour la méditerranée (surexploitation, casse des services publics, privatisations…).
– les incessantes attaques contre la liberté d’expression et les libertés syndicales dans ces deux Etats policiers.
Si ces deux régimes ont pu jusqu’à présent se maintenir face au mécontentement massif de la population, c’est en grande partie parce qu’ils reçoivent depuis des années le soutien des gouvernements qui se sont succédés dans les pays occidentaux, trop contents de pouvoir disposer sur place d’une main d’œuvre à bas prix.
Pas étonnant que dans ces conditions, des millions de maghrébins ne voient d’autre solution que de prendre le chemin de l’exil, au péril de leur vie, pour ensuite être surexploités dans les pays occidentaux qui fabriquent ainsi des sans-papiers.Organiser la solidarité
Face à tant d’injustices et d’exploitation, les peuples de Tunisie et d’Algérie se soulèvent aujourd’hui. Il est du devoir du mouvement ouvrier français de les soutenir, comme le fait pour la Tunisie, le collectif constitué depuis deux ans par la CGT, la CFDT, la FSU, et l’Union syndicale Solidaires.
L’heure est à la constitution en France d’un vaste rassemblement de toutes celles et ceux qui, aux côtés des organisations de l’émigration maghrébine, veulent apporter leur soutien aux jeunes, aux salariés, aux chômeurs, aux femmes, aux défenseurs des droits de l’Homme, aux petits paysans qui, de l’autre côté de la méditerranée se battent dans des conditions difficiles. C’est ce que tente de faire, par exemple, le collectif « Maghreb solidarité » ou tout récemment le « Collectif Sidi Bouzid ».
Le quasi silence du gouvernement français est intolérable. Pire, Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture, a étalé sa complicité en déclarant que Ben Ali était « mal jugé et qu’il avait fait beaucoup de choses ».
Tous ensemble, nous pouvons contraindre le gouvernement Sarkozy et l’Union européenne à ne pas se contenter de verser des larmes de crocodiles sur les morts. Qu’ils cessent enfin de soutenir à bout de bras ces deux régimes en renonçant à leurs petits arrangements néo-colonialistes.
Tunisie: et si Ben Ali tombait? (Mediapart)
12 Janvier 2011 Par Pierre Puchot
C’est la rumeur du jour, qui court autant dans les cafés, qu’au sein des sections des partis d’opposition, comme au cœur de la puissante organisation syndicale UGTT… Dépassé par les événements, le président Ben Ali préparerait son départ. Sur quoi se base cette rumeur ? Autant sur la propagation du mouvement qui a gagné la banlieue de Tunis, mardi soir, et paralysé la ville de Sfax mercredi, que sur l’incapacité du président à y faire face. Alors, après 24 ans de pouvoir, celui qui avait promis en déposant son prédécesseur de mettre fin à la «présidence à vie», pourrait-il enfin laisser la place ?
Au-delà des comparaisons hasardeuses avec l’effondrement du régime de Ceaucescu en 1989, qui ont fleuri dans la presse internationale dès la fin du mois de décembre, plusieurs facteurs internes peuvent laisser croire à un tel scénario.
* Un mouvement d’une ampleur inédite
Depuis 1984 et un mouvement qui avait précédé le basculement du régime d’un Bourguiba physiquement épuisé et déconnecté de son peuple, aucune agitation semblable n’a secoué la Tunisie. C’est aujourd’hui l’ensemble du pays, chaque région, chaque ville moyenne qui manifeste, rendant désormais impossible le recensement des cortèges et des actions militantes, tant elles sont nombreuses.
Les émeutes ne sont plus simplement le fait des régions du sud et du centre-ouest de la Tunisie, mais atteignent Tunis et se rapprochent des centres du pouvoir. Plusieurs manifestations d’artistes, de syndicalistes et d’avocats se sont tenues mardi dans les rues de la capitale. Des émeutes ont eu lieu jusque mercredi matin à moins d’un kilomètre de Carthage ville et du palais présidentiel. Mardi soir, l’armée a été déployée pour la première fois à Tunis et dans une banlieue populaire.
Les forces de l’ordre ont tiré en l’air en guise de sommation pour disperser une foule qui mettait à sac des bâtiments dans le faubourg ouvrier d’Ettadamen. À l’hôpital de Tunis, où Mediapart a joint un responsable mercredi à 15h, aucun décès par balle n’avait été enregistré en provenance de ces quartiers. Selon un témoin anonyme cité par l’AFP, deux personnes ont été tuées mercredi à Douz, au sud le Tunisie. «Les victimes sont Hatem Bettaher, un enseignant universitaire» franco-tunisien dont Mediapart a obtenu la confirmation du décès, « et Riad Ben Oun, un électricien», a précisé ce témoin, qui ajoute qu’ «entre quatre et cinq autres habitants ont été blessés, dont certains grièvement.»
Mercredi soir, le pouvoir décrétait un couvre-feu à Tunis et dans ses banlieues, reconnaissant des troubles persistants dans «certains quartiers».
A Sfax, deuxième ville du pays, une manifestation a réuni entre 15.000 et 50.000 personnes, selon les informations recueillies par plusieurs témoins joints mercredi après-midi par Mediapart. Déployées sur place, les forces de police n’ont pu empêcher les manifestants de s’en prendre au local du Rassemblement constitutionnel démocratique, parti du président Ben Ali, dont une partie aurait brûlé.
Outre les grèves générales votées à Sfax et dans la région de Sidi Bouzid, la capitale devrait être paralysée vendredi matin, entre 9h et 11h, comme en a décidé le vote de la section locale UGTT de Tunis. La branche des enseignants a décidé, elle, de cesser le travail. En moins d’une semaine, l’ensemble du territoire tunisien se retrouve touché par une grève générale qui, au dire de tous, n’en est qu’à ses débuts.
Le basculement de l’UGTT
Pour le mouvement, c’est le relais qui peut tout changer. Unique centrale syndicale du pays, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) revendique 500.000 adhérents, principalement dans le secteur public. Fidèle au régime depuis la fin des années 1980, elle avait soutenu… la réélection du président Ben Ali en 2009.
Son rôle depuis le début mouvement, le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid, est cependant tout autre. De nombreux débats ont d’abord été organisés partout dans le pays dans les locaux des sections régionales, ce qui a conduit fin décembre le secrétaire général de l’UGTT à menacer de poursuites pénales les adhérents qui participaient à de telles réunions.
Au lendemain de Noël, le mouvement, qui s’appuyait sur quelques branches dissidentes du syndicat comme celles des PTT ou de l’enseignement primaire et secondaire, a peu à peu gagné toutes les branches de la centrale. L’UGTT, qui avait suspendu plusieurs syndicalistes de Gafsa, lors du mouvement du bassin minier de 2008 qui avait paralysé toute la région pendant six mois, a tiré les enseignements du passé, selon le secrétaire général des médecins, Khalil Zaouia, affilié à l’UGTT :
«Cette semaine, dit-il, après la réunion extraordinaire de tous les délégués régionaux de lundi, une première, le syndicat a joué son rôle. Si elle n’a pas appelé à une grève générale pour éviter l’embrasement, la commission administrative a laissé à chaque section régionale le soin de se prononcer, sachant très bien que toutes allaient embrayer. L’UGTT demeure cette organisation très puissante qui peut bloquer par exemple les transports en une demi-journée. Elle le montre aujourd’hui.» Un retour, en fait, aux années 1970, lorsque l’UGTT constituait un syndicat d’opposition, avec lequel le pouvoir devait compter.
o Un modèle économique qui s’effondre, une classe moyenne qui souffre
Si, le 17 décembre, le jeune Mohamed Bouazizi s’est immolé par le feu, c’est avant tout parce que malgré ses diplômes, il ne parvenait pas à nourrir sa famille. Les Tunisiens, qui n’épargnent certes pas la famille Ben Ali-Trabelsi, se battent avant tout pour davantage de justice sociale et la redistribution d’une richesse nationale dont les habitants du centre du pays et du sud s’estiment exclus. C’est aussi le signe de la fin d’un modèle économique, dont le FMI et Dominique Strauss-Kahn continuaient fin 2010 à vanter les mérites.
Interdite de territoire tunisien depuis la sortie de son livre en 2006, La Force de l’obéissance. Économie politique de la répression en Tunisie, la chercheuse de Sciences-po, Béatrice Hibou, est l’une des rares à pointer depuis le début des années 2000 la déchéance de ce qu’elle appelle le «pacte de sécurité» de Ben Ali :
« Dès 2002-2003, explique-t-elle à Mediapart, on a vu que ce système, qui consistait à faire accepter l’autoritarisme et la répression par un accès relatif de la population à la modernité et à la consommation, s’est effondré avec la crise économique. Derrière ce miracle économique que l’on vantait, il y a les entreprises offshore du textile, puis les call center, qui s’installent un an, puis partent ailleurs, garantissant des salaires parfois misérables, et de moins en moins d’emplois pour les jeunes, notamment les jeunes diplômés. Le tourisme et ses créances douteuses ont également contribué à la crise en gangrenant le système bancaire. Nous sommes un peu aveugles aujourd’hui sur la classe moyenne et sa capacité à se mobiliser contre le régime, mais il est évident qu’elle a beaucoup souffert ces dernières années. Autre catégorie mécontente, la bourgeoisie classique, qui s’est peu à peu fait supplanter dans les affaires par les clans, et notamment celui de la femme du président, Leila Trabelsi.»
o Fait inédit, Ben Ali monte au front, mais sans stratégie
Ces dernières années, les interventions télévisées du président Ben Ali se comptaient sur les doigts de la main. En moins de deux semaines pourtant, le 28 décembre et le 10 janvier, le chef de l’Etat tunisien s’est adressé par deux fois à ses concitoyens. Pour leur dire quoi ? Qu’il allait «frapper fort» contre les terroristes et les fauteurs de troubles, et créer 300.000 emplois dans l’année.
Ces propos ont davantage galvanisé que calmé l’opposition, et ils ont suscité la critique publique dans son propre camp, au sein du RCD comme de l’UDU, parti de la majorité présidentielle qui a réclamé l’arrêt de l’usage de la violence contre les manifestants civils. Ce mercredi, deux jours après son discours, le président a limogé son ministre de l’intérieur, sans que son renvoi soit motivé.
Le président a également annoncé la libération de tous les manifestants arrêtés depuis un mois, mais a décidé le même jour de faire arrêter l’emblématique Hamma Hamami, porte-parole du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT), aussi populaire qu’inoffensif.
Fin décembre, le président avait déjà remplacé deux ministres et trois gouverneurs par… des proches du régime.
Sans stratégie politique, sans programme économique crédible, coincé par l’impopularité de sa femme, Leila Trabelsi, figure du népotisme économique de la famille présidentielle, le président Ben Ali semble désormais dépassé par un mouvement dont il n’a pas saisi l’ampleur, et qu’il n’a pas vu venir.
o Le rôle incertain de l’armée
Ben Ali ne se débarrasse pas que des ministres et des gouverneurs régionaux. Il a également démis de ses fonctions, dimanche 9 janvier, le chef des forces armées terrestres. Une décision remarquée, dans un contexte aussi agité. Sa faute ? Avoir publiquement demandé l’arrêt des tirs contre les civils. Depuis le début du mouvement, l’armée n’a pas pris part aux meurtres de civils dont s’est rendue coupable la police, que ce soit lors de la manifestation de Tunis du 24 décembre (deux morts par balles) ou lors du week-end précédent, où, à Kasserine, Thala et Regueb, dans le centre-ouest du pays, les tirs des policiers et de snipers auraient conduit à la mort d’au moins 35 manifestants.
Plusieurs municipalités, dont celle de Regueb, ont ainsi demandé officiellement le renfort de l’armée pour les protéger des policiers. Et lorsque les soldats prennent le relais des forces de police, comme la nuit de mardi à mercredi, dans les rues de Tunis, aucun mort n’est à déplorer, du moins selon les informations dont Mediapart disposait mercredi soir. Jusqu’ici, le régime de Ben Ali ne paraît donc pas pouvoir s’appuyer sur les militaires dans sa volonté de mettre un terme par les armes au mouvement social tunisien.
Ben Ali et son régime peuvent-ils s’effondrer à la faveur du puissant mouvement social tunisien? Deux obstacles empêchent pour l’heure la réalisation d’un scénario qui, fin 2010 encore, paraissait totalement improbable.
o L’immense machine à réprimer de Ben Ali est toujours en place
En dehors de l’armée, entre 80.000 et 120.000 personnes, selon les estimations, sont employées par l’Etat tunisien pour assurer le contrôle de la population. Un habitant sur 100. Grâce à ces «fonctionnaires de la répression», l’Etat tunisien dispose toujours d’une formidable machine à collecter des informations, et peut s’en servir contre les opposants au régime. Reporters sans frontières l’a d’ailleurs inscrit depuis 10 ans sur sa liste noire des cinq pays les plus répressifs du monde, ce qui met la Tunisie dans le même sac que la Birmanie ou la Corée du Nord. La moindre réunion publique continue d’être étroitement encadrée par la police locale. Et il n’y a aujourd’hui aucun moyen de savoir comment cet appareil répressif réagira à la déstabilisation d’un régime qui l’a créé, et qui le nourrit.
o La faiblesse de l’opposition politique
À force d’arrêter régulièrement les dirigeants des partis politiques, de torturer et de contraindre à l’exil les militants du parti islamiste Nahda, d’inféoder les petits partis de notables locaux, d’intimider et de harceler les militants du Parti démocrate progressiste et d’interdire les réunions du Parti communiste, Ben Ali est parvenu à vider l’espace politique tunisien de toute organisation partisane crédible. C’est l’une des raisons qui expliquent sa longévité.
C’est aussi l’élément qui pèse sur l’actuel mouvement social, qui doit s’en remettre presque entièrement au syndicat unique pour garantir sa permanence. «L’UGTT, qui est un syndicat, garde des contacts avec Ben Ali, et n’est pas prêt encore à demander son départ, juge Khalil Zaouïa, secrétaire général du syndicat des médecins, affilié à l’UGTT. Le comité central n’est pas encore prêt à cela. Et en théorie, ce n’est pas son rôle. Le problème, c’est que du côté des organisations partisanes, il n’y a personne. Le PDP, par exemple, c’est de l’agitation médiatique, il ne pèse pas sur le terrain.»
L’Alliance pour la citoyenneté, qui regroupe de minuscules partis d’opposition, et le collectif des associations tunisiennes, comme celle des femmes, qui lutte dans l’ombre depuis deux décennies contre le régime, doivent rencontrer le secrétaire général de l’UGTT dans les prochaines heures. Sans que l’issue de la réunion puisse apparaître comme un élément décisif pour l’avenir de la Tunisie.
«Aucune force, l’UGTT mis à part, n’est capable d’appeler à la grève générale, ou de renverser le régime par les armes, juge Khalil Zaouïa. Pour que le régime tombe, il faudra une nouvelle composante, une intervention extérieure, Tout le problème, c’est que nous n’avons pas la moindre idée aujourd’hui de ce que cela pourrait être. Maintenant, celui qui vous dira qu’il a vu monter ce mouvement est un menteur : personne n’aurait pu imaginer, il y a trois semaines que le régime serait sérieusement menacé. Je pense donc sincèrement que nous ne sommes pas au bout de nos surprises.»